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1 – PROPOSITIONS POUR LA FORMATION UNIVERSITAIRE :

- ENSEIGNEMENT SECONDAIRE –

L’EPS est une discipline scolaire centrée traditionnellement sur des apprentissages moteurs. Dans l’enseignement secondaire algérien, cela consiste essentiellement en l’initiation à des techniques sportives, comme nous venons de le voir dans les chapitres précédents. Malgré un horaire d’enseignement encore insuffisant, elle offre en plus des apprentissages moteurs des possibilités d’apprentissages d’ordre socio-affectif, comme servir l’équilibre émotionnel et l’intégration sociale des élèves. Ces possibilités éducatives sont encore peu exploitées en raison essentiellement du peu d’intérêt qui y est accordé, plus particulièrement au niveau de la formation professionnelle des enseignants d’EPS. Or « le métier d'enseignant devient de plus en plus complexe et s'exerce avec des publics très variés. Les problèmes de violence s'amplifient. Pour faire face à ces

changements, une sérieuse formation psychologique des personnes travaillant dans le champ de l'enseignement, mais aussi dans celui de la formation, est tout à fait actuelle » (Nimier, 1996, p.13; c'est l'auteur lui-même qui souligne).

Quels domaines plus exactement ou quels aspects des compétences et capacités professionnelles faudrait-il développer ou améliorer chez les enseignants ? Les relations humaines, la communication, l’observation, une meilleure connaissance des caractéristiques du développement à l’âge des élèves qu’ils ont en charge… ?

1 – PROPOSITIONS POUR LA FORMATION UNIVERSITAIRE :

Les choix de contenus de formation universitaire initiale actuels ne sont généralement pas argumentés par des objectifs ou des motifs explicites. Les formateurs et professeurs d’université sont mis devant un choix de thèmes qui essaie de respecter un ordre de progression logique (voir par exemple le Programme thématique de Psychologie générale et de psychologie du développement au chapitre II, pp. 55-57). Or <<une formation psychologique, pour être acceptée, doit avoir des objectifs et des principes clairs>> (Nimier, o.c., p. 28).

Nous n'avons pas eu dans ce travail la prétention d'évaluer les contenus des programmes, mais d'avancer des propositions sur la base d'expériences personnelles d'enseignement, de formation et de recherche. La refonte des programmes de formation est un tout qui demande évidemment la participation de plusieurs spécialistes dans des équipes pluridisciplinaires. Au vu du formidable développement de filières EPS au plan quantitatif dans les universités algériennes (une vingtaine en 2011-2012), il apparait nécessaire d'approfondir la réflexion et l'analyse des besoins, des orientations et des contenus de formation. Des questions pourraient être posées et des réponses apportées par les décideurs et par les formateurs eux-mêmes en vue de définir un profil général d'abord, ensuite des profils de sortie suivant par exemple les paliers d'enseignement, ou mieux encore, l'ensemble des catégories d'âge de la vie.

En ce qui concerne l'enseignement en général d'abord, l'un des objectifs est de former des éducateurs et non seulement des spécialistes de disciplines scolaires. C'est devenu un impératif en raison des nombreux problèmes qui se posent actuellement à la famille et à la société; pour s'en convaincre, il n'est que de voir les interventions et écrits de spécialistes de sciences de l'éducation, entre autres Philippe Meirieu (1996…), Edgar Morin (1999)… ou les nombreuses réunions consacrées par exemple à la violence à l'école, y compris chez nous en Algérie. << Ceux qui prétendent que l'école ne doit pas ou plus éduquer, qui veulent fonder l'école de demain sur la seule raison par l'instruction, ou sur la seule utilité par la formation, sont des naïfs ou des apprentis-sorciers qui n'imaginent pas la société qu'ils préparent ainsi à leurs propres enfants. N'arrive-t-il pas de rencontrer des hommes instruits, ou des ingénieurs efficaces, qui cultivent cependant la suffisance, le cynisme, le mépris, voire la haine de l'autre? En quoi une bonne instruction, ou une excellente formation, peut-elle remplacer une solide éducation? >> (Bouvier & al., 1993). Ne parle-t-on pas de "système éducatif" chez nous en Algérie? On continue pourtant à faire plutôt de l'instruction!

Si la question de la définition du profil général est donc primordiale et doit être réfléchie en termes d'éducation, il faut ensuite penser à préparer les enseignants aux populations scolaires qu'ils vont avoir en charge, bien évidemment au plan technique et didactique de la discipline d'enseignement, mais aussi au plan socio-affectif.

En ce qui concerne l'enseignement secondaire, palier qui nous intéresse plus particulièrement ici, et nous en tenant à la matière de formation qui est au centre de nos préoccupations de recherche, la psychologie, on peut se poser la question suivante: Quelle formation psychologique pour devenir enseignant d’EPS au lycée, c'est-à-dire avec une population scolaire d'adolescents ? Cherchant à approfondir l'analyse, nous pouvons poser d'autres questions plus précises. Et par exemple, quelles habiletés et qualités développer pour apprendre à être au plus près de la réalité des problèmes des adolescents et des solutions à apporter?... La question initiale – quelle formation psychologique? - ne reste pas alors rattachée aux seuls apports de la psychologie, mais nous renvoie à la construction de rapports aux autres activités de formation. Un des enseignants interrogés en entretien, K.-C., 60 ans, en fin de carrière et à l’expérience riche et variée en tant qu’enseignant de lycée, entraineur de sport de performance, formateur en ITE puis enseignant à l’université, considère que <<les fondamentaux de

la formation doivent être constitués par : la connaissance scientifique et technique des APS scolaires, la connaissance de la population-cible avec laquelle le stagiaire est appelé à travailler, et les qualités personnelles, déterminantes dans la relation pédagogique>>. Si l'apprentissage, par les étudiants ou stagiaires en formation, des

techniques sportives de quelques APS scolaires des deux familles de l'athlétisme et des sports collectifs est plus ou moins bien organisé actuellement, il reste par exemple à : apprendre à observer la population scolaire, effectuer des enquêtes simples auprès des adolescents et observer leur comportement global, maitriser des techniques d’animation de la classe… Il est possible d'améliorer également des qualités personnelles, par exemple d’action et de sociabilité, domaine à caractère socio-affectif dans lequel nous allons essayer d'apercevoir les possibilités de formation.

On remarquera que nous attirons l'attention en premier lieu sur des objectifs opérationnels d'apprentissages pratiques, d'interrogation de la réalité, d'adaptation et d'action pédagogique concrète. Déjà des éléments d’analyse théorique dans les chapitres I et II nous ont montré que les enseignants ne reçoivent pratiquement aucune préparation à leur fonction dans le domaine socio-affectif ; pourtant eux-mêmes ont vécu en cours de formation ces phénomènes dans certaines pratiques : Dans toutes les APS par exemple, ils apprenaient eux-mêmes à s’affronter ou coopérer, et vivaient des moments d’émotions, de création de liens d’amitié ou de rejet… En pédagogie pratique, ils apprenaient à travailler avec différents niveaux scolaires et découvraient partiellement les problèmes et réactions des élèves… Cependant, toute cette dynamique des relations vécues en formation restait implicite et ne faisait pas l’objet d’observation, d’analyse et d’explicitations, sauf cas d'incidents plus ou moins graves auxquels il fallait chercher des solutions. En fait, c’est après la formation que les enseignants semblent découvrir et apprendre progressivement, par l’expérience pédagogique sur le terrain, à adopter des attitudes plus ou moins appropriées à la résolution des problèmes rencontrés, notamment dans la relation à leurs élèves, et la façon de gérer cette relation. Et c'est cette expérience pratique qui les amenait à remarquer, en de nombreuses occasions de journées pédagogiques, que rien ne pouvait remplacer une formation sur le terrain. Encore faut-il qu'elle soit menée de façon explicite, dans le but d'améliorer aussi bien le savoir-faire que le savoir-être.

La place de ces pratiques de formation sur le terrain est indispensable, à notre sens au plus tôt durant la formation universitaire initiale. Cette place dépend évidemment de la durée de la formation, de l'équilibre entre activités théoriques et pratiques, et de l'organisation des rapports de l'université avec le milieu scolaire. Il semble que le système LMD nous installe dans une durée de cinq années de formation en Licence-Master, qui semble suffisante pour obtenir par exemple un enseignant spécialisé pour l'enseignement secondaire au bout du Master II. Quant à l'équilibre entre les activités de formation, l'acquisition de connaissances théoriques doit impérativement être accompagnée d'entrainements dynamiques: en TD comme par exemple de simples discussions de thèmes, ou l'entrainement à la communication verbale… EN TP, les APS doivent servir également des apprentissages socio-affectifs chez les étudiants telle l'application des règles et de l'esprit sportif, les relations d'entraide… En Pédagogie

Pratique, le contact et la relation avec les élèves doivent être explicitement accompagnés d'objectifs à atteindre, d'analyse en groupe, etc.

Il va sans dire qu'une formation de type académique sous forme de cours et TD apparait indispensable. Les candidats reçus en formation sont issus généralement de différentes séries ou filières de l'enseignement secondaire; ils ont très peu d'information scolaire au sujet de la psychologie parce que seules les branches littéraires dans le secondaire sont concernées par un enseignement introductif à cette science, en philosophie. C'est pourquoi il semble nécessaire de commencer par une introduction à la psychologie générale ayant pour objectif d'abord une présentation globale; afin d'éviter la dispersion des centres d'intérêt des étudiants, il faudrait ensuite évoluer rapidement vers les branches proches des préoccupations pédagogiques, plus spécialement la psychologie du développement et la psychologie sociale. Cela semble particulièrement important chez des professionnels de l’éducation physique appelés à enseigner des activités d'interactions dynamiques dans des établissements et classes fréquentés par des adolescents.

D'un autre côté, la formation psychologique ne dépend pas que de la psychologie en tant que discipline à enseigner; des changements sont nécessaires sous d'autres aspects et dans d'autres domaines complémentaires. G., 46 ans, ayant enseigné dans le sud puis dans une grande ville du nord de l'Algérie, nous racontait que pour convaincre les filles de participer aux séances d’EPS dans une petite ville du sud, pendant la décennie noire, « nous nous sommes mis, mon collègue et moi, à la recherche d’indications dans les préceptes religieux encourageant les activités physiques. Nous avions pris soin de les expliquer, et ça a marché dans une région très conservatrice. En même temps, nous avons pu découvrir et apprendre nous-mêmes des choses au sujet desquelles nous avions un point de vue faussé ».