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L’adhésion dentinaire

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 85-88)

ii. La colonisation des tubulis dentinaires par les bactéries

5. L’adhésion dentinaire

Les acides bactériens des micro-organismes pathogènes déminéralisent les parois des tubulis dentinaires pour permettre la pénétration des bactéries. Avant de coloniser les tubulis dentinaires, les bactéries doivent adhérer aux tissus de l’hôte.

Cela peut faire intervenir des adhésines bactériennes et des fimbriae se fixant sur des récepteurs spécifiques dentinaires. Les bactéries peuvent porter plusieurs adhésines membranaires. L’adhésion bactérienne induit la multiplication bactérienne, la compétition bactérienne et l’invasion tubulaire. L’adhésion bactérienne ne fait pas appel à la fraction minérale de la dentine mais à la fraction protéique telle que les dépôts salivaires, les protéines tissulaires et les glycoprotéines salivaires (Fouad, 2009).

Les Streptocoques oraux se lient au collagène I dénaturé lors de leur adsorption à l’hydroxyapatite dentinaire. La matrice collagénique dentinaire contient essentiellement du collagène de type I (Pashley, 1996). Les premières bactéries à se fixer au collagène de type I sont Streptococcus gordonii et Streptococcus mutans. En se fixant au collagène de type I dénaturé, Streptococcus envahit les tubulis dentinaires. Parmi les adhésines bactériennes présentes sur les Streptocoques, on dénombre l’Ag I/II, l’amylase binding-protein, les lectines de surface et les adhésines fimbriales. L’antigène I/II est une adhésine polypeptidique commune à de nombreux streptocoques. Elle est multifonctionnelle et se fixe à de nombreux ligands tels que les glycoprotéines salivaires de la PEA, des composants dentinaires tels que le collagène, la fibronectine, le fibrinogène et la fibrine, et d’autres bactéries. Il est composé d’une portion N-terminale fixant des éléments libres par des liaisons non spécifiques et d’une potion C-terminale permettant des liaisons spécifiques. Cet antigène joue également un rôle immunogène par certaines séquences d’acides aminés présentant des similitudes avec les IgG. Certaines liaisons avec cette adhésine sont calcium-dépendantes (Jenkinson and Demuth, 1997).

77 L’expression membranaire de l’adhésine polypeptidique Ag I/II, par les bactéries, permet la liaison au collagène de type I dénaturé et l’invasion bactérienne. L’ Ag I/II permet aux bactéries colonisatrices primaires de se fixer à la dentine tubulaire et induit la coagrégation de bactéries colonisatrices secondaires.

Les peptides de collagène, relargués par la déminéralisation dentinaire, régulent la production d’Ag I/II par les bactéries colonisatrices primaires. La reconnaissance du collagène de type I par les bactéries facilite l’adhésion bactérienne par la production d’Ag I/II induisant alors des modifications morphologiques des cellules bactériennes, qui forment des chaînes et envahissent des tubulis dentinaires. Cela promouvoit l’adhésion et la croissance bactérienne le long des tubulis dentinaires (Love and Jenkinson, 2002).

L’adhésion bactérienne peut se faire entre la bactérie et la surface dentinaire ou bien indirectement par l’intermédiaire de la coagrégation bactérienne. Streptococcus adhère à d’autres bactéries colonisatrices primaires telles que Actinomyces puis à des colonisateurs secondaires tels que P. gingivalis et B. forsythus.

Sans ces bactéries colonisatrices primaires, certaines bactéries n’ont pas la capacité d’envahir les tubulis dentinaires coronaires. Les bactéries anaérobies à Gram - ont du mal à pénétrer seules dans les tubulis dentinaires. Les bactéries à Gram + ont la capacité naturelle d’envahir les tubulis dentinaires. Ainsi, c’est Streptococcus gordonii par l’intermédiaire de SspA et SspB (Ag I/II) qui permet à Lactobacillus d’envahir les tubulis dentinaires.

L’association bactérienne entre en jeu dans la qualité de la contamination. Les bactéries à Gram – font appel à un processus de colonisation tout particulier : on parle de coinvasion (Fouad, 2009 ; Love and Jenkinson, 2002).

Les colonisateurs secondaires se fixent uniquement à l’hydroxyapatite dentinaire (propriété d’adhérence) et ont besoin des colonisateurs primaires pour envahir les tubulis dentinaires. Parmi les colonisateurs secondaires, on dénombre Porphyromonas gingivalis ainsi que Prevotella intermedia (Fouad, 2009). Porphyromonas gingivalis se fixe aussi au collagène de type I mais par l’intermédiaire de fimbriae. Cet élément membranaire lui confère aussi la capacité de se lier à la fibronectine, aux cellules endothéliales, aux récepteurs salivaires ou à d’autres bactéries.

Complémentairement à la reconnaissance du collagène de type I dénaturé, les micro-organismes colonisateurs secondaires s’agrègent aux bactéries colonisatrices primaires pour former des chaînes de micro-organismes et envahir les tubulis dentinaires radiculaires. Ainsi, Streptococcus gordonii se fixe au collagène de type I dénaturé et apporte des récepteurs polypeptidiques Ag I/II intervenant dans la coagrégation de ces deux bactéries colonisatrices secondaires.

78 La coopération et la compétition bactérienne jouent un rôle déterminant dans l’envahissement des tubulis dentinaires. Certaines bactéries modifient l’environnement tubulaire : pression en oxygène facilitant ou non la croissance d’espèces bactériennes, production de bactériocines, réaction de coagrégation bactérienne, association d’espèces favorables. Nagaoka et ses collaborateurs (1995) montrent que l’invasion dentinaire par S. sobrinus ou A. naeslundii est inhibée par la présence de Lactobacillus casei, qui prend alors le dessus sur l’invasion tubulaire à lui tout seul. Porphyromonas gingivalis pénètre les tubulis dentinaires uniquement s’il est associé à Streptococcus gordonii (Love and Jenkinson, 2002). En association avec les bactéries à Gram +, Fusobacterium nucleatum et Prevotella endodontalis envahissent les tubulis dentinaires d’une manière plus conséquente. Il en est de même pour Candida (Haapasalo and al., 2007).

L’adhésion bactérienne joue donc un rôle majeur dans l’invasion bactérienne. L’invasion bactérienne se fait parallèlement à la division cellulaire des micro-organismes (Michelich and al., 1980).

Figure 25 : diagramme caractérisant le modèle d’invasion tubulaire par les bactéries colonisatrices primaires (Streptocoques). Streptococcus gordonii porte des adhésines de surface lui conférant la capacité de se fixer aux parois canalaires au niveau du collagène non minéralisé et par l’intermédiaire de Ag I/II. Cette adhésion intra-tubulaire déclenche toute une série de réactions de la part des micro-organismes. Il en résulte la formation de chaînes de croissance et l’invasion des tubulis dentinaires (Love and Jenkinson, 2002).

79 Figure 26 : diagramme modélisant l’invasion tubulaire par les bactéries colonisatrices secondaires. Les bactéries colonisatrices secondaires (P. gingivalis) sont capables d’adhérer seules aux composants de la matrice dentinaire mais cela ne leur permet pas l’invasion des tubulis dentinaires. Les bactéries colonisatrices secondaires doivent tout d’abord adhérer aux bactéries colonisatrices primaires (Streptococcus gordonii) pour permettre l’invasion tubulaire (Love and Jenkinson, 2002).

Une fois la surface amélaire déminéralisée dans toute son épaisseur, les acides, produits du métabolisme bactérien, déminéralisent la dentine intra-tubulaire. Les bactéries pathogènes, micro-organismes initiateurs du processus carieux, présentent la capacité de reconnaître les tissus minéraux dentinaires dénaturés et le pouvoir de s’y fixer grâce, notamment, à la production d’adhésines membranaires spécifiques (Ag I/II). L’expression de ces adhésines engendre l’adhérence bactérienne aux parois intra-tubulaires et l’invasion bactérienne par la formation de chaînes de micro-organismes. Successivement, la coinvasion bactérienne, dictée par les associations bactériennes spécifiques, permet aux bactéries à Gram –, colonisatrices dentinaires secondaires, de coloniser les tubulis dentinaires et dessine ainsi une flore dentinaire polymicrobienne.

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 85-88)