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4.4 La notion de compétences

4.4.2 La gestion par les compétences

Nous considérons, au regard de la définition proposée par Bellier, (§ 2.4. La notion de compétence), que l’individu grâce à ses compétences peut effectuer son activité, au sens de la résolution de problème, dans un contexte particulier. Ce contexte particulier dépend de

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l’organisation et plus particulièrement de sa structure et, par conséquent, de son mode de fonctionnement.

La gestion par les compétences peut être une des pratiques mises en œuvre par les ressources humaines (RH) au sein d’une organisation. Nous retrouvons chez des auteurs comme Pichault & Nizet (2000) ou Emery & Gonin (2009) une approche de la gestion RH par les compétences. Nous présentons ici les types d’approches RH à partir des différents modèles présentés par ces auteurs.

Pichault & Nizet mènent une réflexion sur la cohérence entre configurations organisationnelles et modèles de gestion des ressources humaines (chapitre 4). Ils retiennent cinq modèles de gestion des ressources humaines (GRH) et en proposent une analyse détaillée en fonction de onze dimensions constituant un modèle. De ces onze dimensions, nous retenons principalement, pour ce travail, l’évaluation et la formation, tout en effectuant quelques intrusions dans d’autres dimensions telles que la promotion, la rémunération et la communication. Nous nous focaliserons, dans ce chapitre, sur le lien effectué par ces auteurs entre la gestion des compétences et la formation.

Emery & Gonin différencient, dans le processus de mise en œuvre, le management des performances de celui du développement des compétences. Le premier est fortement relié à la prestation des collaborateurs par rapport aux objectifs répondant à un descriptif de poste alors que le second correspond à une nécessité stratégique pour l’organisation de faire face à des enjeux futurs et, par conséquent, d’évoluer avec ses collaborateurs.

4.4.2.1 Les cinq modèles de gestion des ressources humaines (GRH)

Pichault & Nizet font état de cinq modèles de GRH : le modèle arbitraire, le modèle objectivant, le modèle individualisant, le modèle conventionnaliste et le modèle valoriel.

(Pichault & Nizet, 2000, pp. 154‑157). Si la plupart des modèles ne répondent pas spécifiquement à la gestion par les compétences, nous pouvons néanmoins retrouver, dans la description des cinq modèles proposée ci-dessous, le lien existant entre la structure organisationnelle et le choix du modèle de gestion des ressources humaines.

4.4.2.1.1 Le modèle arbitraire

Le modèle arbitraire se retrouve le plus souvent dans les petites et moyennes entreprises et se caractérise « par l’absence de critère prédéfini et donc par la prédominance de l’informel. » (ibid., p. 115) Il est caractérisé par le développement d’une « culture organisationnelle » avec un fort sentiment d’appartenance du personnel. Peu de place est laissé au développement des

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compétences guère légitimes et le système d’évaluation est « …largement soumis au règne de l’intuition et du jugement subjectif. » (ibid., p.117)

La formation est, quant à elle plutôt vécue comme une contrainte et est peu institutionnalisée; « … les contenus sont orientés prioritairement vers le savoir-faire spécifique à l’exercice d’une fonction ; d’une manière générale, l’effort de formation est peu important.» (ibid., pp.116-117)

4.4.2.1.2 Le modèle objectivant

Le modèle objectivant est caractérisé par un côté plus impersonnel, avec l’envie de traiter de manière uniforme les individus d’une même organisation. On y trouve une forte implication des mouvements syndicalistes qui désirent exercer leur droit de représentation

« …afin de présenter le maximum de garanties à l’encontre de l’arbitrage managérial. » (ibid., p.120) De par la forte implication syndicaliste, bon nombre de modalités sont « négociées » et de ce fait prédéterminées : le salaire, les horaires, la gestion des modalités de formation (budget, contenu, modalité de transfert,…), les processus de recrutement, etc.

Ce type d’organisation se doit d’être « équitable » entre tous ses membres et l’on retrouve une évaluation qui « …se superpose au contrôle du respect des règles de travail, [au contrôle de] la “loyauté” des opérateurs [… l’évaluation est condamnée] à un certain niveau de généralité. Dans sa version classique, ce sont des critères standardisés qui s’appliquent à l’ensemble des membres de l’organisation, quel que soit leur niveau hiérarchique…» (op. cit., p.122)

De ce fait, il s’agira pour les gestionnaires d’accorder une attention toute particulière sur la

« description détaillée des fonctions, leur hiérarchisation, leur équivalence dans le fonctionnement de l’entreprise. » (ibid., p.124) Nous nous retrouvons bien au niveau de la description de fonctions et non pas de compétences.

La formation reste, quant à elle, « …limitée à des formations procédurales centrées sur l’acquisition de compétences particulières et/ou de savoir-faire techniques, et visant avant tout l’efficience organisationnelle. » (ibid., p.121)

Comme le relèvent Pichault et Nizet, ce type de système « …est le reflet de la culture bureaucratique et de ses règles omniprésentes. » (ibid., p.125) La forme la plus courante de communication est par conséquent descendante.

38 4.4.2.1.3 Le modèle individualisant

Le modèle individualisant est le plus centré sur la notion de compétence. Il est, en quelque sorte, « …le pivot de la gestion des ressources humaines. » (ibid., p.128) Dans ce modèle, la compétence se rapporte à « un savoir-faire opérationnel validé. » (Maignant cité par Pichault et Nizet) Selon ces auteurs, le fait que le savoir-faire soit validé, c’est-à-dire « reconnu par le management de l’organisation » (ibid., p.128), indique que la principale ressource de l’organisation est son personnel. Par conséquent, un effort considérable sera porté sur la sélection des candidats via « des procédures de recrutement et de sélection, …, parmi les plus sophistiquées. » (ibid., p.129)

La formation trouve, dans ce modèle, une place primordiale :

la politique de formation constitue un instrument essentiel de gestion des compétences : ce sont des programmes sur “mesure” qui sont proposés à chaque collaborateur, à l’issue d’un processus d’évaluation, en fonction de son profil particulier, de son potentiel et du plan de carrière qu’il est appelé à suivre. […] Leur caractère n’est plus massif ou homogène, mais au contraire marqué par une très forte sélectivité, destinée à renforcer “l’employabilité” de chaque collaborateur. (ibid., p.131)

L’évaluation est donc naturellement tournée vers la capacité de chacun à mettre en œuvre ses compétences. Le bilan de compétences et la direction par objectifs sont utilisés dans ce modèle. De plus, « les critères en fonction desquels le collaborateur est évalué sont négociés au cas par cas, dans le cadre d’un entretien d’évaluation/conseil avec le supérieur hiérarchique. » (op. cit., p.132)

Les organisations qui utilisent ce type de modèle de gestion ont tendance à coupler les performances, individuelles ou collectives, avec le salaire (salaire au mérite) ; tous les canaux de communication sont utilisés (formel, informel, latéral, ascendant, descendant) et l’on fait appel à certaines modalités de type cercles qualités, journal d’entreprise, etc. pour

« …stimuler les échanges entre fonctions, entre services et entre individus. Le développement du management participatif s’inscrit dans la même perspective… » (ibid., p.134)

4.4.2.1.4 Le modèle conventionnaliste

Le modèle conventionnaliste est spécifique à des organisations ayant des collaborateurs hautement qualifiés et qui privilégient une grande décentralisation de prise de décision. Cela est typiquement la gestion en vigueur dans des organisations telles que les universités.

Tout ou presque est négocié et fait l’objet « … de débats, conduisant par le biais de votes ou d’élections (mandats) à la définition de normes formelles, provisoirement acceptées,

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jusqu’à leur mise en question et à leur redéfinition à l’occasion de nouveaux débats. » (ibid., p. 136-137)

Une importance particulière est accordée, notamment lors du recrutement, à la qualification, réglementée par une loi indiquant le titre que le candidat doit porter. « La standardisation des qualifications [consiste] à s’assurer, à priori, que les opérateurs ont bel et bien les compétences nécessaires pour exercer leur travail […] La formation “à l’entrée” joue un rôle central en tant que mécanisme de coordination, mais que la formation au “quotidien”

est largement aux mains des opérateurs. » (ibid., p.139)

L’évaluation est essentiellement faite par les pairs, sans modèles prédéfinis puisque ceux-ci sont continuellement soumis à discussion.

Nous retrouvons dans ce modèle conventionnaliste un type de communication qui est essentiellement collégial et latéral.

4.4.2.1.5 Le modèle valoriel

Le modèle valoriel fait appel au « don de soi » et il a été, entre autre, étudié dans des organisations religieuses.

La grande caractéristique que nous retenons est celle du bénévolat « … toutes les bonnes volontés sont les bienvenues… » (ibid., p.146) Le collaborateur doit abandonner « …ses références préalables en termes de compétences et de formation pour endosser les valeurs communes. » (op. cit., p.147) De ce fait, la politique de formation occupe une position centrale ; « elle est principalement orientée dans une perspective de transformation sociale […] Elle vise souvent, dès l’entrée, à doter les membres d’un appareil conceptuel spécifique et d’une grille d’appréhension de la réalité, par le biais desquels ils pourront se mettre au service de la mission (savoir-être) ». (ibid., pp.148-149)

L’évaluation est fondée sur « le dévouement et l’adhésion aux valeurs, constamment appréciés de manière tacite et consensuelle par l’ensemble des membres de l’organisation.»

(ibid., p.149)

Résumé des cinq modèles de gestion des ressources humaines

Pour résumer ces cinq modèles, nous retenons le lien existant entre un modèle de gestion des ressources humaines (GRH) et les modalités d’évaluation et de formation y relatives. Pour ce faire, nous nous référons à un extrait du tableau récapitulatif proposé par Pichault et Nizet (2000)

40 Dimensions Modèle arbitraire Modèle objectivant Modèle

individualisant

Nous relevons que sur les cinq modèles proposés, seul le modèle individualisant accorde, dans sa gestion, une place centrale aux compétences. Par conséquent, si l’on s’en tient à cette référence, la gestion des ressources humaines par les compétences n’est qu’une manière, parmi d’autres, utilisée par les organisations.

Le lien entre compétence, évaluation et formation est, notamment, mis en évidence, par le traitement de ces modèles par Pichault et Nizet. Nous y retrouvons également l’importance de la centralisation, ou non, du pouvoir et des différents types de communication en vigueur dans l’organisation, le tout étant, bien évidemment, fonction de la structure organisationnelle comme vu ci-dessus. (§ 4.1.2 les organisations)