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iii. La résistance aux traitements canalaires chimiques

Dans le document Le biofilm bactérien endodontique (Page 133-136)

Le traitement chimique fait lui appel à des agents antibactériens supprimant les effets du biofilm bactérien en lésant ses composants. Les agents chimiques antibactériens créent des réactions chimiques sur des éléments vivants : les micro-organismes bactériens. Nos traitements chimiques agissent sur la membrane des bactéries situées en superficie du biofilm (micro-organismes peu protégés). Ils peuvent être bactéricides et/ou bactériostatiques. Les traitements chimiques exercent également une action solvante et jouent un rôle important dans l’élimination des débris minéraux dentinaires. Le traitement chimique ne fait donc pas disparaître physiquement le biofilm. Il est nécessaire de compléter la détersion chimique par un nettoyage mécanique et vis versa quand le parage canalaire mécanique ne peut être exécuté dans la totalité du système canalaire.

Le clinicien utilise des traitements chimiques en complément des traitements mécaniques dans le but de minimiser la charge bactérienne. Les irrigants et les médications intra-canalaires sont les traitements chimiques les plus utilisés. Le traitement chimique complète le traitement mécanique puisqu’il agit à la fois dans le canal principal et dans les canaux secondaires (Siqueira and Rôças, 2008). L’association de l’alésage canalaire et de l’irrigation à l’aide de produits désinfectants ne suffisant pas à diminuer suffisamment la charge bactérienne contenue dans l’endodonte, il est recommandé d’utiliser des médications temporaires intra-canalaires (Siqueira and Rôças, 2008). L’efficacité des traitements antibiotiques locaux n’a pas réellement été démontrée. Parmi les traitements antibactériens, l’hypochlorite de sodium est le plus utilisé. Cependant, associé au traitement mécanique, il persiste encore une charge bactérienne non négligeable dans 40 à 60% des

125 canaux infectés. D’autres auteurs conseillent l’utilisation de la chlorhexidine en supplément afin de lutter contre les résistances bactériennes. La chlorhexidine a le même effet antibactérien que l’hypochlorite de sodium. Ils inhibent la croissance bactérienne et la production d’acides par les bactéries (Siqueira and Rôças, 2008). Nos traitements antimicrobiens sont plus efficaces sur les bactéries à Gram -, cela explique pourquoi sont retrouvées essentiellement des bactéries anaérobies facultatives à Gram + dans les infections endodontiques secondaires et persistantes (Chavez de Paz, 2004).

Nos traitements chimiques présentent un spectre d’action large face à la diversité bactérienne du biofilm et aux variations entre les individus. Nos traitements contribuent à déséquilibrer le biofilm bactérien endodontique. Certaines espèces, piliers de cette communauté, ne survivent pas et compromettent la survie d’autres espèces. C’est ce qu’il se produit lorsque nos traitements touchent les espèces bactériennes apportant les nutriments essentiels à d’autres espèces, les bactéries produisant des enzymes protégeant d’autres espèces face aux antibiotiques, les bactéries modifiant les conditions environnementales favorisant le développement d’autres bactéries nécessaires à l’écosystème. Si on supprime certaines espèces, les autres ne survivent pas forcément et alors le biofilm bactérien endodontique se désorganise et meurt (Siqueira and Rôças, 2009).

Malgré tout, certaines bactéries résistent à nos traitements chimiques. En effet, Enterococcus faecalis est capable de vivre dans des conditions canalaires extrêmes comme démontré précédemment (Stuart and al., 2006).

La résistance aux traitements chimiques découle directement et indirectement de la capacité à élaborer un biofilm structuré. La matrice extracellulaire bactérienne qui compose le biofilm bactérien réduit tout d’abord la pénétration de l’agent chimique au cœur du biofilm. La synthèse de cette dernière se voit accélérée dès les premières étapes d’adhésion et d’agrégation bactérienne. Un certain nombre d’agents antibactériens ne traversent pas la matrice extracellulaire bactérienne (Norrington and al., 2008).

De plus, la faible quantité de nutriments disponibles dans le canal est à l’origine d’un ralentissement du métabolisme des bactéries, les rendant insensibles à nos produits de désinfection canalaire. Les bactéries présentent ainsi une croissance ralentie. Les agents antibactériens agissent préférentiellement sur les cellules en phase de division cellulaire (Norrington and al., 2008).

Les bactéries présentent une résistance intrinsèque aux agents antimicrobiens utilisés. Elles sont tout d’abord capables de synthétiser des béta-lactamases, rendant les béta-lactamines inefficaces. L’adhérence bactérienne par l’intermédiaire de la structure « biofilm » permet un transfert de gènes

126 de résistance et l’expression d’un nouveau phénotype conférant plus de résistance à la bactérie (Norrington and al., 2008). Les bactéries, composantes du biofilm, subissent des changements physiologiques et phénotypiques, bénéfiques à leur protection, se produisant une fois que l’adhésion et la coagrégation bactériennes se mettent en place sur les parois dentinaires intra-radiculaires (Chavez de Paz, 2007).

Les bactéries sont capables de coloniser des zones canalaires difficiles d’atteinte par nos irrigants et nos médications intra-canalaires : les tubulis dentinaires. Elles semblent également quelque peu protégées par la boue dentinaire ainsi que les cellules mortes, résidus canalaires capables de réduire ou d’inactiver l’efficacité des agents antimicrobiens. La dentine joue un rôle tampon face aux agents antibactériens grâce au collagène I, à l’hydroxyapatite, au sérum et à la matrice (Stuart and al., 2006). La dentine radiculaire présente un pouvoir tampon naturel empêchant le pH canalaire de dépasser 10,8 au niveau cervical et 9,7 au niveau apical (Sundqvist and Figdor, 2003).

Enterococcus faecalis a la capacité de résister aux traitements canalaires chimiques par divers procédés. Rappelons que l’hydroxyde de calcium assure une élévation extrême de pH allant jusqu’à 11, voire 12. Le pH 11 est dit bactéricide. Il prévient la croissance et la survie des bactéries orales. La plupart des bactéries sont détruites à pH supérieur ou égal à 9,5 (Orstavik and Pitt Ford, 2008). Cependant, Enterococcus faecalis possède un système de pompes à protons sur sa membrane capable de maintenir un pH intracellulaire compatible avec la survie bactérienne. De cette manière, cette bactérie absorbe les protons et diminue son pH intérieur. La bactérie joue le rôle de tampon par l’intermédiaire de son cytoplasme (Stuart and al., 2005).

Le canal radiculaire est donc un milieu hautement contrôlé avec un nombre limité de niches écologiques. Chaque niche est composée d’une variété de facteurs environnementaux qui limitent la croissance de certaines espèces au profit d’autres micro-organismes. Les facteurs principaux restent la pression en oxygène et la disponibilité des nutriments. Après le parage canalaire, d’autres facteurs sélectifs entrent en jeu et notamment le pH canalaire et l’efficacité plus ou moins longue des médications intra-canalaires. La survie des bactéries dans cet environnement est dépendante de leurs capacités à s’adapter aux conditions environnementales difficiles (Chavez de Paz, 2007).

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iv. Les adaptations bactériennes face aux modifications

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