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Les protéines « du stress »

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 138-144)

environnementales après traitement canalaire

4. Les protéines « du stress »

La physiologie et la pathogénicité d’un micro-organisme sont influencées par les conditions environnementales qui l’entourent. Quand l’environnement bactérien est modifié, on dit que la bactérie subit un stress environnemental capable de remettre en jeu sa survie. Elle synthétise alors des produits ou protéines incorrectes dites dénaturées. En réponse, la bactérie résistante active également ou amplifie la synthèse de protéines spécifiques appelées « heat-shock protein » (HSP) ou protéines de « stress » capables, entre autres, de diriger la dégradation de ces protéines dénaturées. Selon les conditions environnementales, chaque protéine n’est pas transcrite dans les mêmes proportions. Le but unique est la survie de la bactérie dans un contexte environnemental qui s’est modifié, le temps qu’elle se réadapte à son nouvel environnement (réponse adaptative). C’est une sorte de « moyen de transition » (Siqueira and Rôças, 2008).

Ces protéines ont été mises en évidence chez Streptococcus mutans et Streptococcus oralis, comme étant produites en présence d’une température élevée et/ou d’un pH extrême (conditions de stress environnemental). Ces protéines sont notamment transcrites par Enterococcus faecalis en présence d’un pH alcalin.

130 Par exemple, on note une augmentation de la concentration de HSP proportionnellement à l’augmentation de la profondeur d’une poche parodontale. Dans ce cas, la diminution de la teneur en oxygène contribue à créer un stress environnemental.

Ces protéines ont à la fois un rôle d’assemblage et de pliage d’autres protéines (protéines chaperonnes) mais aussi un rôle de dégradation des protéines toxiques ou endommagées (protéases). Ces protéines du stress seraient aussi responsables des dommages tissulaires observés à l’apex d’une dent infectée. Elles interviennent aussi dans la modulation de la synthèse de protéines, la régulation des kinases, l’association à des enzymes pathogènes et la participation au déclenchement de pathologies. La majorité des protéines de stress interviennent sur les fonctions physiologiques des bactéries (Chavez de Paz, 2004).

Ce sont donc des éléments clés dans la pathogénicité d’un certain nombre d’infections telles que les parodontopathies et les pathologies endodontiques (Goulhen and al., 2003).

Figure 41 : production de protéines de stress par les bactéries soumises à un stress environnemental. Ces protéines sont excrétées dans le milieu extracellulaire et ont un effet bénéfique pour la communauté microbienne (Chavez de Paz, 2004).

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5. Les adaptations aux agents antimicrobiens

a. La modification de la forme bactérienne

Le premier phénomène d’adaptation dont nous pouvons parler est la modification de la forme de la bactérie. Certaines solutions, telles que le fluorure de sodium à 0,2%, provoquent des modifications phénotypiques à l’origine de modifications de forme des bactéries. Ce serait une façon pour la bactérie de résister à l’agent agresseur (Bergenholtz and al., 2003).

Pour répondre au niveau faible de nutriments et à une compétition intense, de nombreux micro-organismes améliorent leur capture de nutriments et leur exploitation des ressources disponibles. La morphologie de l’organisme se modifie pour augmenter la surface et la capacité d’adsorption des nutriments, avant de diminuer leur métabolisme. Ainsi, un micro-organisme peut séquestrer un nutriment limitant dans sa cellule et le rendre moins disponible pour les autres micro-organismes. Il s’agit d’un exemple de compétition bactérienne (Prescott and al., 2003).

Figure 42 : modifications de forme de Lactobacillus paracasei après avoir subi un traitement au fluorure de sodium à 0,2% (Chavez de Paz, 2007).

b. Le transfert de résistance

Le transfert horizontal d’ADN peut se faire de trois manières :

• la transformation : où l’ADN bactérien présent dans le milieu extracellulaire est absorbé ou phagocyté simplement par la bactérie réceptrice ;

• la transduction : où l’ADN entre dans la bactérie grâce à une tierce molécule telle qu’un virus (bactériophage) ;

• la conjugaison, qui se différencie des deux autres modes, par le fait qu’il faut un contact étroit entre la bactérie donneuse et la bactérie receveuse. C’est le mode de transmission le

132 plus fréquent. La conjugaison peut avoir lieu par l’intermédiaire d’un plasmide ou d’un transposon (Waters, 2001).

Le transfert d’ADN par conjugaison peut avoir lieu entre deux espèces bactériennes différentes. Il fait intervenir la formation d’un pili sexuel permettant le contact étroit entre les deux micro-organismes et ainsi l’échange de plasmides. Il s’agit d’un transfert horizontal de matériel génétique s’opposant au transfert vertical qui a lieu lors des divisions cellulaires successives (Sedgley and al., 2008).

Les plasmides sont des réplications de l’ADN bactérien présent dans le cytoplasme du micro-organisme. Un plasmide est une molécule d’ADN distincte de l’ADN chromosomique et capable de réplication autonome. Les plasmides participent aux transferts horizontaux de gènes entre les populations bactériennes et à la une transcription massive de ces gènes conférant des avantages sélectifs (par exemple des résistances aux antibiotiques et des facteurs de virulence).

La mobilité des plasmides (par conjugaison) au sein des populations bactériennes accroît le spectre d’hôte des gènes impliqués dans la virulence et la résistance bactérienne notamment. Ces gènes offrent en contrepartie un avantage sélectif pour le plasmide et les bactéries hôtes. On conçoit donc la nature quasi-ubiquitaire et persistante des plasmides chez les bactéries pathogènes.

Le système de « quorum-sensing » intervient dans la modulation de ces transferts d’ADN. La conjugaison de plasmides par Enterococcus faecalis fait intervenir la production de phéromones par la bactérie demandeuse. Une fois, le plasmide acquis par la bactérie réceptrice, la production de phéromones peut cesser et ce micro-organisme « receveur » peut transcrire de nouveaux gènes après modification de son phénotype (Clewell and al., 2002).

Figure 43 : schématisation du transfert de plasmide sous l’action de phéromones. Les phéromones jouent le rôle d’adhésines de surface et permettent l’agrégation bactérienne entre une bactérie « donneuse » et une bactérie « réceptrice ». L’agrégation bactérienne est suivie de la mise en place d’une chaîne de conjugaison et du transfert du plasmide (Sedgley and Clewell, 2004).

133 Figure 44 : transfert d’ADN par l’intermédiaire de plasmides de conjugaison entre deux bactéries à Gram - (Fouad, 2009).

Ce transfert d’ADN a lieu spontanément et est d’autant plus important que les conditions environnementales de survie deviennent difficiles. Un transfert de résistance bactérienne par l’intermédiaire de plasmides entre les micro-organismes du biofilm a été mis en évidence par Sedgley (2008) (résistance aux antibiotiques notamment). L’élaboration du biofilm bactérien est indispensable au transfert de résistance entre les bactéries (Fouad, 2009). La proximité bactérienne à l’intérieur du biofilm augmente les opportunités de transfert de gènes (Distel and al., 2002).

Il peut s’agir d’un transfert de gènes codant pour les cytotoxines, les adhésines ou bien des enzymes métaboliques. La virulence d’Enterococcus faecalis en dépend et met en jeu :

• sa capacité de sécrétion de certains facteurs tels que la cytolysine ou la gélatinase ;

• la présence d’adhésine de surface telle que la protéine Esp ou une adhésine spécifique du collagène (Ace), substance intervenant dans l’agrégation bactérienne ;

• une structure favorable (capsule polysaccharidique) (Sundqvist and Figdor, 2003).

Les acides lipotéichoïques de cette bactérie servent de facteurs de virulence en déclenchant une réaction inflammatoire et en permettant le transfert de plasmides (Estrela and al., 2009).

Enterococcus faecalis produit également des plasmides en réponse à certaines phéromones capables de transférer sa résistance pour la streptomycine et la tétracycline (Flannagan and al., 2008). Il y a un transfert de gènes concernant la résistance à l’érythromycine entre Enterococcus faecalis et Streptococcus mutans, et ceci aussi bien dans un sens que dans l’autre (Sedgley and al., 2008). Cette bactérie permet à d’autres bactéries de survivre dans un canal ayant subi un traitement radiculaire (Fusobacterium nucleatum, Peptostreptococcus anaerobius par exemple).

134 Le transfert horizontal des gènes codant pour ces diverses protéines à d’autres espèces bactériennes assure la transmission de toutes ces propriétés aux micro-organismes receveurs de plasmides (Fouad, 2009).

Enterococcus faecalis et Streptococcus gordonii sont deux bactéries retrouvées dans des infections radiculaires persistantes. Elles échangent des plasmides et ainsi s’échangent ou complètent leur virulence (résistance aux agents antimicrobiens) pour survivre. Le but est la création d’un profil génétique optimal à la survie (Bergenholtz and al., 2003).

Grâce à ses divers procédés d’adaptation, certaines bactéries sont capables de survivre dans un canal radiculaire obturé et ainsi entretenir un phénomène inflammatoire péri-apical (Distel and al., 2002). Une bactérie résistante présente donc de multiples propriétés. Actuellement, une bactérie qui résiste à nos procédures canalaires et est présente dans le canal au moment de l’obturation compromet la réussite du traitement endodontique sous certaines conditions :

• elle a la capacité de survivre face à une période de famine, en se mettant en mode de quiescence. Ayant une faible activité métabolique, elle attend qu’une nouvelle source de nutriments voit le jour ;

• elle fait appel au système de « quorum-sensing » pour résister, intervient dans des transferts d’ADN, crée des chaînes nutritionnelles et résiste à la désorganisation du biofilm ;

• elle se multiplie afin d’atteindre une charge bactérienne suffisante pour infliger des dommages à l’hôte ;

• elle a accès aux fluides péri-apicaux par le foramen apical ou les foramens latéraux ou bien une éventuelle perforation ;

• elle possède une virulence suffisante capable de s’exprimer dans les nouvelles conditions de survie et capable d’infliger des dommages directs et ou indirects à l’hôte.

Elle tire profit des nouvelles conditions environnementales (Sundqvist and Figdor, 2003 ; Siqueira and Rôças, 2008).

Pour d’autres auteurs, une bactérie résistante sait : • pénétrer et envahir la dentine radiculaire ;

• s’organiser en chaîne de bactéries et former un biofilm ; • croitre en mono-infection ;

• survivre à la famine ;

135 Nos traitements visent donc à réduire au maximum la charge bactérienne et ainsi emmurer les bactéries, dans le but de les mettre dans un état de quiescence. Après obturation, la persistance de bactéries dans le canal endodontique lors de l’obturation ne signifie pas toujours apparition ou persistance d’une infection péri-apicale. En effet,

• les bactéries ne résistent pas toujours à la toxicité de nos produits d’obturation et aux nouvelles conditions environnementales créées lors de l’obturation ;

• elles se trouvent en nombre peu important ou ont une virulence insuffisante ;

• elles peuvent être situées dans une portion du canal où elles n’ont pas accès aux fluides péri-apicaux (exsudat inflammatoire ou non) (Siqueira and Rôças, 2008).

v. Tableau comparatif et récapitulatif infection endodontique primaire/

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