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La flore bactérienne associée à l’échec de traitement endodontique et Enterococcus faecalis

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 125-131)

i. Infection endodontique secondaire et persistante: définition et caractéristiques

4. La flore bactérienne associée à l’échec de traitement endodontique et Enterococcus faecalis

La flore bactérienne présente dans l’endodonte lors d’un échec de traitement est différente de celle retrouvée lors d’une infection endodontique primaire (nécrose pulpaire non traitée). On peut donc en déduire que les conditions environnementales de survie sont différentes. En effet, un canal obturé ne présente pas les mêmes conditions de survie bactérienne qu’un canal non obturé. Il y a également une différence dans la composition du biofilm bactérien endodontique selon qu’il soit dans un canal endodontique mal traité ou bien traité. Les conditions environnementales présentes dans un canal mal traité sont les mêmes que celles caractérisant un canal non traité. Leurs flores bactériennes ont donc la même composition (Sundqvist and Figdor, 2003).

A nouveau, les capacités d’adaptation bactérienne sont mises en jeu pour mieux résister. Les bactéries résistantes sont capables de s’adapter aux modifications d’environnement induites par nos

117 traitements comme par exemple un pH basique induit par une médication intra-canalaire à l’hydroxyde de calcium (Siqueira and Rôças, 2008).

Cette flore particulière est essentiellement constituée de bactéries à Gram + anaérobies facultatives. En effet, la plupart des bactéries anaérobies ne survivent pas dans un canal obturé. Les bactéries à Gram + sont plus résistantes et ont une meilleure capacité d’adaptation face aux modifications environnementales. Ce sont des micro-organismes à croissance rapide (Chavez de Paz, 2004). Les bactéries persistantes prennent la place des bactéries qui ne résistent pas à nos traitements (Siqueira and Rôças, 2008). Nos traitements contribuent à éliminer les bactéries compétitrices des bactéries responsables d’infections endodontiques secondaires et persistantes.

Très peu d’espèces bactériennes sont retrouvées dans les échecs de traitement endodontique (1 à 5 espèces différentes). Il s’agit essentiellement de :

Pseudomonas aeruginosa ;

Streptocoques (20%) ;

Candida ;

Enterococcus faecalis ;

Actinomyces.

Les genres streptocoques et entérocoques sont les plus fréquents (Sundqvist and Figdor, 2003). Quelques rares bactéries à Gram - sont malgré tout mises en évidence telles que: Fusobacterium nucleatum et Prevotella intermedia (Siqueira and Rôças, 2008 ; Sundqvist and Figdor, 2003; Orstavik and Pitt Ford, 2008). On compte encore 10² à 10⁵ bactéries par échantillons après détersions mécaniques et chimiques suivies, ou non, d’une phase de médication intra-canalaire. On remarque donc que la diversité de la flore endodontique associée aux échecs de traitement est réduite par rapport à celle des infections endodontiques primaires. Cependant, toutes les bactéries ne sont pas encore connues et répertoriées. 50% des bactéries qui persistent dans le canal sont dites non-cultivables. On ne connaît donc pas leurs caractéristiques ni les moyens de les éradiquer (Duggan and Sedgley, 2007).

Enterococcus faecalis, bactérie anaérobie facultative est dite caractéristique de l’échec de traitement endodontique. Enterococcus faecalis est le marqueur de l’infection endodontique secondaire (Estrela and al., 2009). On ne la retrouve que très rarement dans les infections endodontiques primaires mais plutôt dans les infections persistantes et asymptomatiques (Stuart and al., 2006). Elle est souvent mise en évidence dans les canaux endodontiques « réparés » de multiples fois ou bien laissés ouverts

118 entre deux étapes de traitement, sur des durées équivalentes à des journées (absence d’obturation coronaire étanche) (Siqueira and Rôças, 2008).

De nombreuses interrogations persistent quant à cette bactérie :

 pour Sundqvist et ses collaborateurs (1998), elle est présente dans 38% des canaux endodontiques infectés secondairement ;

 pour Stuart et ses collaborateurs (2006), elle serait retrouvée dans 24 à 77% des cas.

D’après Siqueira et Rôças (2008), la persistance de l’infection endodontique et l’échec de traitement découlent de l’association de nombreuses bactéries s’organisant en biofilm pour survivre. L’origine de l’infection est polymicrobienne. Cela explique pourquoi nos traitements chimiques doivent avoir un spectre d’action large.

Cependant, certaines études ont montré qu’Enterococcus faecalis serait capable, seul, d’adhérer au collagène dentinaire, coloniser la surface intra-radiculaire, envahir les tubulis dentinaires et former un biofilm bactérien. Enterococcus faecalis serait capable de survivre dans des conditions environnementales difficiles sans l’aide d’autres espèces bactériennes (chaînes nutritionnelles, transfert d’ADN), espèces ne pouvant survivre dans ces mêmes conditions.

Enterococcus faecalis présente des filaments et une capsule polysaccharidique lui permettant d’adhérer à la surface dentinaire (Distel and al., 2002). Il exprime également une protéine particulière (Ace), dans des conditions de stress environnementales, afin de se fixer au collagène dentinaire de type I. Ainsi, la bactérie exprime ces divers mécanismes de virulence et de résistance (Hubble and al., 2003).

Figure 40 : Vue en microscopie électronique d’Enterococcus faecalis (CDC/Pete Wardell)

Enterococcus faecalis est une bactérie pathogène opportuniste de la cavité buccale. Les entérocoques ne sont présents que dans 5% des infections endodontiques primaires. On suppose

119 que les conditions environnementales présentes dans un canal non traité ne favorisent pas la croissance de cette bactérie. Elle ne peut faire face à la compétition bactérienne et laisse sa place à d’autres espèces colonisatrices. Par contre, cette bactérie étant difficile à éradiquer avec nos procédures de détersion chimiques et mécaniques, contrairement aux autres espèces colonisant l’espace canalaire, elle persiste et se multiplie après obturation canalaire et pendant les phases de médication temporaire. Elle prend la place des espèces ne survivant pas à nos traitements.

Dès lors qu’Enterococcus faecalis envahit l’endodonte, elle fait preuve d’une résistance extrême. Cette bactérie a la capacité de survivre dans des conditions normalement létales pour d’autres micro-organismes : un milieu très salé (6,5% NaCl), une large gamme de pH, une large gamme de température (10 à 60°C), et en présence de détergents.

Enterococcus faecalis est capable de survivre en période de privation de nutriments. Il conserve la capacité d’adhésion aux parois canalaires et notamment la capacité d’invasion des tubulis dentinaires. Il peut rester un an dans un canal obturé et à partir du moment où il retrouve des nutriments, il peut continuer à exprimer une certaine virulence et donc à entretenir ou faire naître une infection péri-apicale. L’entretien de cette infection dépend de la localisation des bactéries dans le système endodontique et de la virulence bactérienne. La présence ou non d’oxygène n’altère en rien la survie de la bactérie. Elle a une faible sensibilité aux agents antimicrobiens et est capable de les inactiver. Les bactéries se mettent dans un état où elles sont vivantes mais difficiles à mettre en évidence car faiblement actives métaboliquement. Elles restent virulentes. Cet état de quiescence fait partie des mécanismes de résistance mis en œuvre par les bactéries pour résister à un stress environnemental. Elles peuvent sortir de cet état et ressusciter (Sedgley and al., 2005).

Enterococcus faecalis est également capable d’interagir avec la dentine péri-canalaire. Après formation d’un biofilm, il a été démontré que cette bactérie est capable d’induire une dissolution de la fraction minérale de la dentine grâce à ses toxines. Il se produit parallèlement une augmentation du pH canalaire (il passe de 7,1 à 8,2). Cette bactérie induit une reprécipitation des minéraux de la dentine au niveau du biofilm. L’augmentation locale de la concentration en ions calcium et phosphates est responsable d’une calcification du biofilm et rend cette bactérie super-résistante voire intouchable. La dégradation de la surface dentinaire par les produits métaboliques bactériens apparaît dès que la quantité de nutriments canalaires devient insuffisante (Ingle and al., 2008). Au bout de 6 semaines, un biofilm bactérien mature avec minéralisation est mis en évidence avec une composition évoluant en fonction des conditions environnementales (quantité de nutriments).

120 Enterococcus faecalis forme un biofilm ayant une structure de carbonato-apatites proche de celle des fluoro-carbonato-apatites de la dentine (Ingle and al., 2008).

Entre la surface dentinaire déminéralisée et le biofilm calcifié, on observe une zone dite de corrosion comparable à une fissure. Le biofilm composé d’Enterococcus faecalis contient également des micro-organismes de la même espèce mais morts. La membrane phospholipidique de ceux-ci sert d’ancrage pour la reprécipitation des minéraux et la formation de cristaux dans le biofilm bactérien.

Les caractéristiques de cette bactérie la rendent plus forte face à nos traitements qu’ils soient chimiques ou mécaniques. Elles permettent également d’expliquer le phénomène de résorption interne présent dans 74% des dents présentant des lésions péri-apicales. On retrouve plus souvent ce biofilm calcifié au niveau de la partie apicale du canal endodontique, zone difficilement nettoyable après une contamination initiale (Kishen and al., 2006).

Nos traitements mécaniques et chimiques contribuent à rendre le milieu canalaire pauvre en oxygène, pauvre en nutriments et contenant des éléments antibactériens. L’élaboration d’un biofilm par Enterococcus faecalis est le premier moyen d’adaptation aux conditions environnementales présentes dans le canal endodontique obturé (expression d’un phénotype caractéristique). Dans ces conditions, Enterococcus faecalis présente une meilleure capacité d’adhérence, augmente sa virulence et est plus résistante aux agents antimicrobiens : ce sont les caractéristiques du mode de vie des bactéries composant le biofilm. L’adhésion à la surface dentinaire est une étape indispensable et détermine la pathogénicité d’Enterococcus faecalis. La capacité de formation d’un biofilm et la pénétration des bactéries dans les tubules dépendent de la qualité du substrat mais aussi des facteurs environnementaux et nutritionnels. La croissance d’Enterococcus faecalis a lieu dans ce milieu où le potentiel d’oxydoréduction est bas et les nutriments sont disponibles en faible quantité (George and al., 2005).

121 Milieu riche en oxygène Milieu pauvre en oxygène Conclusions

Milieu riche en nutriments

La pénétration bactérienne dans les tubulis dentinaires est profonde. Il y a formation d’un biofilm bactérien mais dont la structure est plus anarchique (agrégats bactériens parsemés). La croissance et l’adhérence bactérienne sont

discontinues.

La pénétration bactérienne dans le système endodontique est profonde. Le biofilm bactérien formé sur les parois dentinaires radiculaires correspond à la structure décrite

habituellement : colonies microbiennes en épis de maïs entrecoupées de chaînes nutritionnelles et englobées dans une MEC

polysaccharidique.

Un milieu riche en nutriments est synonyme d’une forte densité bactérienne et donc d’une forte invasion

bactérienne. Le pH du milieu canalaire est alcalin : 8,4. Ceci s’explique par le métabolisme de la bactérie. Milieu pauvre en nutriments La pénétration bactérienne dans le système canalaire est faible. Le biofilm bactérien formé est inégal.

La pénétration bactérienne dans les tubulis dentinaire est faible. Le biofilm bactérien formé est complet et structuré avec une protection des micro-organismes le composant.

Un milieu pauvre en nutriments est associé à une faible invasion bactérienne (métabolisme bactérien ralenti, phase de quiescence). On observe une dégradation de la surface de la dentine recouverte du biofilm avec une augmentation de la quantité de calcium dans la structure bactérienne. Ceci traduit une calcification du biofilm bactérien avec formation d’agrégats calcifiés contenant des cellules vivantes et servant d’abri pour les micro-organismes. Le pH canalaire reste proche de la neutralité comme si le canal n’avait pas été contaminé.

Conclusions Un milieu riche en oxygène ne permet pas l’élaboration d’un biofilm structuré. Les bactéries ont probablement moins besoin de se protéger dans ce type de

condition. Elles survivent seules.

Un milieu pauvre en oxygène conduit à la formation d’un biofilm plus ou moins minéralisé selon la disponibilité des nutriments. Cette minéralisation confère une résistance

supplémentaire aux bactéries.

Tableau 6 : caractéristiques du biofilm bactérien formé par Enterococcus faecalis selon les conditions environnementales (George and al., 2005)

122 Enterococcus faecalis peut mettre de 15 minutes à 60 jours pour élaborer un biofilm mature et structuré. Le biofilm se forme en 60 jours dans un environnement pauvre en oxygène et riche en nutriments (Estrela and al., 2009).

Ces résultats d’études, si divers soient-ils, nous forcent à croire qu’il persiste encore de multiples interrogations quant aux causes des échecs de traitements endodontiques.

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 125-131)