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Les paramètres de l’invasion tubulaire bactérienne

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 81-85)

ii. La colonisation des tubulis dentinaires par les bactéries

3. Les paramètres de l’invasion tubulaire bactérienne

Plusieurs autres facteurs entrent en jeu dans la pénétration des bactéries dans les tubulis intra-radiculaires en plus du fluide dentinaire (Fouad, 2009). En effet, il faut tenir compte de :

• la synthèse de dentine réparatrice et de dentine sclérotique (réaction pulpo-dentinaire de défense et physiologique) (Love, 1996);

• les prolongements odontoblastiques présents dans les tubules ;

• le diamètre des tubules. Il augmente en direction de la pulpe. Plus les tubulis sont larges, plus la vitesse de pénétration bactérienne est importante (Pashley, 1992);

• la présence en quantité plus ou moins abondante de nutriments dans les tubulis dentinaires. Le taux de diffusion des solutés (nutriments) est également proportionnel au diamètre des tubulis. La disponibilité des nutriments dans les tubulis dentinaires coronaires (provenant du fluide salivaire) influence la profondeur de pénétration des bactéries. Cette disponibilité dépend du diamètre des tubulis. Les bactéries cariogènes sont présentes dans la carie superficielle car les hydrates de carbone pénètrent les tubulis dentinaires par leur portion coronaire. L’oxygène y est aussi plus présent qu’en profondeur. Il se produit donc une sélection bactérienne. Plus on progresse en profondeur dans la carie dentinaire, plus le

73 milieu devient anaérobie et plus la flore se différencie (peu ou pas d’hydrates de carbone et d’oxygène) (Love and Jenkinson, 2002) ;

• le diamètre des bactéries. Les bactéries pénètrent dans les tubulis dentinaires par division cellulaire ;

• la présence ou non de boue dentinaire le long de la dentine coronaire. Cette dernière est le fruit de la préparation mécanique lors de l’éviction carieuse et réduit la perméabilité dentinaire (Michelich and al., 1980 ; Vojinovic and al., 1973);

• le facteur temps. Le nombre de tubulis pénétrés et la profondeur de pénétration augmentent avec le temps (Olgart and al., 1974). Plus la contamination bactérienne dentinaire est ancienne, plus la profondeur de pénétration bactérienne dans les tubulis dentinaires est importante.

Figure 23 : les bactéries (S. anginosus) adhérent à la smear layer ou boue dentinaire (Drake and al., 1994).

Figure 24 : lorsque la smear layer est supprimée, les tubulis dentinaires sont ouverts et laissent entrer les bactéries (S. anginosus) qui s’organisent en biofilm (Drake and al., 1994).

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4. La déminéralisation dentinaire

Les micro-organismes de la plaque dentaire placés au contact de la dentine ne peuvent pénétrer en profondeur bien qu’ils soient de taille inférieure au calibre des tubules dentinaires. En réalité, le diamètre fonctionnel des tubules ne dépasse généralement pas 0,1 µ dans les zones périphériques de la dentine. Dès lors l’invasion directe de bactéries ne peut avoir lieu aussi longtemps qu’elles n’ont pas déminéralisé la dentine et élargi la lumière des tubules (Piette and Goldberg, 2001).

Ainsi, dans un premier temps, les acides synthétisés dans la plaque microbienne dissolvent les sels minéraux dentinaires. La trame collagénique ainsi exposée est transformée en gélatine par les acides en présence de sels de calcium. Les protéases bactériennes peuvent alors couper cette gélatinase en acides aminés et peptides de plus petits poids moléculaires qui sont à leur tour métabolisés en protéines microbiennes (Séguier and Le May, 2002).

La première étape de déminéralisation est caractérisée par une augmentation de la perméabilité dentinaire. Cette zone de déminéralisation est représentée par une dentine brune dénommée dentine affectée. Elle est située le long de la jonction émail-dentine (Thylstrup and Fejerskov, 1986). Après la première étape de déminéralisation amélaire par les acides bactériens, les micro-organismes envahissent les tubulis dentinaires en direction de la pulpe. Lorsque la dentine est envahie par les bactéries, le processus de déminéralisation se poursuit en utilisant le substrat alimentaire. Les acides produits secondairement par les bactéries vont dissoudre l’hydroxyapatite de la dentine profonde en formant un front de déminéralisation (dentine affectée) qui devancera toujours l’invasion bactérienne (Mount and Hume, 2002).

Si la progression de la carie est relativement lente dans l’émail, la déminéralisation dentinaire est beaucoup plus rapide. Ceci s’explique par les différences dans la morphologie et le degré de minéralisation. De plus, à la surface amélaire, les acides produits par la plaque dentaire peuvent être partiellement neutralisés par les tampons salivaires, et ainsi l’émail se dissout-il plus lentement. Au contraire, dans la carie dentinaire après cavitation, le pH de la plaque est beaucoup plus bas, entraînant une modification de la flore bactérienne qui devient plus acidogène et principalement constituée de lactobacilles (Séguier and Le May, 2002). Les lactobacilles sont des bactéries cariogènes donc acidogènes et acido-tolérantes. Elles sont dites colonisatrices secondaires car elles nécessitent l’adhésion primaire de Streptococcus mutans avant d’envahir les tubulis dentinaires.

75 Le caractère pathognomonique de la dentine cariée est la présence du cône carieux dont la base se situe au niveau de la jonction émail-dentine. Plusieurs zones sont schématiquement distinguées dans la lésion carieuse dentinaire :

la zone nécrotique, ou zone décomposée, consiste en une destruction du tissu dentinaire et

de son réseau tubulaire. On y trouve un mélange de plaque bactérienne et de matrice collagénique désintégrée par l’activité bactérienne protéolytique. C’est cette partie de la lésion qui est facilement enlevée manuellement à l’aide d’une curette en clinique ;

la zone infectée, ou zone d’invasion bactérienne, est située sous la précédente. Elle est

caractérisée par une atteinte de la dentine péri-tubulaire et la présence de nombreuses bactéries dans les tubules. Ces bactéries apparaissent isolées ou le plus souvent sous forme d’agrégats. Fréquemment les lumières de plusieurs tubules adjacents sont distendues et peuvent fusionner, aboutissant à ce que les premiers observateurs ont appelé « des foyers de liquéfaction », ce terme étant impropre car ces dilatations sont remplies de bactéries et de débris et non de liquide. Si la destruction dentinaire progresse essentiellement selon l’axe des tubules, elle peut aussi s’étendre latéralement en suivant les lignes d’accroissement de la dentine qui sont perpendiculaires aux tubules (lignes d’Owen). Il y a ainsi formation de « fissures transversales ».

la zone affectée, ou zone de déminéralisation, où les sels minéraux sont partiellement

dissous, mais avec préservation de la morphologie péri- et inter-tubulaire. Il existe des bactéries dans les tubules mais celles-ci se font de plus en plus rares en direction de la pulpe. Alors que zone nécrotique et zone infectée doivent être impérativement curetées cliniquement, cette troisième zone peut être partiellement laissée en place, en particulier dans la technique de coiffage indirecte à l’hydroxyde de calcium lorsque, pour des caries profondes, on souhaite préserver l’intégrité pulpaire. Le dépôt d’une couche d’hydroxyde de calcium peut en effet provoquer une reminéralisation de la dentine partiellement déminéralisée et la formation de dentine réactionnelle dans la pulpe en regard de l’agression (Séguier and Le May, 2002).

Cliniquement, la distinction de ses trois zones est impossible. Afin de faciliter cette distinction, certains auteurs ont proposé l’utilisation de différents colorants, comme la fuchsine basique ou le rouge acide, qui les amènent à ne distinguer que deux zones dans la carie de la dentine :

• une zone externe, ou première couche cariée, colorée en rouge, non reminéralisable et insensible. Elle correspond aux zones nécrotique et infectée et doit être éliminée ;

• une zone interne, ou deuxième couche carieuse, reminéralisable et sensible, ne se colorant pas à condition que le temps d’application soit bref. Cette couche bien que partiellement

76 ramollie et contenant encore quelques bactéries dans les tubules peut être laissée en place en raison de son potentiel de reminéralisation.

Les bactéries ne sont donc présentes que dans la dentine infectée (couche superficielle de la carie dentinaire) par opposition à la dentine affectée (couche profonde proche de la pulpe et front de déminéralisation). Cette distinction histochimique de seulement deux couches est due à une différence de coloration des fibres de collagène qui, dans la première zone, sont dénaturées de façon irréversible, alors que dans la seconde présentent encore leur striation transversale (Séguier and Le May, 2002).

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