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5.5 – Complémentarité des APS dans le développement des capacités d’ordre socio-affectif :

Il est très important de remarquer à la fin de cet essai de synthèse de nos observations que chaque activité semble apporter sa contribution originale dans la régulation du comportement émotionnel et social, tout comme cela arrive en ce qui concerne les apprentissages moteurs. D’où l’intérêt d’abord d’une plus grande variété d’activités physiques et sportives à l’école et au lycée (et évidemment d’un horaire plus conséquent). Et d’où l’intérêt ensuite d’effectuer l’analyse de chaque activité non seulement sous l’angle de son apport moteur ou cognitif, mais aussi de son apport au plan socio-affectif.

En dehors de la variété des APS, la complexité des autres facteurs qui rentrent en jeu dans les actions et réactions affectives des élèves se découvre d’elle-même au tableau III (Dominante socio-affective des comportements observés dans les différentes APS, pp.119-120): les effectifs de la classe, les filles et les garçons…D’autres facteurs non

apparents sur le tableau sont difficiles à recenser : les différents âges, le passé sportif des élèves, les compétences, les attitudes et les qualités personnelles de l’enseignant, les conditions matérielles et temporelles dans lesquelles s’effectuent les activités…

En raison de cette complexité des facteurs en jeu, il apparait donc impossible de prévoir des solutions toutes faites d’une APS à l’autre ; par contre, l’observation suivie par l’enseignant sur le terrain pourra lui permettre de maitriser certains de ces facteurs et préparer en conséquence son intervention pédagogique. C’est d’ailleurs la démarche générale adoptée par tout enseignant dans tous les apprentissages : observer et effectuer une évaluation diagnostic du niveau et des besoins avant de programmer son action pédagogique. Les enseignants doivent donc apprendre à observer quotidiennement la dynamique des interactions et à les rentabiliser dans la prise en charge éducative de leurs élèves. Serait-ce là un des domaines importants d’une formation adéquate à la gestion des aspects socio-affectifs ?

L’essai d’analyse de l’observation des comportements des élèves en fonction du déroulement chronologique de la séance d’une part, puis de la nature et du contenu des APS d’autre part, sont deux procédés qui se sont avérés fructueux dans notre tentative de recherche. Même si les résultats restent insuffisants aux plans quantitatif et qualitatif, ils nous ont aidé à faire ressortir des exemples des comportements à dominante socio-affective que nous recherchons, et nous indiquent en même temps une démarche à utiliser pour les découvrir. Cette même démarche, tentée (et réussie partiellement) comme moyen de recherche, nous apparait aussi utile aux enseignants pour apprendre à prévoir dans leurs projets éducatifs l’amélioration des aspects socio-affectifs du comportement de leurs élèves. De même qu’ils observent puis prévoient dans leur programmation et préparation de séances des apprentissages moteurs et tactiques, il apparait tout aussi nécessaire d’observer, puis essayer de prévoir explicitement et d’atteindre des objectifs éducatifs d’ordre socio-affectif, tels que : apprendre aux élèves à gérer leurs émotions et à vivre en groupe, à développer des relations (d’entraide ou d’opposition), à jouer des rôles différents...

Pour prendre un exemple encore plus précis, revenons aux activités observées (et présentées en §3.3, tableau III, pp. 119-120) :

- Dans les trois séances de lancer de poids observées, les enseignants s’intéressent surtout aux techniques de lancer (départ de positions latérale ou de dos) ; pourtant ils apparaissent à travers l’organisation particulièrement préoccupés par les conditions de sécurité ; ce qui est opportun mais n’apparait cependant pas dans l’objectif principal ; en s’y intéressant de manière plus explicite à travers les objectifs fixés, les enseignants pourraient valoriser ces aspects dans les apprentissages des élèves (comment prendre des mesures de sécurité…) ;

- En ce qui concerne les sports collectifs , dans les objectifs d’apprentissage fixés aux trois séances observées (deux en hand-ball et une en volley-ball), les enseignants ne mentionnent dans leur projet éducatif que le premier axe, psychomoteur, sous l’angle d’apprentissages de techniques motrices sportives (ici passes longues en hand-ball préparant l’attaque, touches de balle orientées en volley-ball). Dans un seul cas, en hand-ball, l’enseignant mentionnera l’apprentissage tactique dans l’organisation d’attaque ; un

des avantages de cet apprentissage est qu’il développe simultanément des capacités dans les trois axes complémentaires, psychomoteur, cognitif et socio-affectif.

Que ce soit en EPS ou dans d’autres matières, les manifestations émotionnelles et interactionnelles des élèves sont non seulement délaissées, mais considérées par certains enseignants comme des freins aux apprentissages, ou comme des manifestations marginales que l’on doit réprimer. Or c’est peut-être cela le grand échec de l’école : la mise entre parenthèses ou l’évacuation de l’affectivité, de l’humain en fait, pour ne garder que les apprentissages à caractère intellectuel ou technique (autrement dit le savoir et le savoir-faire). C’est peut-être à cause de cela que s’organise la révolte des jeunes devant l’ordre ou la discipline scolaire, qui leur interdit de s’exprimer pour mieux se centrer sur des apprentissages systématisés dont ils ne ressentent pas toujours la nécessité. Et le problème ne se pose pas seulement chez nous en Algérie : Postic (1990) s’appuie sur des recherches menées de façon rigoureuse, comme celle de Gilly (1980), en France, pour remarquer que les élèves restent souvent frustrés dans une demande affective qui correspond chez eux au désir de faire reconnaitre par l’enseignant leur propre personne.

Même en EPS, le cours est effectué suivant parfois une démarche rigide d’apprentissage de techniques motrices sportives, ne laissant aucune place à l’enrichissement ou aux variations humaines originales : Pendant le cours, les élèves s’ennuient à passer et repasser dans des formations en colonnes ou vagues ennuyeuses à la longue; d’autre part, en deux heures de cours d’EPS par semaine, - choix algérien pour des lycéens adolescents qui ont besoin de se dépenser tous les jours ! - ces apprentissages techniques n’aboutiront presque jamais chez ceux des élèves qui ne pratiquent aucune activité sportive hors du lycée ; qu’à cela ne tienne, certains enseignants s’attellent à reconduire chaque année les mêmes objectifs, de la première année secondaire à la terminale ! Ce n’est pas très différent dans les systèmes éducatifs plus avancés, que nous copions d’ailleurs : « Ce que nous reprochons à l'EPS actuelle, c'est de viser davantage l'initiation à de multiples activités, que l'installation de compétences significatives » Delignières (2001). Et il précise : « Soyons clair, il ne s'agit pas là de faire aux enseignants un procès en incompétence. Ce que je veux mettre en avant, c'est la formidable difficulté de la mission qui leur est confiée par l'institution: à savoir assurer des apprentissages de bon niveau dans une dizaine de disciplines différentes. Il serait sans doute plus efficace que les enseignants enseignent les APS qu'ils connaissent, qu'ils apprécient et dans lesquelles ils ont acquis une expertise technique conséquente ».

Cette dernière observation nous montre combien le choix des objectifs ou de l’organisation des activités, mais aussi la formation et les attitudes des enseignants, sont déterminants dans l’efficacité des apprentissages et des apports éducatifs de l’EPS.

Chapitre V

LES ATTITUDES ET REPRESENTATIONS