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Quartier type du « Mellah »

I. A travers la littérature érotologique arabe

2. La pédagogie de la sexualité, axiologie de la procréation : Erotologie et consultation juridique, « Fatawi »

Sur la légèreté des femmes, historiette racontée par Abou Midian El-Fâssi,

Dans « Madjmou’az-zarf » :

« Un individu trouva sa mère avec un homme : il la tua. On lui dit :

-« Pourquoi n’as-tu pas tué l’homme et épargné ta mère ? »

-« J’aurais été obligé de tuer un homme tous les jours », répondit-il ».

Basset, MUCRL, « Les milles et unes nuits », p.99142.

La littérature érotique arabe est l‟une des plus fécondes au monde. Nous citerons ici, son exemple, le plus réputé en occident, à savoir « Al Layla walayla », popularisé dans sa traduction « Les milles et unes nuits », datant du Xème siècle. Pour un auteur comme M. Chebel, cette littérature démontre combien une certaine forme de libertinage était en vigueur dans les pays arabes et plus extensivement dans le monde musulman.

« La symbolique de la littérature érotique arabe ne relève pas, avons-nous suggéré, des niveaux d’opposition dans l’univers politique des arabes mais renvoie également aux mécanismes inconscients de leur culture, de leur philosophie et de leur mentalité. Ces mécanismes se fondent essentiellement sur des contenus de pensée, eux-mêmes sous-tendus par le dogme coranique et les « dits » du prophète (Hâdiths). A partir de ce contexte initial, toute démarche exégétique va se mettre en branle et fournir l’ensemble de la législation dont l’axe giratoire est la loi coranique (Chari’a), véritable paradigme de l’univers arabo-musulman et berbère. »143

142

Cité par Chebel M., in « Encyclopédie de l’amour en Islam », Tome II.

143

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Du fait de la sacralisation opérée par l‟Islam de la sexualité, considérée comme acte de foi, aumône144, dans l‟institution du mariage, les jurisconsultes, théologiens, hommes versés dans les sciences coraniques, ne pouvaient laisser de côté, les questions liées à la pratique sexuelle, dans ce contexte initial.

Les traités d‟érotologie issus de ces réflexions et visant un caractère pédagogique, mettaient au premier plan la technicité de l‟acte sexuel au détriment de ses dimensions vitales d‟épanouissement. Pour M. Chebel, « l’érotologue et ses commentateurs éludent savamment les

questions épineuses et ne cherchent guère à savoir si la femme est satisfaite des performances de son partenaire, ou même si elle est consentante. »145 Ainsi, dans cette littérature, la femme se trouverait réduite à un statut objectal, visant l‟axiome existentiel universel à toute religion, et donc aussi au dogme musulman, à savoir la procréation.

Or, le point de vue de A. Dialmy, sur ce sujet, vient contredire en partie, cette affirmation ; Estimant, quant lui, que l‟érotologie expose en détail l‟ensemble des positions sexuelles connues, en mettant l‟accent sur la nécessité, pour l‟homme, de les connaître toutes, afin de pouvoir se mettre au service d‟un désir féminin amplifié par l‟imaginaire arabo-islamique. Ainsi, l‟érotique produirait la femme comme Maître. Ce, même si l‟homme reste, dans sa relation à l‟épouse, le maître initiateur.

Nous envisageons, ce point comme la perspective dans l‟érotologie arabe, d‟une reconnaissance d‟un désir sexuel féminin, mais construit sur la base de l‟imaginaire masculin, et ne laissant pas place à une parole des femmes sur leur désir.

L‟auteur, ajoute sur ce point, que la consultation juridique conçoit, elle aussi, l‟époux, comme le Maître dans le rapport conjugal, confirmant alors l‟excellence de la position dite « normale » (la femme couchée sur le dos et l‟homme allongé sur elle, de face) : « Elle est la

meilleure…Elle est celle que préfère la femme au moment du coït…Quant à la position où la femme monte sur l’homme, elle peut causer des ulcères de la vessie et l’urètre.»146

La littérature contemporaine publiée dans les pays arabe, est en flagrante contradiction avec ces représentations de la sexualité en Islam. Pour des auteurs, comme Fadila M‟Rabet ou Yamina

144

“Çadaqa”.

145

Chebel M. Ibid, op. cit. p.183.

146

Affirmation juridique de Ibn Ardun, cité in Dialmy A. (1988). La femme et la sexualité au Maroc, Casablanca, Eddif.

Fekkar147, ce serait le patriarcat qui réduirait la femme à un besoin de tutelle permanente ; L‟Islam, quant à elle, idée pure, la marginaliserait à cause des souillures de son corps. « Dans

cette situation, l’aspiration de la femme à une spiritualité personnelle ne peut s’exprimer que lorsque son corps n’est pas une entrave à la perception de son être. »148

C‟est dans les années 80, que cette vision féministe de la sexualité en terre d‟Islam émerge, avec entre autre, la thèse de Nawâl al-Sa‟dâwî, « La face cachée d’Eve », « thèse à la fois

dénonciatrice et apologique d’un Islam originel libérateur pour les femmes, interdisant la pratique barbare du meurtre des filles, et assurant à la femme sa part d’héritage, mais ultérieurement trahi par les Clercs et l’idéologie patriarcale. »149

Le corps féminin a de tout temps occupé une place essentielle, dans l‟imaginaire, en tant que base anatomique, définissant l‟identité sexuelle, fondée sur le genre, fixée par Dieu, et inscrite dans ce corps.

« Ghaliat al mmawa-idh », qui signifie : « Dieu a maudit ceux qui changent les frontières de la

terre (…) »150

«Face à l’aridité des rapports intersexuels, tels qu’ils sont édictés par le législateur

musulman, la littérature érotique se présente comme un stimulant du fantasme collectif ; Toujours faut-il, à chaque époque, la réécrire et la reformuler en vertu des dynamiques sociales environnantes et du projet sexuel de l’individu »151

En tout état de cause, pour de nombreux auteurs, la morale sociale dominante au Maroc, se trouve inspirée d‟une perception faussée de l‟Islam, empêchant les gens d‟exposer et débattre sur des questions sexuelles, devenues tabous dans l‟ordre du désir et du plaisir. Les questions se tournant davantage sur les aspects hygiénistes de la sexualité (Fertilité, Sida, …), mettent de côté l‟épanouissement de l‟individu dans la sexualité, pourtant envisagé dans l‟Islam.

147

In « Le Maghreb musulman en 1979», CRESM/CNRS, 1981, p.135-146.

148

Ibid. Op. cit. p.145.

149

Lagrange F. (2008). Islam d’interdits, Islam de jouissance, Paris, Téraèdre. Ouvrage publié avec le concours de l‟Institut d‟Etudes e l‟Islam et des Sociétés du monde musulman, p. 13.

150

Aloussi Z., Le Caire 1911, p.5-6, traduction A. Boudhiba. Cité in Dialmy A. (1995). Logement, Sexualité, Islam, op.cit.p.228.

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Des structures d‟incohérence entre les dimensions sociales et culturelles se laisseraient entrevoir, dans la définition de la sexualité, ce pouvant induire clivage et dangerosité vers une extrêmisation des pratiques, tant du côté des hommes que de celui des femmes. La féminisation du désir lancée par les mouvements réformistes participant à propulser les femmes dans une sexualité coupable, honteuse, ou revendicative, car plus inféodée à l‟imaginaire masculin.