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Cellulites, phlegmons et abcès oro-faciaux

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 194-199)

i. Les complications aigües

3. Cellulites, phlegmons et abcès oro-faciaux

La cellulite est un processus infectieux assez bien délimité, localisé dans les tissus mous, principalement sous-cutané. Elle est d’abord érythémateuse, séreuse puis purulente. Dès lors que les sécrétions purulentes apparaissent, le drainage devient indispensable.

Le phlegmon est une cellulite diffuse.

L’abcès est un processus infectieux purulent, collecté ou cellulite circonscrite, délimité par une couche de tissu de granulation. Les abcès sont vingt fois plus fréquents que les phlegmons.

Etant donnée l’incidence élevée des problèmes infectieux dentaires et les particularités anatomiques des structures avoisinant les dents, tous ces abcès et cellulites oraux et maxillo-faciaux sont très fréquents (Piette and Goldberg, 2001).

Le tissu cellulo-graisseux facial est formé d’un tissu conjonctif lâche comprenant des fibres élastiques, des fibres de collagène disposées en faisceaux et des cellules libres, et d’un tissu adipeux cloisonné par des fibres conjonctives, formant des lobules plus ou moins grands. De nombreux vaisseaux sanguins et lymphatiques font partis de ce tissu conjonctif qui est parfois appelé tissu conjonctivovasculaire. Ce tissu cellulo-graisseux occupe différents espaces délimités par des insertions musculo-aponévrotiques sur les corticales osseuses des maxillaires et de la mandibule : il s’agit de régions ou loges anatomiques, communiquant entre elles plus ou moins largement par des hiatus comblés de tissus cellulo-graisseux. Ce tissu a pour fonction non seulement de remplir les « creux » et donc donner un relief particulier, mais aussi de permettre une mobilité de la mandibule et des structures musculaires. Il joue ainsi un rôle d’amortisseur ou de lubrifiant (Piette and Goldberg, 2001).

186 En ce qui concerne la dissémination microbienne, il faut considérer la topographie d’implantation des apex dentaires par rapport aux corticales osseuses et par rapport aux insertions musculo-aponévrotiques sur les corticales osseuses. Le foyer de contamination reste proche et en communication avec la dent causale. Les espaces faciaux sont définis comme des espaces de dissémination bactérienne facile se trouvant entre la peau, les insertions et faisceaux musculaires ainsi que les organes nobles du cou et de la tête.

Par exemple, si la dent causale est une molaire mandibulaire, que ses apex sont plus proches de la corticale linguale et qu’ils se situent au dessus du passage du muscle mylohyoïdien, les exsudats purulents se disséminent dans l’espace sublingual (Piette and Goldberg, 2001).

Les aires faciales de dissémination de la tête et du cou peuvent être divisées en quatre catégories : • la mandibule et ses dessous ;

• les joues et parties latérales du visage ; • les aires pharyngées et cervicales ; • le centre de la face (Cohen and al., 2006).

Les streptocoques secrètent des enzymes lysant la fibrine et les structures intercellulaires. Cela explique que les infections causées par ces streptocoques sont relativement mal limitées ; tandis que les staphylocoques possèdent des coagulases qui, au contraire, limitent et localisent les processus purulents. Ces mécanismes de défense n’ont rien de spécifique à la sphère oro-maxillo-faciale. Le tissu cellulo-graisseux oppose par sa seule viscosité, une résistance aux déplacements des germes. La pénétration de l’infection dans le tissu cellulo-graisseux à partir de la dent se fait par voie ostéo-périostée, d’où le terme d’ostéo-phlegmon, par voie lymphatique et veineuse (surtout sous forme de thrombophlébite) ou par voie directe, par exemple lors d’une anesthésie locale (Piette and Goldberg, 2001).

La clinique, dominée par le mode d’évolution et la topographie de l’affection, permet de distinguer plusieurs types cliniques liés à des phénomènes physiopathologiques précis, qui constituent les différentes phases d’évolution des processus inflammatoires et infectieux. En fonction de l’évolution, on décrit des cellulites aigües, subaigües et chroniques.

Parmi les cellulites aigües, on distingue les cellulites séreuses, suppurées et gangréneuses.

La cellulite séreuse est le stade initial de toute cellulite. Apparaissant en même temps ou immédiatement après les phénomènes douloureux dentaires, elle se manifeste rapidement sous forme d’une tuméfaction arrondie aux limites imprécises, de consistance élastique, légèrement douloureuse au toucher et subjectivement pulsatile, qui modifie le relief tissulaire. La peau et la

187 muqueuse de la région infectée sont tendues et soulevées, faiblement ou non érythémateuses, chaudes. L’infiltration des tissus gêne les mouvements musculaires. L’évolution se fait vers la régression des phénomènes si le traitement étiologique est instauré, sinon l’infection évolue en cellulite suppurée.

La cellulite suppurée ou abcédation est caractérisée par des signes cliniques à la fois généraux et locaux. La fistulisation spontanée, cutanée ou muqueuse, amène une régression parfois complète des symptômes. L’affection peut aussi passer à la chronicité en cas de traitement incomplet ou inadéquat, ou diffuser plus largement et atteindre les muscles (myosite), les os (ostéite corticale), ou exceptionnellement l’articulation temporomandibulaire. La guérison survient après drainage au point déclive de la collection et traitement étiologique.

La cellulite gangréneuse, beaucoup plus rare, est caractérisée par une gangrène localisée. Les signes cliniques sont ceux d’une cellulite suppurée avec des crépitations palpables. Les signes généraux toxi-infectieux peuvent être importants (Piette and Goldberg, 2001).

Les cellulites chroniques et/ou subaigües font suite à une cellulite suppurée mal traitée : drainage insuffisant, antibiothérapie inadéquate ou traitement étiologique insuffisant ou négligé. Les cellulites actinomycosiques sont particulièrement chroniques en raison des propriétés anaérobies d’ Actinomyces et de leur pseudo-encapsulement par des phospholipides qui les isolent ainsi de la vascularisation tissulaire et leur confèrent une apparente résistance aux antibiotiques. L’évolution chronique est indolore, faisant parfois consulter très tardivement. Les complications possibles sont l’exceptionnelle extension, la fistulisation ou le « réchauffement », caractérisées par des signes cliniques évoquant un réveil aigu du processus infectieux par réactivation de l’étiologie dentaire. Les cellulites diffuses ou phlegmon, qui ne font pas suite à des cellulites circonscrites, doivent être distinguées des cellulites diffusées, celles-ci étant formées par extension d’une cellulite circonscrite. Aucun germe spécifique n’est rattaché à ces cellulites dont la cause est le plus souvent une infection de la deuxième molaire inférieure. Il s’agit le plus souvent d’une flore polymicrobienne dont les toxines semblent jouer un rôle prépondérant. Les patients immunodéprimés, au sens large, ne présentent pas un risque plus élevé (Piette and Goldberg, 2001).

188 Figure 61 : les différentes voies de dissémination bactérienne dans le cas d’abcès péri-apicaux. Elles dépendent de la localisation de l’apex dentaire infecté par rapport aux structures anatomiques (Bergenholtz and al., 2003).

4. Thrombophlébites

Les infections dentaires peuvent très rarement être à l’origine de thrombophlébites faciale, cranio-faciale et cervicale, qui sont des complications graves à risque vital élevé. Un abcès ou une cellulite peut longer voire repousser des organes nobles ou des structures anatomiques importantes. L’étiopathogénie de ces thrombophlébites repose sur les caractéristiques anatomiques des systèmes veineux cranio-faciaux, à savoir, le système veineux facial superficiel, profond, le réseau des sinus endocrâniens et de nombreuses anastomoses entre ces réseaux veineux. La richesse du réseau veineux des diverses structures aussi bien osseuses que molles, dans la région oro-faciale explique la survenue de thrombophlébite d’origine infectieuse.

L’irritation péri-adventitielle par les toxines microbiennes s’ajoute aux conséquences métaboliques et aux modifications neuro-végétatives des phénomènes inflammatoires pour expliquer l’apparition d’une congestion de l’intima, une prolifération endothéliale et rapidement d’un thrombus au sein duquel les germes vont se fixer. La propagation des germes vers les thrombus se fait soit par voie veineuse soit par voie lymphatique péri-vasculaire. Parce que ni les veines ophtalmiques ni les sinus crâniens ne possèdent de valve, la communication vers les sinus endocrâniens puis l’extension intracrânienne thrombosante rapide peut se faire aisément. De plus, les parois des sinus crâniens ne

189 sont ni extensibles ni contractiles, ce qui facilite encore l’extension thrombophlébitique. La migration de l’embole reste le plus souvent localisée dans le territoire cave supérieur. Ce n’est qu’en cas du franchissement du filtre pulmonaire que la septicémie est possible.

Les thrombophlébites odontogènes du sinus caverneux sont le plus souvent dues à des streptocoques β-hémolytiques. Les thromboses odontogènes du sinus latéral sont le plus souvent dues à des streptocoques, des staphylocoques ou des pneumocoques. La localisation de ces thrombophlébites, toutes exceptionnelles, est en étroite corrélation avec la localisation du foyer infectieux dentaire originel. Les signes cliniques sont généraux, ceux d’une septicémie, et locaux, variables en fonction de la localisation lésionnelle (Piette and Goldberg, 2001).

5. Septicémies

La septicémie est un état septique généralisé dont l’étiologie est dentaire dans 10% des cas. L’étiopathogénie implique une bactériémie ou passage de germes dans la circulation sanguine. Les micro-organismes se multiplient dans la circulation sanguine.

Un individu en bonne santé, disposant de mécanismes immunitaires compétents, élimine normalement ces germes en quelques minutes. Une bactériémie asymptomatique et transitoire est limitée à 10 CFU par mL de sang. En cas de déficiences immunitaires (cancer, VIH…), ou plus rarement, en cas de germes à haute pathogénicité et/ou virulence, une septicémie s’installe brutalement, avec développement d’un choc toxi-infectieux plus ou moins important.

Environ 40% des septicémies à bacilles à Gram – et 5% des septicémies à bacilles à Gram + développent un choc septique grave. Les micro-organismes oraux responsables de septicémie sont le plus souvent des streptocoques non groupables (Streptococcus sanguis et Streptococcus mitis) dans 27,1% des cas et des streptocoques du groupe D (entérocoques ou non) dans 24,1% des cas.

Tous les foyers infectieux dentaires sont susceptibles d’être à l’origine d’une bactériémie et donc d’une septicémie. Chaque acte dentaire provoquant un saignement peut être à l’origine d’une bactériémie. Parmi ces actes, on dénombre le détartrage, l’avulsion ou bien encore le traitement endodontique. Le traitement endodontique est un acte thérapeutique à faible risque de saignement. Les hémocultures réalisées après un traitement endodontique mettent en évidence une bactériémie dans 31,2% des cas ou la dent a subi un traitement de racine avec franchissement de l’apex par les instruments de parage. L’hémoculture réalisée après un traitement endodontique respectant les tissus péri-apicaux est nulle (Bender and al., 1984).

190 Secondairement, la septicémie est responsable de nombreuses pathologies systémiques ou locales parmi lesquelles l’endocardite infectieuse, l’abcès cérébral, la méningite ou l’abcès pulmonaire (Piette and Goldberg, 2001).

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