• Aucun résultat trouvé

Propriétés de la séquence dans la R.e.S

ET REECRITURE EN SEQUENCE

1 - Q UELLE REECRITURE AU LYCEE ?

1.4. Des paramètres de la réécriture revisités 1. La question du brouillon

2.1.3. Propriétés de la séquence dans la R.e.S

Comment est située la R.e.S. par rapport aux modèles d’apprentissage dont nous avons dégagé les traits qui nous sont apparus les plus propices à une confrontation ? Nous synthétisons dans un premier temps les préoccupations communes et poursuivons par

l’examen des lignes de partage qui distinguent la R.e.S. de la Séquence didactique des genres de l’oral et du Mode de travail didactique56.

Le premier élément remarquable, au sens où il fonde l’identité des modèles et permet l’émergence des composantes pédagogiques et didactiques, réside dans la reconnaissance du paradigme de la durée. Ce préalable rend possible l’établissement d’ateliers de structuration, la multiplication des situations fonctionnelles ou de régulation par la verbalisation. Toute entreprise d’acquisitions de savoir-faire langagiers s’accomplit dans une temporalité autorisant les temps d’expérimentation, de remédiation, de formalisation des compétences.

Dans la R.e.S., l’option de la réécriture différée, survenant à des moments concertés de la séquence et autant que possible en interaction directe avec des phases lectorales, va permettre de se saisir de ce paradigme pour en faire un élément déterminant dans la construction et l’appropriation des objets d’enseignement. Relativement aux savoirs et savoir-faire repérés comme des objectifs spécifiques d’une séquence, il apparaît que leur traitement dans une durée rythmée par la réécriture facilite leur appropriation. D’une part, une seule proposition d’écriture est souvent l’assurance que les notions impliquées et attendues, examinées dans le temps des lectures, ne seront que partiellement ou incorrectement réinvesties. L’instauration d’un temps de retour sur le texte encourage une meilleure utilisation des savoirs et une performance accrue des procédures scripturales dans une perspective de perfectionnement des écrits. C’est la situation courante de révision/amélioration des productions.

Mais les notions auront aussi la possibilité de s’ancrer plus fortement, dès lors qu’elles sont envisagées sous un autre angle, qu’elles sont transposées dans un autre format, un autre projet d’écriture. L’appropriation des savoirs, dans une temporalité ouverte, procède alors de manière spiralaire (Astolfi, 1992/2004, pp. 144-154): il est en effet loisible de programmer une reprise des savoirs mais dans un cadre d’exploitation sensiblement différent du point de vue de la forme que prend la nouvelle élaboration textuelle ou selon un degré supérieur de complexité.

56 Notre approche de la séquence recoupe dans une certaine mesure les cinq pôles décrits par J.-P. Astolfi (« une situation à exploiter ; une méthode à maîtriser ; une connaissance à acquérir ; un obstacle à franchir ; une production à réussir »). (1992/2004, pp. 171-181).

L’installation du projet dans une durée permet enfin de mesurer la capacité de l’élève à remobiliser des savoirs nouvellement découverts, à développer des habiletés dans leur utilisation, à opérer des transferts de procédures, plus loin à travailler l’objectivation des savoirs, ce qui peut être le signe de leur intériorisation. Dans une perspective cognitive, la durée crée un autre rapport aux apprentissages, ouvre la voie à un réinvestissement des savoirs dans des situations de production renouvelées et donc à une stabilisation dans le temps ; elle rend enfin possible le principe de la récursivité, un savoir ou savoir-faire rencontré une fois ayant bien moins de chance d’être opérationnel ou acquis que lorsqu’il est re-convoqué.

Deuxièmement, les modèles de la S.D. et du M.T.D. placent l’élève au cœur des apprentissages, l’associent étroitement à l’appropriation progressive d’un genre de l’oral dans un cas, de l’écrit dans l’autre. Dans la R.e.S., et grâce notamment au fractionnement temporel des phases d’écriture, on admet que l’investissement du sujet-scripteur n’est pas une donnée constante et invariable, immédiatement ajustée au contrat d’écriture. En instaurant une temporalité de la réécriture, on accorde une place à la maturation de l’activité scripturale en sachant que la réécriture peut ne pas être investie de façon spontanée et immédiate.

Cet état de fait a au moins deux implications directes dans la prise en considération de l’apprenant au moment de la conception de la séquence. Il est d’abord nécessaire de reconnaître une place aux savoirs et savoir-faire déjà-là de l’élève, à côté de l’apport des savoirs nouveaux. Cela peut se faire par un sondage prédictif évaluant les compétences des élèves dans le champ des notions qui seront abordées au cours de la séquence. Mais la séquence doit aussi favoriser l’émergence de compétences, mettre l’élève dans des situations d’apprentissage qui réactivent des savoirs auxquels il ne recourt pas spontanément, évidence dont J.-F. Halté force le trait en estimant que « comme souvent

lorsqu’ils s’agit de faire langagiers, les élèves-M. Jourdain savent tout sans savoir qu’ils savent » (Halté, 1996, p. 79).

Ajoutons que l’élaboration d’une séquence implique aussi que soient prises en compte les positions de l’élève-scripteur au cours de son apprentissage. Cela signifie qu’une notion enseignée n’est pas seulement vue pour elle-même mais aussi en fonction de la situation dans laquelle sera placé l’élève, qu’il s’agisse d’une situation qui privilégie l’imprégnation ou la réflexivité ou bien encore la résolution d’un problème. Au lieu

d’entretenir une relation d’extériorité avec son écrit, comme l’y invite souvent la commande institutionnelle, l’apprenant a l’occasion d’éprouver l’écriture dans une temporalité favorisant une relation plus intériorisée, dans un cheminement fait de doutes, de reniements, de retrouvailles et de conquêtes. R. Delamotte et al. voient dans la dimension temporelle la condition d’un rapport durable et positif à l’écriture :

« si (..) nous mettons en évidence un déséquilibre entre la dimension stratégique qui consacre l’objet visé et la dimension processuelle (…) de l’acte d’écrire, il importe de réinjecter l’expérience de la durée dans le dispositif, de penser la réécriture non pas simplement comme une technique d’amélioration du texte mais comme un espace-temps où se rejouent les investissements symboliques et opératoires. C’est-à-dire de permettre l’avènement du scripteur en favorisant son autorisation. » (2000, p. 125).

L’inscription dans la durée donne de la valeur à la production ; la dimension restrictive de commande scolaire s’estompe. C’est du temps accordé à la possibilité d’une reconnaissance par l’élève de son écrit.

Au chapitre des points de divergence entre la R.e.S. et les autres modèles, nous devons souligner que notre conceptualisation ne s’inscrit pas dans une logique socio-constructiviste aussi nettement affirmée, particulièrement si l’on se réfère aux positions défendues par F. Ruellan.

Tout d’abord, nous ne posons pas comme principe premier le constat des dysfonctionnements textuels pour mobiliser la réécriture. Cette dernière se situe moins sur le pôle de la remédiation que sur celui de la créativité, étant entendu que les fondements de l’écriture des genres textuels sont déjà en place en seconde ; la réécriture tend plutôt à devenir un processus naturel et régulier en vue d’une maîtrise par le faire de formes littéraires que la séquence de littérature a sélectionnées.

Ensuite et en dépit de tout l’intérêt que nous prêtons à la coopération à l’intérieur du groupe-classe, aux valeurs éthiques qu’elle sous-tend, nous ne tenons pas pour assuré que les activités de verbalisation métacognitive garantissent une optimisation des résultats dans l’acquisition des savoir-faire. Nous garderons d’ailleurs à l’esprit cette remarque de D.-G. Brassart quand nous nous aviserons d’examiner le rôle des écrits réflexifs dans l’activité de réécriture :

« Peut-être oublie-t-il (Ruellan) que les compétences rédactionnelles et textuelles sont de l’ordre des savoir-faire et des connaissances procédurales, ou stratégiques étant donné la complexité des tâches (…) et que, si leur développement-acquisition passe sans doute par une ou des phases méta-procédurales (…) et s’accompagne d’un développement

métacognitif (…), les effets de cette activité « méta » ne sont pas toujours nécessairement toujours conscients ni verbalisables en un « comment j’ai fait pour… » et peuvent rester épilangagiers (…) » (2005, p. 132).

De même, ne tenons-nous pas pour acquis que la formulation des critères de réalisation textuelle et que la découverte par les élèves des lois de fonctionnement d’un type d’écrit entraînent de façon automatique l’amélioration de la production. Cette réserve nous conduira d’ailleurs à privilégier des consignes d’écriture qui ouvrent résolument de nouveaux chantiers d’écriture et à ne pas juger pour suffisante l’analyse littéraire d’un texte modèle, pour que l’élève propose, dès le premier état, un écrit d’invention qui se conformerait aux lois précédemment énoncées.

Enfin, la séquence ne se décompose ni systématiquement en temps de production et de structuration, ni en ateliers qui traiteraient de manière simplifiée un objet d’écriture complexe. Du point de vue de la configuration générale de la séquence impliquant aspects didactique et pédagogique, on défendra plutôt l’idée que la planification n’obéit pas à un modèle unique et définitif. De nombreux facteurs – de la nature des supports étudiés à la gestion temporelle des activités – construisent la singularité de chaque séquence dont la qualité est d’être réactive. Autrement dit, la séquence envisagée dans une praxis doit être capable de s’abstraire d’une conceptualisation coupée de sa situation effective de réalisation et accepter les aménagements, les bifurcations qu’impose toute réalité d’enseignement à l’écoute de son environnement.

Cela signifie que la planification cherche surtout à intégrer des principes généraux assurant une dynamique des apprentissages, une redistribution régulière des positionnements des différents acteurs. C’est concrètement introduire des situations-problèmes, mettre en perspective les objets étudiés, les textes littéraires notamment, de manière à construire entre eux des liens problématisés, permettre le réemploi d’une notion en cours d’acquisition, ou provoquer son réinvestissement mais sous un angle d’approche différent, ou sous une forme d’utilisation perfectionnée ou complexifiée. C’est pourquoi la relation dialectique lecture/écriture détermine pour une bonne part la conception d’une R.e.S. C’est ce qu’il nous faut démontrer à présent.