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La ligne de défense pulpaire : l’inflammation

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 93-99)

iii. Les réactions de défense pulpodentinaires

3. La ligne de défense pulpaire : l’inflammation

La diffusion vers la profondeur de substances toxiques à partir des lésions carieuses passe essentiellement à travers les tubules dentinaires. Par conséquent, la profondeur jusqu’à laquelle les toxines pénètrent dans les tubules est d’importance critique dans le déclenchement de la réaction pulpaire et peut être réduite par le processus de sclérose dentinaire et par la formation de dentine réactionnelle (Piette and Goldberg, 2001). Parallèlement aux mécanismes de défense dentinaires, la

85 pulpe devient le siège d’une réaction inflammatoire et immunitaire. L’intensité de la réaction pulpaire à l’invasion bactérienne, en particulier l’expression de cytokines pro-inflammatoires, va conditionner le caractère irréversible de la pulpite.

Une étude montre que si la distance entre les bactéries de la lésion carieuse et la pulpe (en incluant l’épaisseur de la dentine réactionnelle) est de 1,1 mm en moyenne ou plus, la réponse inflammatoire est négligeable ou réversible.

Lorsque la lésion est située en deçà de 0,5 mm de la pulpe, il y a une augmentation significative de l’inflammation. Cependant, ce n’est que lorsque la dentine réactionnelle formée sous la lésion est envahie par les bactéries que la pulpe est enflammée de manière aigüe (Piette and Goldberg, 2001).

Les bactéries et leurs toxines, pénétrant dans les tubulis dentinaires, sont responsables de l’organisation d’un front cellulaire de défense en regard de la carie. L’immunité innée est activée directement après la première invasion microbienne.

Les composants de l’immunité innée du complexe dentinopulpaire comprennent :

• le flot vers l’extérieur du fluide dentinaire et la déposition d’immunoglobulines dans les tubulis dentinaires ;

• les odontoblastes ; • les fibroblastes pulpaires ;

• les neuropeptides de l’inflammation ;

• les cellules de l’immunité innée telles que les cellules dendritiques immatures, les cellules natural killer (NK), les lymphocytes T ainsi que leurs cytokines et leurs chémokines (Hahn and Liewehr, 2007).

Diverses cellules immunocompétentes sont donc mobilisées au niveau de la pulpe dentaire. La pulpe est infiltrée par les macrophages, les lymphocytes et les plasmocytes. La concentration de ces différentes cellules augmente au fur et à mesure que la carie progresse en direction de la pulpe. Les cellules polymorphonucléaires constituent le groupe prédominant au niveau du site d’exposition de la pulpe.

Des études immunohistochimiques ont montré la participation de cellules accessoires dans la reconnaissance des substances antigéniques au sein de la pulpe. Deux types de cellules ont été décrits. La première présente une morphologie dendritique et est localisée à la périphérie de la pulpe. La seconde ressemble aux macrophages et est surtout localisée au centre de la pulpe (Piette and Goldberg, 2001).

Les cellules dendritiques sont caractérisées par une grande motilité, une phagocytose modérée et sont présentatrices d’antigènes. Ce sont les premières à défendre la vitalité de la pulpe. Elles

86 constituent le signal initial de défense. On parle d’immuno-surveillance. Elles fixent les antigènes de manière non spécifique et synthétisent des substances chimiques permettant notamment d’activer localement d’autres cellules de l’immunité spécifique telles que les lymphocytes T (Jontell and al., 1998).

Parmi les cellules présentatrices d’antigènes, on dénombre en plus des cellules dendritiques (les plus représentées), les macrophages, les lymphocytes B et les cellules endothéliales. Elles portent des molécules du complexe d’histocompatibilité de classe II reconnues spécifiquement par les lymphocytes T grâce aux récepteurs TCR (T cell receptor) (Jontell and al., 1998).

En passant dans les tissus, les monocytes deviennent des macrophages. Les macrophages ont un plus grand pouvoir phagocytaire par rapport aux cellules dendritiques et échafaudent la réaction pulpaire de défense et secrètent des substances chimiques telles que :

• des enzymes antibactériennes ;

• des cytokines telles que IL-1, IL-6, TNF ;

• des facteurs de croissance pour les fibroblastes et les cellules endothéliales.

Les macrophages interviennent secondairement dans la réaction immunitaire pulpaire (Jontell and al., 1998).

Le mécanisme majeur de l’immunité innée est donc la phagocytose après reconnaissance de l’antigène bactérien par des récepteurs cellulaires. Par exemple, les récepteurs à mannose sont les récepteurs principaux présents à la surface des cellules neutrophiles et de macrophages. Ces cellules phagocytaires expriment également des récepteurs à opsonines pour la protéine C réactive, la fibronectine et le facteur C3 du complément facilitant l’internalisation des agents bactériens. D’autres récepteurs tels que le « G protein-coupled-receptor » (GPCRs) et « tool-like receptors » (TLRs) ne participent pas à l’ingestion des microbes mais activent la phagocytose. Les GPCRr lient les chémokines telles que le leucotriène et la prostaglandine E2 intervenant dans l’extravasation des leucocytes et la production de substances antibactériennes (Hahn and Liewehr, 2007).

Suite à la destruction tissulaire d’origine carieuse, il y a libération de médiateurs de l’inflammation par les odontoblastes notamment. Cela induit une inflammation avec une vasodilatation des vaisseaux pulpaires ainsi qu’une augmentation de leur perméabilité. La pulpe étant confinée dans un espace clos, cette vasodilatation réactionnelle peut être à l’origine d’une ischémie pulpaire. Il se produit une extravasation des fluides et des cellules de défense en direction du site de la carie et des tubulis dentinaires. Lorsque la carie est active, l’infiltration pulpaire par les cellules inflammatoires est massive (Piette and Goldberg, 2001).

87 Figure 28 : illustration schématique des mécanismes directs et indirects d’activation des nocicepteurs pulpaires et péri-apicaux par les bactéries (Owatz and al., 2007)

Il se crée comme une « balance » entre la production de facteurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires. Cela détermine les capacités de défense de la pulpe et la vitesse de progression de la pulpite (Bergenholtz and al., 2003 ; Cohen and al., 2006 ; Orstavik and Pitt Ford, 2008). La pulpite réversible est plutôt caractérisée par une immunité innée qui a pour premier but de supprimer au mieux la totalité des antigènes bactériens tentant de pénétrer la pulpe (Hahn and Liewehr, 2007).

Si l’immunité innée est incapable de faire face seule à l’agression et que la carie approche trop vite de la pulpe, l’immunité acquise vient la compléter et la supplémenter à l’aide des ses cellules et de ses anticorps spécifiques. Ceci est à l’origine d’une forte inflammation pulpaire, apparition d’un œdème et une augmentation de la pression intra-pulpaire. Cela se fait donc au détriment de la pulpe (Hahn and Liewehr, 2007). L’immunité acquise marque le passage vers une pulpite irréversible et la destruction pulpaire.

Les lymphocytes T constituent la deuxième étape du système de défense activant ensuite les lymphocytes B et leur production d’anticorps spécifiques. Les lymphocytes sont des cellules de défense appartenant à l’immunité spécifique. Elles sont capables de reconnaître des antigènes spécifiquement et notamment lorsque ceux-ci sont présentés par des cellules présentatrices d’antigènes sur une molécule du complexe d’histocompatibilité de classe II. Les lymphocytes B,

88 producteurs d’anticorps, donnent naissance à des cellules mémoires : les plasmocytes. Parmi les lymphocytes T, on dénombre :

o lymphocytes T helper CD4+ o lymphocytes T cytotoxiques CD8+

Les lymphocytes CD4+ reconnaissent les antigènes bactériens grâce à leurs récepteurs membranaires spécifique TCR. Les lymphocytes T CD4+ Th1 produisent de l’IL-1, INF-γ intervenant secondairement dans l’activation des macrophages. Les lymphocytes T CD4+ Th2 produisent de l’IL-4, IL-5, IL-6 stimulant et activant les lymphocytes B.

Les lymphocytes T sont surtout présents le long des vaisseaux sanguins pulpaires. Ils agissent sur l’intensité et la durée de la réaction de défense. Ils sont présents dans toutes les pulpes saines alors que les lymphocytes B apparaissent essentiellement dès l’apparition d’un stimulus inflammatoire (Jontell and al., 1998).

A ce stade apparaissent des processus de destruction pulpaire provoqués, entre autres, par la libération d’enzymes protéolytiques par les polymorphonucléaires et les macrophages. Suite aux interactions des micro-organismes et de leurs métabolites, divers médiateurs de l’inflammation sont libérés comme les amines vasoactives, les métabolites de l’acide arachidonique, les kinines ou les composants du complément (Piette and Goldberg, 2001). Certaines cytokines produites par les cellules de l’immunité innée sont également produites par les cellules T activées de l’immunité acquise. Par exemple, l’interféron gamma (INF-γ) favorisant la phagocytose, est synthétisé par les cellules Natural Killer (NK) de l’immunité innée et par les cellules T effectrices de l’immunité acquise. Les cytokines telles que les interleukines IL-2, IL-4, IL-5 et IL-13 sont uniquement sécrétées par les lymphocytes T activés.

Cependant, les anticorps produits par les lymphocytes B sont capables de neutraliser les toxines bactériennes et préviennent l’adhérence bactérienne. Les anticorps peuvent également jouer le rôle d’opsonines dans la phagocytose de bactéries et notamment les bactéries cariogènes.

89 Figure 29 : tableau récapitulant les principales cytokines mises en jeu lors des réactions de défense pulpaire innée et acquise dans la pulpe dentaire (Hahn and Liewehr, 2007).

Les cellules présentatrices d’antigènes activent aussi le système nerveux pulpaire. Celui-ci est très développé. En présence d’un stimulus inflammatoire, il produit des neuropeptides tels que la substance P ou bien le Calcitonine-Gene-Related-Peptide (CGRP). Ces neuropeptides jouent sur la microcirculation sanguine dans la pulpe et le flot de fluide intra-tubulaire. Ces substances chimiques augmentent la vasodilatation des vaisseaux pulpaires, la perméabilité dentinaire et le nombre d’anticorps présents dans le sang. Ces neuropeptides stimulent l’activité des cellules immunocompétentes et inflammatoires intervenant dans la cascade de réactions pulpaires.

La substance P présente de nombreux rôles :

• chémotaxie des macrophages et phagocytose accentuée ;

• augmentation de la production d’acide arachidonique et de cytokines par les macrophages ; • augmentation de la production de cytokines par les LT.

La CGRP porte plutôt le rôle d’immunosuppresseur : • diminution de la prolifération des LT ;

• diminution de la production d’H₂O₂ par les macrophages ;

• diminution de la production et de l’expression de molécules du CMH de classe II (Jontell and al., 1998).

Le système nerveux entre en jeu secondairement pour le recrutement des cellules immunocompétentes. Le système nerveux est capable de réguler la cascade de réactions immunitaires pulpaires en la stimulant ou en la réduisant quand le facteur agresseur bactérien est supprimé (Jontell and al., 1998).

90 Figure 30 : tableau récapitulant les principaux neuropeptides pulpaires et leurs rôles (Lafont and Lasfargues, 1995).

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