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ii. Les pouvoirs salivaires

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 71-75)

La salive favorise directement la genèse de la carie en participant au développement de la PEA et de la plaque bactérienne par les PRP, qui la composent. De plus, ses amylases interviennent dans la décomposition de l’amidon (Muller and al., 1998).

Cependant, la salive, dont le pH varie entre 6,2 et 7,4, garde une action essentiellement carioprotectrice. Une déficience salivaire est très importante et doit être parfaitement identifiée et prise en compte (Thylstrup and Fejerskov, 1986). La salive joue en effet un rôle protecteur de tout premier plan en intervenant dans l’équilibre déminéralisation-reminéralisation, par son pouvoir tampon et sa composition (Muller and al., 1998). Le degré de baisse de pH d’une plaque bactérienne pathogène dépend de l’épaisseur de la plaque, du nombre et de la population des bactéries composant la plaque mais aussi de l’efficacité du pouvoir tampon de la salive. On peut définir le pouvoir tampon de la salive comme la capacité de cette solution à neutraliser les ions acides produits par le métabolisme bactérien afin de maintenir un pH proche de la neutralité à proximité de la surface amélaire et ainsi ralentir ou éviter le processus de déminéralisation amélaire. Le pouvoir tampon de la salive est lié aux ions bicarbonates et phosphates la composant. Ainsi, en présence de sucre et grâce à la salive, le pH ne descend pas sous le seuil critique de déminéralisation amélaire qui

63 est de 5,5. Les réactions chimiques associées au pouvoir tampon salivaire sont les suivantes (Thylstrup and Fejerskov, 1986):

H⁺ + HCO₃⁻ ↔ H₂CO₃ ↔ H₂O + CO₂

H₂PO₄⁻ ↔ HPO₄²⁻ +H⁺

La sécrétion salivaire est stimulée par la mastication. L’efficacité du pouvoir tampon salivaire en dépend. Le pouvoir tampon varie également dans une grande mesure entre les individus de 3,6 à 7,8. Après une attaque acide suite à la consommation d’aliments contenant des hydrates de carbone, le rétablissement d’un pH normal demande environ 40 minutes pour un patient normal d’un point de vue salivaire et jusqu'à plusieurs heures pour un patient à forte susceptibilité carieuse. Suite à une attaque acide, la salive constitue la principale source de protection naturelle et de réparation (neutralisation du pH). L’efficacité du pouvoir tampon salivaire par rapport aux acides est inversement proportionnelle à l’épaisseur de la plaque. Pour certains auteurs, le pouvoir tampon salivaire complèterait celui de la plaque bactérienne. Cette dernière joue le rôle de réservoir d’ions, qu’elle libère lorsque son pH diminue. Le pouvoir tampon de la plaque bactérienne serait dix fois supérieur à celui de la salive (Mount and Hume, 2002).

Le flux salivaire et le taux de clairance buccale modulent l’élimination des débris alimentaires et des débris micro-organiques. Le flux salivaire contribue au nettoyage naturel des surfaces dentaires associé aux mouvements de la langue et des lèvres. Il est bien connu que la xérostomie et les sécrétions anormalement réduites de la salive augmentent la sensibilité à la carie et sa distribution. Cependant, le débit salivaire varie considérablement entre les individus dans un rapport de 10. Sullivan et Schröder (1989), en retenant la valeur de débit salivaire inférieure à 0,7 L/min comme un facteur de risque, n’observe un développement de la carie après 1 an que chez 54% des sujets (Mount and Hume, 2002).

Une déficience quantitative de salive, une acidité salivaire ou un pouvoir tampon bas favorisent toute déminéralisation amélaire. Ces déficiences peuvent être dues à des prescriptions médicamenteuses sialoprives (les antidépresseurs ainsi que les anxiolytiques affectent directement la transmission de l’influx nerveux émanant du centre salivaire), une irradiation des glandes salivaires (à l’origine d’une xérostomie), un stress prolongé ou d’autres pathogénies telles que le syndrome de Gougerot -Sjögren.

64 Non seulement la salive s’oppose à la déminéralisation amélaire mais elle favorise aussi la reminéralisation de l’émail. Les ions calcium et phosphates, qui sursaturent la salive lorsque l’apatite de l’émail est à pH neutre, procurent une capacité de tamponnement non négligeable pendant les repas et dans les phases précoces des attaques acides. En effet, les composants inorganiques salivaires exercent un rôle prépondérant. Il a été établi que la concentration ionique élevée de calcium, de phosphates inorganiques et de fluor et/ou un pH élevé protègent l’émail de la déminéralisation en stabilisant sa phase minérale. Cependant, la majorité du calcium est liée aux phosphates et aux protéines complexes et le calcium restant libre varie considérablement d’un individu à l’autre. Ces globules de phosphates de calcium se dissolvent alors en présence d’un milieu acide. La pellicule exogène acquise agit comme une barrière contre la diffusion d’ions acides vers la dent et s’oppose aussi à la diffusion des ions provenant de l’apatite à l’extérieur de la dent.

Enfin, il faut citer tous les constituants du milieu abiotique que sont les immunoglobulines et autres molécules de l’immunité, les substances bactériostatiques et bactéricides. En plus du pouvoir tampon salivaire, la cavité buccale est protégée de la carie dentaire par des facteurs non immunitaires, synthétisés localement au niveau des glandes salivaires. En effet, la salive contient des glycoprotéines et des protéines telles que le lysozyme, la lactoferrine, la lactoperoxydase et les agglutinines de haut poids moléculaire qui ont une activité antibactérienne. Les lysozymes provoquent la lyse des bactéries en clivant le peptidoglycane, constituant majeur de leur paroi, et la lactoferrine épuise le milieu en fer, cofacteur indispensable à la croissance bactérienne (Piette and Goldberg, 2001). Mais les bactéries qui se fixent à l’émail y sont résistantes et notamment Streptococcus mutans et sobrinus, bactéries rapidement sélectionnées dès lors qu’elles se fixent à la surface de l’émail (Loesche, 1986).

Le système peroxyde se composant de trois facteurs, des enzymes, du thiocyanate, et du peroxyde d’hydrogène, a une action protectrice multiple aussi bien antibactérienne, antimutagénique ainsi qu’anticarcinogénique. Il a pour avantage, en présence de H₂O₂, d’entrainer la production d’ions hypothiocyaneux, puissants toxiques antibactériens (Piette and Goldberg, 2001).

Des composés organiques tels que les mucines ont les capacités d’agglutiner des bactéries buccales. Cohen et Levine (1989) ont montré dans la salive submandibulaire, d’un groupe résistant à la carie, une activité d’agglutination trois fois supérieure à celle d’un groupe cariosensible. L’agglutination des bactéries dans la salive s’oppose à leur fixation sur la pellicule exogène acquise.

Le groupe des protéines riches en histidine participe également à l’inhibition de la croissance et de la multiplication bactérienne.

65 Parallèlement, des facteurs immunitaires sous forme d’immunoglobulines sériques et salivaires contribuent à une protection active et spécifique (Piette and Goldberg, 2001). Parmi les immunoglobulines salivaires, il faut citer, hormis les IgG et IgM d’action négligeable, les IgA sécrétoires prédominantes, qui exercent un effet inhibiteur en empêchant la fixation des bactéries sur les tissus ou en provoquant leur agglutination facilitant, par la même occasion, leur élimination par le flot salivaire.

Le contenu en ions fluorures de la salive est bas mais contribue tout de même à une protection globale et à une restauration minérale de l’émail. La concentration de fluor salivaire varie très peu. Son interprétation est influencée par l’apport alimentaire et par les applications topiques de fluor (Piette and Golberg, 2001).

Dès lors, toute modification du flux salivaire chez les sujets souffrant de xérostomie, entraîne une modification de la plaque bactérienne plus riche, en particulier, en Streptococcus mutans et en Lactobacillus.

d. Le temps

Le facteur comportemental majeur pouvant entraîner un risque carieux élevé est la fréquence de consommation d’hydrates de carbone fermentescibles. Ainsi, tout individu, ayant un régime alimentaire maigre en sucre, porte sur ses dents de la plaque bactérienne faiblement cariogène, dite saine, et à pH proche de la neutralité. Les chutes de pH, liées au métabolisme bactérien, au sein de biofilm, sont faibles et peu fréquentes. Dans le cas d’une consommation fréquente de saccharose, les chutes de pH sont identiques mais s’additionnent.

C’est donc la fréquence de consommation d’hydrates de carbone qui provoque la formation de carie, plutôt que la quantité d’hydrates de carbone consommés. L’équilibre déminéralisation/ reminéralisation peut être rompu en faveur de la déminéralisation en cas d’apport de sucres fermentescibles en grande quantité mais surtout prolongé ou répété à intervalles rapprochés. Le pouvoir tampon de la salive est en perte d’efficacité et la remontée du pH ne peut plus avoir lieu. De même, ce pouvoir compensateur ne pourra se produire si la plaque trop épaisse perd sa perméabilité et interdit la diffusion des fluides salivaires. Il y a alors développement de la carie de l’émail, à différencier de la lésion de l’émail initiale, où la reminéralisation est encore possible. Cette lésion de subsurface évoluera alors rapidement en cas d’homofermentation associée à un pH beaucoup plus bas que l’hétérofermentation (Muller and al., 1998).

66 Ainsi, un épaississement de la plaque bactérienne (mauvais brossage), un pouvoir tampon salivaire d’une moindre efficacité (protection amélaire affaiblie) ainsi qu’un régime alimentaire contenant fréquemment des sucres fermentescibles sont les trois facteurs associés à un risque carieux élevé (Marsh, 1994). L’équilibre entre santé et maladie est fragile et implique que l’acidité provenant de la plaque, chargée de bactéries, entre en compétition avec les facteurs protecteurs produits par le flux salivaire et une bonne hygiène buccale (Mount and Hume, 2002).

Figure 20 : interaction des facteurs étiologiques de la cavité buccale (Mount and Hume, 2002)

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