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Discours de l’opinion sur un objet non littéraire

L’ ECRITURE D ’ INVENTION AU BACCALAUREAT

3 - A NALYSE STATISTIQUE DES SUJETS

3.2. Les contenus et les visées des écrits d’invention

3.2.2. Discours de l’opinion sur un objet non littéraire

Les opérations linguistiques de la conviction et de la persuasion dont C. Garcia-Debanc (2001) note à juste titre l’association constante dans les textes officiels, tant elles apparaissent le plus souvent imbriquées, sont par ailleurs mobilisées dans des productions qui n’ont plus pour support de la réflexion un objet d’étude littéraire, mais des objets de pensée diversifiés tels que l’injustice, le bonheur, la jeunesse, le pouvoir etc. 22 sujets relèvent selon nous de cette catégorie, soit 37,9% des propositions d’écriture.

En présence de cette catégorie d’écrit, nous ne sommes plus dans un cadre d’évaluation équivalent à celui qui prévaut pour le groupe précédent. En effet, l’absence d’une référence à des savoirs littéraires constitués, acquis par le candidat pendant l’année de première, crée une situation inédite. Et encore convient-il d’établir une distinction entre deux types d’écrits.

Le premier revendique sans ambiguïté son appartenance à un genre littéraire. Sa qualité d’hypertexte, dont des modèles sont toujours proposés dans le corpus de référence de l’épreuve, donne la possibilité au candidat de mettre en œuvre des savoir-écrire spécifiques au genre littéraire sélectionné. Il s’agit alors de faire la preuve d’une capacité à argumenter en racontant22 ou en construisant un dialogue entre des personnages de

théâtre. Certes, nous ne sous-estimons pas les difficultés d’un écrit qui doit concilier la création d’une situation fictionnelle et un enjeu argumentatif : stratégie de persuasion

22

C’est très exactement le titre de l’ouvrage d’Alain Rabatel (2004) consacré à l’écriture d’invention et présentant des dispositifs d’écriture, accompagnés de productions exemplaires (dont on peut seulement regretter qu’elles ne soient pas de la main d’élèves lycéens).

diffuse, étayage problématique des opinions, élaboration d’une dynamique argumentative cohérente, distribution et articulation des tours de parole dans le dialogue. Néanmoins, on peut avancer l’hypothèse que le candidat a non seulement une connaissance de lecteur du genre dans lequel il est amené à écrire mais aussi une expérience de scripteur dans la mesure où ces formes ont pu faire l’objet d’un apprentissage en classe.

Le second en revanche représente la forme la plus discutable de l’É.I., telle que nous la concevons. La rédaction d’une lettre dénonçant le racisme (STT.13) ou d’un plaidoyer en faveur de l’humanité (SES.18), met non seulement de côté des savoirs littéraires sur lesquels fonder une évaluation, mais rompt aussi avec l’idée d’une production hypertextuelle, identifiable parmi les genres littéraires habituellement fréquentés par les élèves. Le lien avec les textes du sujet d’examen peut alors être très distendu puisque le candidat est amené, selon les cas, à investir une forme non représentée dans le corpus et à développer une opinion à partir de son propre savoir expérientiel.

C

ONCLUSION

Afin de mieux rendre compte de l’ensemble des formes possibles de l’écrit d’invention aux É.A.F., nous présentons, dans un tableau récapitulatif, les six combinaisons répertoriées. Le critère de ventilation des sujets consiste à distinguer leur appartenance générique selon qu’ils relèvent ou non des formes littéraires étudiées et selon l’objet du discours visé, indexé ou non au champ de la littérature. C’est ainsi que par « discours non littéraire », nous entendons les formes discursives telles que la correspondance, l’article, le discours oratoire, le dialogue. Sous la rubrique « discours de genre littéraire », nous rangeons les sujets qui contiennent une référence explicite aux genres théâtral, préfaciel, autobiographique et au genre de l’apologue. La distinction entre thème littéraire et non littéraire de l’argumentation est établie en fonction d’une référence déclarée ou non aux objets d’étude de la classe de Première. Les sujets consacrés à une question relevant de la sphère élargie du littéraire (la condition de l’écrivain, l’écriture du souvenir) et de la représentation théâtrale entrent dans les catégories 1 et 4.

1 2 3 Discours non littéraire

+ Thème littéraire de l’argumentation = 24 occurrences L.1 ; L.5 ; L.9 ; L.11 ; L.12 ; L.14 ; L.15 ; L.16 ; L.19 ;

SES.3 ; SES.4 ; SES.5 ; SES.8 ; SES.9 ; SES.10 ; SES.12 ; SES.13 ; SES.15 ; SES.19 ; SES.21 ; SES.22 ; STT.6 ; STT.9 ; STT.15

Discours non littéraire +

Thème non littéraire de l’argumentation

= 14 occurrences

L.2 ; L.4 ; L.8 ; L.10 ; L.21 ; SES.11 ; SES.17 ; SES.18 ;

SES.20 ; STT.2 ; STT.10 ; STT.12 ; STT.13 ; STT.14 ;

Discours non littéraire +

Visée non argumentative =

1 occurrence

L.3

4 5 6

Discours de genre littéraire + Thème littéraire de l’argumentation = 3 occurrences L.7 ; SES.2 ; STT.4 ;

Discours de genre littéraire +

Thème non littéraire de l’argumentation = 8 occurrences L.6 ; L.13 ; L.20 ; SES.1 ; SES.6 ; STT.1 ; STT.5 ; STT.11 ;

Discours de genre littéraire +

Visée non argumentative =

8 occurrences

L.17 ; L.18 ; SES.7 ; SES.14 ; SES.16 ; STT.3 ; STT.7 ;

STT.8

Les sujets É.A.F. : un classement selon l’appartenance générique et l’orientation pragmatique

Du point de vue des catégories de sujets proposés depuis 2002, on observe une diversité qui ne pose pas une relation équivalente des sujets avec le programme de la classe de 1ère. Certains d’entre eux convoquent expressément et de manière explicite des savoirs de référence clairement identifiés, figurant dans les objets d’étude (catégorie 1), quand d’autres ne font pas figurer cette donnée dans la consigne d’écriture ou entrent dans des catégories de discours dont l’enseignement/apprentissage en cours d’année reste relatif ou marginal (catégorie 2). C’est particulièrement sensible pour les sujets des séries STT. Sur les quinze sujets inventoriés, seuls quatre d’entre eux convoquent un contenu littéraire ou

assimilé. Les autres traitent des questions d’ordre moral (L’injustice (STT.14), le racisme (STT.13), le devoir de mémoire (STT.12)). Par ailleurs une différenciation doit être faite entre les sujets nécessitant l’investissement d’une forme hypertextuelle, et donc l’imitation du genre exploité par le corpus et ceux épousant une forme métatextuelle, du type article, préface ou lettre. Il est à noter que seules trois occurrences parmi les sujets existants proposent un croisement entre l’écriture dans un genre littéraire et un discours sur un fait littéraire. Encore faut-il préciser que deux de ces sujets (SES.2, STT.4) ont un statut particulier, puisqu’il s’agit de rédiger une préface, en d’autres termes un discours métatextuel. Quant au sujet L.7, il consiste à produire un dialogue théâtral dans lequel un metteur en scène et des comédiens entrent en conflit. Nous le faisons figurer dans cette rubrique, parce que l’on peut faire l’hypothèse qu’il est attendu du candidat un débat sur les conditions de la représentation théâtrale. Il est enfin loisible de constater que les formes littéraires hypertextuelles dont l’orientation argumentative est faible ou absente (catégorie 6) se répartissent en deux sous-groupes : le récit autobiographique et le monologue théâtral, tous deux orientés par le registre lyrique.

Au terme de cette lecture des sujets É.A.F., il apparaît opportun d’attirer l’attention sur plusieurs faits. La multiplication des contraintes de l’É.I. à l’examen n’est pas de nature à clarifier dans l’esprit des candidats les critères de réalisation et d’évaluation. Une pratique de correcteur des épreuves de français montre de façon criante la difficulté des candidats à gérer une série de contraintes rédactionnelles, explicites pour les unes, implicites pour les autres, établis sur la base d’une connivence littéraire ou culturelle que bon nombre d’élèves ne sont pas en mesure de décrypter seuls.

À cette difficulté vient s’ajouter le privilège accordé à la thématique du discours dont l’orientation prend difficilement en compte l’ethos de l’énonciateur ou la visée pragmatique du discours que suggèrent fréquemment les sujets et qui a souvent pour effet de réduire à son expression la plus élémentaire le respect du cadre formel et générique.

CHAPITREIV :