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Chapitre 4. MÉTHODES

4.4 Déroulement

4.4.4 Collecte des données

4.4.4. 1 Entrevues individuelles semi-structurées

Compte tenu de la précarité sociale, de l’instabilité résidentielle, et de la volatilité des contextes (telle la criminalisation) entourant l’injection de drogue, il peut être particulièrement difficile pour les participants de suivre un protocole de recherche rigide ou exigeant. Pour cette raison, il a été prévu de réaliser une seule entrevue individuelle semi-structurée avec canevas d’entrevue par participant d’une durée flexible, soit d’environ une à deux heures, et cela avec environ vingt participants afin d’atteindre une certaine saturation des données. Le canevas d’entrevues individuelles ciblait des thèmes liés aux questions de recherche et a été enrichi en cours de processus de collecte et d’analyses des données (canevas d’entrevue, Annexe 3). Une compensation financière de 40$ a été donnée à chaque participant(e) des entrevues individuelles avec comme source de financement un fonds de recherche de 15 000 $ alloué par les IRSC pour cette étude.

Toutes les entrevues individuelles (n= 26 entrevues avec 15 hommes et 11 femmes) ont été menées par l’auteure dans divers lieux dont au sein des organismes communautaires, des lieux publics, tels qu’un café ou un lieu tranquille comme un parc. Cinq entrevues ont été réalisées au domicile des participants. Toutes ces entrevues ont été enregistrées et transcrites intégralement en verbatim. À la fin de l’entrevue individuelle, un bref questionnaire (Annexe 5), d’une durée de 10 minutes a été administré aux participants pour recueillir des données sociodémographiques ainsi que le profil de consommation, les services de santé fréquentés et la perception de l’état de santé et quelques questions complémentaires sur l’injection de drogues et l’usage de substances psychoactives (Bertrand et al., 2012b).

4.4.4.2 Groupes focalisés semi-structurés

Afin d’enrichir les données, deux groupes focalisés ont été prévus et ont effectivement eu lieu après que plusieurs entrevues individuelles aient été menées et analysées. Les deux groupes focalisés ont porté essentiellement sur la troisième question de recherche, soit avec un groupe composé uniquement de femmes et un composé uniquement d’hommes, ceci afin de faciliter le confort dans l’expression de soi et afin de pouvoir mieux repérer des différences liées au sexe23. Par précaution, davantage de personnes ont été invitées à participer au groupe de discussion afin d’atteindre le nombre ciblé de participants de cinq à huit personnes (Krueger et Casey, 2000). Toutes les personnes jointes se sont présentées, ce qui explique le nombre de 11 participants hommes et de huit participantes femmes. Une compensation de 40$ a été versée à chaque participant.

Ces groupes focalisés semi-structurés ont été réalisés avec un canevas d’entrevue (voir Annexe 4) qui a été construit principalement pour répondre à la troisième question de recherche et en partie à partir des thèmes émergents des analyses issues des entrevues individuelles et de l’observation participante. Ces groupes focalisés ont été animés par l’auteure et chercheuse principale, qui était accompagnée d’une modératrice, notamment de la directrice de recherche pour un groupe et d’une stagiaire postdoctorale pour l’autre groupe. Les deux groupes focalisés ont duré environ deux heures avec une pause et se sont tenus dans un local d’un organisme communautaire partenaire du centre-ville de Montréal. Les entrevues ont été enregistrées avec transcription intégrale en verbatim. Une attention spéciale a été portée au partage d’opinions sur des thèmes centraux qui ont émergé des entrevues individuelles, notamment sur les difficultés rencontrées au sein du système de santé et des organismes communautaires. De plus, une attention a été portée aux dynamiques d’interactions au sein des groupes focalisés (Krueger et Casey, 2000) et aux luttes communes émergeant de leurs propos (Kamberelis et Dimitrois, 2011).

4.4.4.3 Observation participante

La collecte des données issues de l’observation inclut des dialogues ou des entrevues informelles (non-enregistrées) avec les participants avec leur consentement verbal. En plus de l’objectif de l’auteure qui était de s’approcher du point de vue des participants, un souci était d’adopter une posture d’observatrice de l’extérieur pour justement permettre de dégager et comprendre les interactions sociales in situ c’est-à-dire en contexte (Creswell, 2007). Cette présence en tant qu’observatrice avait pour but de favoriser la compréhension des acteurs sociaux, soit les PUDI ou autres personnes qui

23 Le genre n’est pas mentionné puisque le souci initial était de permettre l’expression et le dévoilement sur la

interagissent dans les lieux d’observation. Cette posture consistait donc pour la chercheuse principale de s’imprégner du « terrain » (c’est-à-dire du lieu où se dérouleraient les observations) et de tenter de ressentir autant que possible et bien humblement un peu le vécu de ces PUDI.

Pour l’auteure, il est clair que sa présence dans les milieux a influencé les interactions, ceci malgré ses efforts de ne pas indûment perturber le milieu, ceci en tentant de se fondre aux dynamiques et aux conversations en cours. Sa présence dans les organismes s’est échelonnée sur une période de 12 mois avec des moments de pauses. L’auteure pouvait être présente variablement de deux heures à sept heures par séance d’observation dans les milieux pour un total de 90 heures. Il était aussi prévu de faire preuve de créativité et de flexibilité pour diversifier davantage le cadre et le contexte des interactions sociales afin d’obtenir des données complémentaires, ce qui pour certains auteurs témoigne de la qualité du processus de recherche (Horsburgh, 2003 ; Whittemore et al., 2001). Ainsi, l’auteure a pu participer à des ateliers, des rencontres des usagers, des cérémonies, dont l’une, après le décès d’un usager, à des activités de nettoyage de rue, à des petits-déjeuners, à des cuisines communautaires, à un blitz de collecte de seringues à la traîne, à des rencontres à la santé publique avec des usagers, à la distribution avec des messagers de rue de matériel d’injection. L’observation participante s’est avérée centrale à la démarche de recherche puisqu’elle a facilité le recrutement des participants. Tout simplement, être présente dans les organismes communautaires de distribution de matériel d’injection, a permis de faire des entrevues sur-le-champ et aussi de planifier des entrevues avec des participants potentiels après leur avoir expliqué les modalités et les objectifs de la recherche. Il faut aussi souligner que malgré que plusieurs participants aient été suggéré par des intervenants des organismes communautaires, en avançant dans la recherche avec une méthode d’échantillonnage théorique, il était difficile pour l’auteure de communiquer les changements liés aux critères de sélection aux intervenants et qu’ainsi, la présence de l’auteure était d’autant plus nécessaire.

En plus, l’observation participante est une façon de collecter des données par la réflexivité et en faisant les constats de la réalité des PUDI, de leurs difficultés et de leur vécu en les côtoyant plus intimement sur le terrain. Par ailleurs, plusieurs échanges avec des personnes qui consommaient par injection ou d’anciens PUDI ou encore des intervenants et pairs aidants sur le terrain ont constitué ce que Le Breton (2008), un échantillonnage périphérique comme défini antérieurement.

D’autre part, les choix des lieux et de moments de l’observation participante ont été en partie inspirés par un modèle qui porte sur neufs dimensions de toute situation sociale identifiées par Spradley (1980) de l’école de l’interactionnisme symbolique soit : l’espace qui réfère à l’espace physique dans laquelle la culture à l’étude interagit socialement; les acteurs que sont notamment les personnes qui font partie de la culture sous investigation; les activités que sont les actions par les membres de la culture à l’étude; tous les objets inanimés notamment les artéfacts, qui peuvent

informer sur la culture; une action singulière menée par un groupe; un événement qui est l’ensemble d’activités reliées (par ex. : une manifestation); le temps et son effet sur les autres dimensions sociales; les buts que les groupes cherchent à atteindre par les situations sociales, les actions ou les événements; et finalement, les sentiments associés à chaque situation, incluant les émotions exprimées et observées (Spradley, 1980). Il ne s’agissait pas de documenter ces moments, mais de tenter de varier les lieux et moments afin de pouvoir faire l’expérience d’une diversité d’interactions sociales. Les organismes communautaires qui offrent des services de réduction des méfaits et qui offrent diverses activités aux PUDI étaient des lieux tout indiqués pour réaliser l’observation participante.

Surtout, les périodes d’observation ont permis de réaliser plusieurs entrevues informelles pour approfondir sur les questions de recherche souvent avec des personnes qui avaient déjà participé à une entrevue formelle, mais aussi souvent avec d’autres personnes. Spontanément, les personnes rencontrées dans les organismes communautaires venaient parler à l’auteure, s’intéressaient à son projet de recherche et discutaient de façon informelle, entre autres, de la santé et du prendre soin de soi. Les périodes d’observation ont été suivies ou entrecoupées de prises de notes par la chercheuse principale dans le journal de bord. Les notes d’observation ont été guidées par un certain cadre établi au préalable. Ces notes ont été essentiellement de trois ordres, soit descriptives de l’environnement et des interactions, soit portées sur la méthode, soit être davantage théoriques en comportant des réflexions et un début d’analyse préliminaire (Arborio et Fournier, 2008; Peretz, 2004). En effet, comme prévu, les données issues de l’observation participante ont permis des comparaisons et identifications de patterns sociaux en plus d’aider au raffinement des questions de recherche (Peretz, 2004) ainsi qu’aux analyses des données (Harris et al. 2012; Rhodes et al. 2007). Les notes de terrain ont été des débuts d’analyse, des réflexions qui ont servi au raffinement de l’analyse des données (Rhodes et al., 2007).