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Chapitre 2. RECENSION DES ÉCRITS

2.4 Significations du prendre soin de soi et pratiques proactives de santé pour des usagers de

2.4.3 Promouvoir, maintenir et retrouver la santé

2.4.3.1 Prendre soin de soi consiste en des habitudes de vie saines

Dans les études recensées, les auteurs soulignent que les personnes qui font usage de drogues incluant par injection adhérent largement aux messages de promotion de la santé reliés à l'alimentation, à

l'activité physique, au repos et au sommeil, ceci afin de prendre soin d'elles (Drumm et al., 2005; Duterte et al., 2001; Holt et Treolar, 2008; Olsen et al., 2012; Roy et al., 2007). L’une des préoccupations rapportées est celle de maintenir leur poids dans les limites de la normale (Drumm et al., 2005; Hobbs Leenerts, 2003). En plus de contribuer au maintien du poids, l'activité physique, telle que nager, aller au gym, marcher, est vue comme un moyen d'éviter de surconsommer des drogues et alcool et est associée, pour les personnes sondées, au bien-être psychologique en permettant de donner un cadre ou une routine de vie constructive et positive (Drumm et al., 2005;

Holt et Treolar, 2008; Meylakhs et al., 2015). Selon l'étude Holt et Treolar (2008) auprès de PUDI atteintes de troubles mentaux, « L'exercice physique était perçu de façon variable comme un moyen de se remonter le moral, relaxer, améliorer l'estime de soi, et aussi se distraire de la tentation de consommer des drogues » (p. 426).

Une alimentation nutritive et en quantité suffisante est largement considérée comme une pratique proactive de santé et parmi les gestes qui sont les plus rapportés en lien avec la santé dans les études recensées (Drumm et al., 2005; Duterte et al., 2001; Hobbs Leenerts, 2003; Olsen et al., 2012; Roy et al., 2007). Alors que certains aliments sont perçus comme plus dommageables pour leur santé dont de type « fast-food » ou trop salés, trop gras ou trop sucrés ou bien encore la viande rouge., un souhait amplement soulevé est d’augmenter leur apport en aliments « sains » dont de fruits et de légumes, ainsi que leur apport en suppléments en vitamines et minéraux (Drumm et al., 2005; Olsen et al., 2012). Enfin, même si la prise de suppléments vitaminiques a été nommée comme une pratique proactive de santé (Olsen et al., 2012; Drumm et al. 2003) il s’agit selon Duterte et al., (2001) d’une façon de contrer un manque de moyens financiers pour se procurer des aliments nutritifs.

2.4.3.2 Prendre soin de sa santé implique des autosoins et de l'automédication

Les participants aux études américaines de Drumm et al., (2005 et Duterte et al., (2001) rapportent tenter d’abord de se soigner eux-mêmes lorsqu'ils sont malades et utiliser le réseau formel de soins, particulièrement les urgences hospitalières, en dernier recours. Diverses stratégies personnelles sont décrites pour traiter des maux courants tels que les migraines, les infections de la peau, les maux de gorge dont l'usage de médicaments disponibles sans ordonnance ou de remèdes maison (« home remedies») (Drumm et al., 2005; Duterte et al., 2001). Aussi, l'emploi de drogues illicites peut devenir une forme d'autosoin, comme une infusion de marijuana pour traiter un rhume ou une injection d'héroïne pour soulager la douleur (Drumm et al., 2003; Hobbs Leenerts, 2003; Holt et Treolar, 2008). L'automédication avec des substances psychoactives est rapportée par les participants UDI à l'étude de Holt et Treolar (2008) tous atteints d'une maladie mentale. Il s'agit pour eux d’une

solution facile pour réduire leur anxiété, contrer un état dépressif ou pour gonfler leur estime de soi (Holt et Treolar, 2008). D'autres avaient recours à différentes substances pour composer avec leurs émotions et leur anxiété souvent liées à des abus vécus au cours de l'enfance (Hobbs-Leenerts, 2003). Aussi, des études ont soulevé que leurs participants vont plutôt solliciter les services de santé formels en santé mentale lorsque leurs tentatives d'automédication avec des substances psychoactives se révèlent inefficaces ou insuffisantes (Hobbs Leenerts, 200l; Holt et Treolar, 2008).

D'autres personnes usagères de drogues recourent à ce que Drumm et al. (2005) qualifient de « médecine non conventionnelle », par exemple pour réduire leur propre fracture osseuse, drainer un abcès qui s’est formé à la suite de l'injection de drogues. Ces dernières peuvent aussi tenter de se « purger le système » ou de « transpirer le poison », les éléments toxiques de la drogue et des infections, par divers moyens, dont l'activité physique, la prise d'antibiotiques non prescrits ou l'ingestion de jus de fruits ou autres boissons (Drumm et al. (2005). Néanmoins, les autosoins sont associés à l'incapacité de payer les services de santé aux États-Unis ou de transport pour s'y rendre tout particulièrement en l'absence de couverture universelle pour les soins de santé, notamment aux États-Unis (Drumm et al., 2005; Duterte et al., 2001; Hobbs Leenerts, 2003). Il est à noter que la seule étude recensée réalisée au Québec ne rapporte pas d’enjeux associés aux coûts des soins de santé (Roy et al., 2007).

Ces études rapportent que des PUDI doivent composer avec des préoccupations matérielles, financières et des maladies chroniques dans le but d’adopter et de maintenir des comportements et des conditions de vie susceptibles de produire la santé. On peut remarquer que plusieurs préoccupations des PUDI liées au prendre soin de soi sont similaires à celles d'autres personnes socialement précarisées telles des personnes à faible statut socioéconomique (Bolam et al., 2004). Selon Singer (2004), d'ailleurs, la dépendance aux drogues serait une maladie des « personnes opprimées » puisque les forces socioéconomiques structurelles agissent pour produire l'identité sociale discriminée. En effet, les usagers de drogues incluant les PUDI doivent souvent composer avec des problèmes d'argent dans des conditions de vie précaires et volatiles tout en évitant la stigmatisation et la répression de toutes sortes. Des auteurs soulignent aussi qu’idéalement les programmes en santé pour les PUDI et autres utilisateurs de drogues devraient inclure des interventions visant la santé globale et les déterminants de la santé en plus de la réduction des méfaits (Hobbs Leenerts, 2001; Olsen et al., 2012).

2.4.3.3 Prendre soin de soi consiste à utiliser les services de santé et services sociaux

Consulter dans le réseau formel de soins fait partie des pratiques les plus nommées reliées au prendre de soi dans les articles recensés. Le but est essentiellement de recevoir une attention professionnelle

pour des problèmes aigus ou chroniques (Hobbs Leenerts, 2003; Roy et al., 2007; Olsen et al., 2012) ou d’agir en guise de prévention notamment par du dépistage (par ex. : pap test pour le dépistage du cancer du col de l'utérus) ou un nettoyage dentaire (Drumm et al., 2005; Duterte et al., 2001; Olsen et al., 2012; Roy et al., 2007). Établir et maintenir une relation de confiance avec des professionnels de la santé qui ne les jugent pas est une façon de prendre soin de soi (Drumm et al., 2005; Roy et al., 2007). Ce lien de confiance est précieux, même et peut-être surtout, durant certaines périodes où peu de démarches sont entreprises pour traiter leurs problèmes de santé notamment chez des jeunes de la rue en consommation intensive (Roy et al., 2007). Également, des participants de Holt et Treolar (2008) tous UDI et atteints d'un trouble de l'humeur disent avoir recherché du soutien psychologique professionnel surtout lorsqu'ils évaluaient que leurs propres mécanismes de coping étaient insuffisants.

D'autres études ont rapporté l'importance du maintien des liens thérapeutiques avec un professionnel de la santé, compte tenu du caractère chronique des problèmes de dépendance et de la fréquence des troubles concomitants, dont les troubles mentaux chez les PUDI (Chitwood et al., 1998; Beynon et al., 2014; Smith et al., 2014). La stigmatisation sociale constitue une difficulté additionnelle au prendre soin de soi et de multiples façons, elle se répercute sur la santé des usagers de drogues. Le désir d'éviter la stigmatisation est identifié comme un facteur de vulnérabilité additionnel pour leur santé puisque pour cette raison, plusieurs évitent de consulter dans le réseau de services de santé (Latkin et al., 2012; MacNeil et Pauly, 2011; McPhee et al., 2013; Roy et al., 2007). De ce fait, des PUDI se résignent parfois à se soigner elles-mêmes puisqu’elles trouvent les services peu accessibles, voire parfois inexistants (Rhodes et Simi´c, 2015). Sans minimiser les forces que constituent l’autodétermination et les pratiques proactives, Holt et Treolar (2008) insistent sur la nécessité d’offrir des services de santé et sociaux qui répondent convenablement aux besoins des PUDI.