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Chapitre 2. RECENSION DES ÉCRITS

2.1 L’offre de services de santé et de services sociaux

2.1.4 Interventions sur les causes structurelles de la vulnérabilité sociale des PUDI

Des interventions en santé publique visant l’insertion par le logement supervisé et l'aide à l'emploi sont des moyens d'agir sur la vulnérabilité sociale et de contribuer au bien-être global de ces personnes. De plus, le travail de pair aidant favorise l’insertion sociale des PUDI souvent très marginalisées et plusieurs études témoignent des effets positifs remarqués sur leur vie (AQPSUD, 2018; Grabtree, 2015; Labbé et al. 2013). Néanmoins, malgré quelques initiatives, de nombreux auteurs et chercheurs jugent que les actions de santé publique n’agissent pas suffisamment sur des facteurs structurels socioculturels, politiques et légaux producteurs des inégalités sociales (Bourgois, 1998; Bozinoff et al., 2017; Hilton et al., 2001, Fernandez, 2014; Massé, 2009; Mondou, 2013; Pierret, 2008; Rhodes et Treolar, 2008). Tel que présenté précédemment, les impératifs de la santé publique que sont la gestion des risques biologiques et la prévention des infections prennent une place prépondérante dans les interventions en santé dans le cadre des programmes de réduction des méfaits (Bourgois, 1998, Gilbert, 2009).

L'étude de Bastien et al. (2007) réalisée à Montréal illustre pourquoi l’accent sur les aspects sanitaires et biologiques détourne l’attention au détriment de considérations pour des actions sur les déterminants sociaux de la santé. Cette étude visait à explorer comment les travailleurs de rue et de proximité réinterprètent des messages de prévention de santé publique dans leur quotidien auprès de personnes en grande vulnérabilité sociale, soit itinérantes et toxicomanes. Ces analyses avaient pour but de prendre comme point de départ les savoirs expérientiels des acteurs sociaux plutôt que les savoirs d’experts et de prendre en compte l’influence des commandes politiques de la santé publique sur les pratiques des intervenants de proximité. Bastien et al., (2007) en ont conclu que les « commandes » de la santé publique se déploient sur le terrain essentiellement de façon acritique, ce qui est expliqué par trois éléments contextuels : 1) la « sanitarisation » du social qui serait engendrée par les inégalités sociales persistantes en santé menant les intervenants à intervenir davantage auprès des personnes exclues des services biomédicaux habituels; 2) la crise des finances publiques influencée par les courants néolibéraux et d’une logique technocratique de l’efficacité et de la rentabilité qui fait que les organismes communautaires sont financés selon les priorités de l’État ainsi que selon leurs capacités à répondre aux impératifs des données probantes et enfin; 3) la socialisation et politisation du champ médical qui remet en question la structuration de l’action par problème, selon les populations jugées à risque ou selon les savoirs des experts et non selon les besoins multiples et complexes exprimés par les individus (Bastien et al., 2007).

Hardill (2006), qui a analysé les caractéristiques du travail des infirmières auprès des personnes toxicomanes, soulève des éléments similaires à l’étude de Bastien et al., (2007). Les infirmières interviendraient trop souvent dans un cadre de contrôle social et de façons bien superficielles en s’engageant davantage dans un activisme naïf et inefficace (Hardill, 2006). Ces dernières, selon Hardill (2006) s’attardent peu aux dimensions politiques et structurelles des problèmes sociaux et de santé, et par le fait même contribuent peu aux prises de positions politiques et aux revendications sociales visant à orienter les services et politiques afin d’agir sur les inégalités sociales en santé. Soulignons cependant qu’au cours des dernières années, des acteurs, dont des infirmières, se mobilisent en signant des plaidoyers pour la réduction des méfaits ou en formant des groupes comme l’Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits ainsi que la Coalition des infirmiers(ières) et étudiants(es) en sciences infirmières pour les services d’injection supervisée (Gagnon, 2017).

Un autre problème identifié au sein du paradigme d'interventions prédominant pour les PUDI est qu’il serait constitué essentiellement d’approches individualisantes et contribuerait à la stigmatisation sociale vécue par ces personnes (Butt et al., 2008; Fernandez, 2010, 2014; Simmonds et Coomber, 2009). Ce paradigme qui s’applique à toute personne peut, de façon bien insidieuse, agir comme une barrière sociale à l’accès aux soins lorsque des PUDI se sentent discriminées et étiquetées dans les services de santé (Neal et al., 2007; Rhodes et Simi´c, 2005). Selon l’étude pancanadienne de Fischer et al., (2005) auprès de 679 PUDI, la difficulté d’accès à des soins de santé était une préoccupation importante. C’est à Montréal que les participants signifiaient le plus de difficulté à accéder aux soins, recouraient le plus aux urgences et avaient le moins accès à un médecin de famille (Fischer et al., 2005). Quelques études se sont attardées à la perspective des PUDI en ce qui concerne leur expérience d’utilisation et de tentatives d’accès aux services de santé. Une recherche de Neale et al. (2007) visant à identifier des micropouvoirs en cause dans les difficultés d’accès aux soins et aux services pour les PUDI, conclut que six principales barrières contribuent à leur parcours d’exclusion sociale : 1) la difficulté de prendre et maintenir un ou des rendez-vous; 2) le transport pour se rendre aux services; 3) la stigmatisation et les attitudes négatives du personnel; 4) l’état de mauvaise santé en général (« ill-health »); 5) le manque de moyens financiers et matériels; et finalement 6) l’anxiété liée à l’accès aux soins.

Enfin, peu d’études ont porté sur l’adéquation de l’offre de services médicaux en fonction des besoins des PUDI (Neale et al., 2007; Rhodes et Treolar, 2008). Considérant l’importance de tenir compte du contexte des PUDI puisque leurs besoins varient d’une région à l’autre (Fischer et al., 2005), cette présente recherche propose de s’attarder à ces questions pour des personnes qui s’injectent des drogues à Montréal.

Les sous-sections suivantes sont consacrées aux deux concepts centraux que sont la santé et le prendre soin de soi.