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L’analyse des objectifs issus des entretiens de collaboration nous invite à un triple constat.

Le premier a trait au type de management mis en œuvre dans l’organisation et piloté par le service des ressources humaines. Ainsi, dans notre étude de cas, il se veut résolument tourné vers la gestion par les compétences avec un fort accent mis sur la formation. Nous y retrouvons une grande partie des composantes du modèle individualisant proposé par Pichault et Nizet (§ 4.4.2 La gestion par les compétences).

Il est dès lors entendu que le type d’évaluation du personnel est orienté vers les entretiens de collaboration avec des critères de négociation au cas par cas, donc une gestion RH résolument individuelle, y compris en ce qui concerne la rémunération et la promotion au mérite.

Le deuxième constat est le reflet du type de management effectué par l’opérationnel que nous avons mis en évidence à travers les modalités de formation, constituées à partir des objectifs issus des entretiens de collaboration. Ce type de management se veut collectif, avec des actions de formation qui répondent à une modalité particulière basée sur l’apprentissage en activité. Cette approche semble compréhensible si l’objectif du management de proximité est de favoriser les compétences collectives et ainsi augmenter la performance d’un secteur et non pas celle d’un individu.

Cette constatation révèle une approche différente avec un axe fortement individuel pour le service RH et un axe collectif pour le management de proximité.

De plus, des interrogations demeurent notamment sur les représentations ou la connaissance qu’ont les supérieurs hiérarchiques directs du domaine de la formation. En effet, ils ont bien répondu à la demande faite par le service RH de faire émerger les formations désirées comme moyen de progression et proposées au collaborateur pour atteindre l’objectif fixé. Mais nous l’avons vu, un nombre considérable de formations informelles, pour moitié de type collectif, est également proposé mais non formulé clairement comme moyen de formation.

Pour les deux premiers constats, un prolongement de cette recherche est nécessaire. D’une part, une question relative à la gestion des ressources humaines demeure : existe-t-il une cohérence entre le modèle de gestion par les compétences désiré par l’organisation et sa mise en œuvre effective sur le terrain ? Notre hypothèse est qu’il existe, à l’Hôpital du Valais, une

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sédimentation des modes de gestion des ressources humaines entre deux modèles : l’individualisant et l’objectivant.

Répondre à cette question permettrait d’identifier le mode de gestion des ressources humaines réellement mis en œuvre et améliorer ainsi, dans le processus d’évaluation, les liens désirés avec la gestion de la formation des collaborateurs.

D’autre part, un prolongement de cette recherche par des interviews des acteurs concernés, sur les représentations qu’ils ont de la formation nous parait indispensable ; ceci afin de pouvoir évaluer au mieux les besoins réels en formation, aussi bien des collaborateurs, d’un point de vue individuel, que des supérieurs hiérarchiques. Cela vise une approche volontairement, pour ne pas dire consciemment, collective de la gestion par les compétences.

Nous formulons donc une nouvelle question de recherche : quelles représentations se font les acteurs des différents niveaux hiérarchiques (supérieur, intermédiaire, de proximité) et les collaborateurs de la formation ? Ces représentations convergent-t-elles ? Notre hypothèse est que les différents niveaux hiérarchiques ainsi que les collaborateurs se représentent la formation sous la forme unique de cours ou de séminaires.

Le troisième constat est en lien avec l’efficacité des entretiens (Demailly, 2012) de collaboration évaluée dans notre travail par les entrées réelles en formation. Il en ressort que très peu de formations identifiées en regard d’un objectif de progression sont effectivement suivies par l’intéressé.

En plus de la « non efficacité » des entretiens, nous avons constaté une différence entre les objectifs à court terme et les objectifs à long terme, dans le sens d’une envie du collaborateur d’effectuer des formations qualifiantes. Ici aussi, nous proposons de développer une recherche afin d’identifier le type de formation que le collaborateur désire suivre et la raison de ce choix (gestion de plan de carrière en interne ou en externe, assurance de son employabilité, augmentation de classe salariale, motif personnel, etc.). En effet, cela pourrait expliquer la non efficacité des entretiens de collaboration du point de vue de la formation et révéler ainsi les réels motifs et intentions (au sens proposé par J.-P. Bronckart, 2005) du collaborateur.

Notre recherche a traité les données de manière globale compte tenu du panel à notre disposition. Selon nous, il serait néanmoins intéressant de pouvoir comparer les différents secteurs d’activité et les acteurs. Quels sont les secteurs d’activité les plus friands de formation et quels types de formation y sont majoritairement proposés comme soutien ? En fonction du niveau de performance évalué lors des entretiens de collaboration, les collaborateurs se voient-ils proposer plus de formations et si oui, de quel type ? Une nouvelle

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question de recherche peut ainsi être formulée : existe-t-il une différence significative entre les secteurs d’activité, les niveaux de performance, et le type et nombre de formations attribuées comme moyen lors de la pose d’objectifs de progression ?

12 Conclusion

Le but de ce mémoire était de comprendre en quoi et comment les données issues des entretiens de collaboration peuvent être utiles au service de formation continue interne d’une entreprise, sous l’angle de l’ingénierie de formation.

Notre recherche a permis, à partir d’objectifs fixés par les supérieurs hiérarchiques directs lors d’entretiens de collaboration, de mettre en évidence des actions de formation tacitement inscrites soit dans la formulation même de l’objectif, soit dans les moyens de progression proposés, et principalement axées sur de la formation en activité.

Au vu des résultats de notre recherche, nous pouvons affirmer que ces données prises telles quelles n’ont que peu d’utilité. Par contre, en les analysant de plus près et en les confrontant à la réalité de l’apprentissage par le travail (on the job learning), les résultats nous invitent à renvoyer les responsables de formation dans les unités de production pour qu’ils puissent évaluer en continu le travail réel, faire émerger les compétences situées mobilisées et, le cas échéant, prévoir des actions de formation ciblées qui répondent à la réalité du travail telle qu’éprouvée par les collaborateurs. Autrement dit, si la volonté de l’organisation est de promouvoir un maximum la formation, il serait dès lors bien plus efficace de mettre en œuvre, de manière concertée avec les acteurs concernés, une approche qui se veut résolument tournée vers l’ingénierie de formation telle que nous l’avons définie. Les collaborateurs responsables de formation doivent rencontrer les personnes œuvrant dans les unités opérationnelles et les différents niveaux hiérarchiques pour évaluer les réels besoins en formation, que ceux-ci soient individuels ou collectifs. Il est nécessaire de remettre les actions de formation pilotées dans l’activité et non pas dans des bureaux produisant des catalogues de formations.

La collaboration entre les managers de proximité, les collaborateurs et les acteurs de la formation est primordiale à double titre. Premièrement, comme nous l’avons mis en évidence dans notre cadre théorique, la compétence est située et appartient à l’individu. Dès lors, il est de la responsabilité du management de favoriser les environnements de travail pour permettre l’émergence d’une réelle collaboration entre les différents acteurs par la mise en œuvre des compétences collectives. (Henri & Lundgren-Cayrol, 2003) De plus, la collaboration et donc les compétences collectives font une place importante à l’innovation et la créativité.

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(Klarsefld, 2003) Cette dernière peut avoir une influence positive sur la motivation du personnel, et par là même sa fidélisation ; elle peut également et surtout permettre à l’organisation de se différencier des autres. Deuxièmement, parce que le responsable de formation, aussi qualifié et expérimenté voire même compétent qu’il peut l’être, ne connaîtra jamais les tours de mains et donc l’expertise des différents acteurs d’une organisation pour la faire évoluer.

Remettre les actions de formation pilotées dans l’activité a des conséquences non négligeables au niveau organisationnel et humain.

En effet, si l’affordance de travail n’est pas optimale au sens où le collaborateur ne peut pas profiter de situations offertes par son environnement de travail, aucun apprentissage n’est possible. L’environnement de travail est principalement constitué de facteurs architecturaux comme les locaux, de facteurs matériels (technique, ordinateurs, etc.), d’un certain type d’activité, de facteurs humains avec les interactions sociales y relatives. Le tout est issu d’une

« sociohistoire » propre à chaque service de production et à chaque individu. (Billett, 2009) Le pari de la formation par l’activité est de tenir compte de tous ces facteurs et plus particulièrement de l’environnement dans son ensemble, en lien avec l’engagement du collaborateur.

Concevoir de la formation dans l’activité c’est repenser l’organisation. Proposer de la formation en activité coûte en effet énormément en ressources humaines et en temps. Il vaudrait donc la peine de comparer ce coût avec les coûts réels des entretiens de collaboration que sont la formation des supérieurs hiérarchiques, la masse salariale (dépendante du temps de la formation, des colloques d’informations, des entretiens de collaboration et de la préparation et synthèse de ces derniers), le scannage et l’analyse des données, l’externalisation des cours de formations, etc. Dès lors, la question de savoir si l’Hôpital du Valais a les moyens de sa politique de gestion des ressources humaines par les compétences se doit d’être posée. Ceci d’autant plus que nous nous demandons comment concilier les évaluations de compétences dans le contexte concurrentiel (dynamique et instable) que les organisations connaissent aujourd’hui avec des actions de formation répondant tout à la fois aux besoins en formation réels et individuels du collaborateur, à ceux de l’organisation ainsi qu’aux bénéficiaires, a posteriori, de la formation (institution, autres collaborateurs et clients-patients) sans que cette organisation ne réduise les marges d’incertitudes, donc de créativité des collaborateurs en prétextant l’autonomie et la responsabilisation de ces derniers.

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