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Nous constatons que le management effectue fréquemment des liens directs entre :

28 Nous rattachons, comme de nombreux auteurs (voir à ce sujet Enlart et Mornata (2006) ou Le Boterf (in Carré & Caspar, 2004, pp. 365‑382)) à la pratique de conception des dispositifs de formation.

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 la formation et l’acquisition, le maintien ou le développement des compétences

 la formation et une direction par objectifs

Comme si, la seule réponse à un « problème » (compétence insuffisante ou objectifs non atteints) constaté était la formation.

Nous retrouvons ce constat chez Alain Meignant qui, lorsqu’il évoque « les problèmes » que peut rencontrer une organisation, écrit :

L’entreprise n’a pas de problèmes de formation. Elle a des problèmes que, peut-être, la formation peut l’aider à résoudre. Parmi ces problèmes, celui-ci : disposer à temps, en effectifs suffisants et en permanence, des personnes compétentes et motivées pour effectuer le travail nécessaire en les mettant en situation de valoriser leurs talents avec un niveau élevé de performance et de qualité, à un coût salarial compatible avec ses objectifs économiques et dans le climat social le plus favorable. (Meignant, 2009, p. 17)

Pour Meignant, manager la formation implique quatre axes de réflexion. Le premier concerne « le processus de sélection » qui porte sur les objectifs à atteindre ainsi que sur le public cible. Selon lui, la démarche des entretiens individuels entre le supérieur hiérarchique et le collaborateur peut être un moyen de faire émerger les besoins en formation, pour autant que les objectifs y relatifs soient précis. Meignant relève également des problèmes propres à ce premier axe tels que la perception de la formation comme un acte de consommation, la traduction d’un problème organisationnel en formation par le supérieur hiérarchique, etc.

Le deuxième axe concerne la qualité pédagogique que cet auteur pose comme facteur de succès. Pour ce faire, il rappelle l’importance du cahier des charges de la formation qui permet « …à l’entreprise d’exprimer précisément ce qu’elle souhaite et de sélectionner les partenaires capables de répondre à ses attentes. » Là aussi, Meignant indique quelques problèmes spécifiques qui se rapportent principalement au choix de l’organisme externe et au rôle du management de proximité qui porte une responsabilité primordiale « …dans la transformation des acquis de la formation en compétences réelles… » (op.cit., pp. 91-94)

Le troisième axe est fonction « du bon moment » de la formation. Celle-ci doit être synchronisée à la situation professionnelle afin qu’elle puisse répondre à des situations concrètes.

Le quatrième et dernier axe concerne l’importance perçue de la formation par le collaborateur et donc sa motivation à y participer.

Dans l’ingénierie de formation, Guy Le Boterf (in Carré & Caspar, 2004, pp. 365‑382) nous invite à distinguer « l’ingénierie des dispositifs de formation » de « l’ingénierie

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pédagogique » et, ceci, à deux niveaux : les macros-dispositifs29 qui touchent par exemple une institution et les micros-dispositifs qui concernent un cahier des charges, une action de formation ou un programme de formation. A noter que, dans le cadre de ce travail, nous abordons uniquement l’ingénierie des dispositifs de formation.

Enlart et Jacquemet (2007) nous proposent cinq regards sur « les questions d’ingénierie et de conception pédagogique » en lien avec les thématiques principales qui impliquent la formation dans les entreprises : la sociologie des organisations, l’organisation du travail, la gestion de projet, la gestion des ressources humaines et l’approche compétences en gestion des ressources humaines.

En dehors de la gestion de projet, nous avons développé jusqu’à maintenant, diversement ces thématiques. Par conséquent, nous présentons ci-dessous, les quatre thématiques nous concernant directement en utilisant l’approche en ingénierie de formation proposée par ces deux auteurs.

4.6.1 Lien avec la sociologie des organisations

Pour rappel, nous avons retenu de la sociologie des organisations deux notions: la structure des organisations et ses mécanismes de coordination (§ 4.1.2 L’apport de Mintzberg) et les enjeux stratégiques et de pouvoir. (§ 4.1.2 L’apport de Crozier et Friedberg)

Enlart et Jacquemet relèvent, quant à eux, que « la formation […] n’est pas qu’une histoire de personnes mais au contraire un espace de régulation des relations individu-organisation. » (Enlart & Jaquemet, 2007, p. 25) Ils nous invitent ainsi à considérer la formation et l’individu dans un contexte spécifique et particulier. La formation doit avant tout être « … efficace ou utile en fonction des besoins qui avaient été invoqués en amont [et servir] à quelque chose qui concerne le fonctionnement professionnel. » Autrement dit, « on forme pour que le travail se fasse autrement, mieux ou plus. » (ibid., p.25)

Par conséquent, l’ingénierie « … ne peut se passer d’une bonne connaissance de l’entreprise […]. L’ingénierie et la conception dans sa phase préparatoire sont en prise directe avec le fonctionnement “réel” de l’organisation.» (ibid., p.26) Pour ces auteurs, ne pas tenir compte de la sociologie des organisations isolerait de façon absurde la formation qui deviendrait alors « …une pratique isolée de son contexte… » (ibid., p.27).

29 Le macro-dispositif ne concerne par l’ingénierie pédagogique.

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Pour Enlart et Jacquemet, prendre en compte l’organisation, dans l’ingénierie de formation revient à :

anticiper le fait qu’il faudra favoriser l’intervention de la hiérarchie dans la formation ou au contraire la refuser. C’est la source essentielle de réflexion sur l’évaluation, à la fois dans les propositions d’un dispositif d’évaluation mais surtout dans l’analyse de l’efficacité ou de l’échec d’une formation. (op. cit., p.27)

4.6.2 Lien avec l’organisation du travail

Dans le cadre de ce mémoire, nous avons principalement retenu une conception

« ergonomique » du travail i.e la différence entre le travail prescrit et le travail réel qui dépasse la conception « taylorique » du travail (§ 4.3 L’activité qui consiste à travailler).

Pour Enlart et Jacquemet, « … les changements dans l’organisation du travail impliquent très souvent de repenser les dispositifs de formation. » (ibid., pp. 50-51) Ainsi, « il ne s’agit plus “d’enseigner” de manière abstraite le travail tel qu’il est “prescrit”, mais de rentrer dans la réalité des activités […] afin d’organiser et faire fonctionner les relations entre ces deux systèmes de référence. » (ibid., p.52)

Ces auteurs relèvent également que les organisations attendent de plus en plus que les formations soient « […] étroitement liées à l’activité et immédiatement “rentables”.» (ibid., p.55) Cet état de fait explique, selon eux, le « glissement de l’ingénierie de la formation vers l’ingénierie des compétences. » (ibid., p.56)

4.6.3 Lien avec la gestion des ressources humaines

Nous avons retenus de la gestion des ressources humaines (§ 4.4.2 La gestion par les compétences) que le modèle de gestion choisi avait notamment une influence sur la formation et le type d’évaluation des collaborateurs.

Enlart et Jacquemet nous rappellent que « …la formation est une des pratiques de la GRH30, particulièrement en charge du développement des compétences des collaborateurs.»

(ibid., p. 92) De ce fait, comprendre les pratiques de formation dans les organisations ne peut se faire qu’en comprenant le modèle de gestion des ressources humaines en vigueur. Ces auteurs nous font remarquer que « les démarches d’ingénierie ont bien souvent comme finalité

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de démêler les demandes issues de terrain, celles venant de la Direction générale et la manière dont la fonction RH a pu les réinterpréter.» (ibid., p.93)

4.6.4 Lien avec l’approche par les compétences

Nous avons retenu des compétences qu’elles sont liées à un contexte spécifique, qu’elles devraient pouvoir expliquer la réussite ou non d’une action et qu’elles sont intériorisées par l’individu donc difficilement explicables. (§ 4.4.1 La définition de la compétence)

Enlart et Jacquemet notent à ce sujet que « l’approche compétences va modifier profondément les pratiques de formation dans les entreprises car elle amène à repenser les questions d’acquisition et de développement des savoir-faire professionnels. » (op. cit., p.125)

Aujourd’hui, l’approche par les compétences soulève la question du « lieu » d’acquisition des compétences et donc des modalités de transfert dans l’activité réelle. Enlart et Jacquemet relèvent d’ailleurs que, « si les compétences s’acquièrent dans l’activité, pourquoi continuer à concevoir des dispositifs de formation qui soient en dehors de l’activité ? » (ibid., p.125)

Ainsi, il s’agit de réorienter la « méthodologie » de l’ingénierie de formation et de partir

« …de l’analyse des activités et des compétences nécessaires dans [un] contexte particulier… » (ibid., p.125).

Résumé de l’ingénierie de formation

Nous retenons de l’ingénierie de formation, pour ce qui concerne les dispositifs de formation, qu’elle est étroitement liée au type de direction des ressources humaines en vigueur dans l’organisation et donc du choix de management des RH. Néanmoins, il est indispensable d’identifier les besoins réels afin d’établir « un cahier des charges » de formation qui permette d’une part, de répondre aux besoins réels de formation, y compris le choix de l’institution de formation ou de formateurs particuliers (internes ou externes) et d’autre part, de pouvoir évaluer l’effet de la formation.

Nous relevons que la gestion par les compétences oriente l’ingénierie de formation vers l’analyse de l’activité31, ce qui pose plus que jamais la question du lieu et des modalités d’acquisition des compétences.

31 Marc Durand relève que « le courant dit de la didactique professionnelle,…, propose une démarche en deux temps : a) l’analyse du travail débouchant sur b) la conception de formations en lien avec les résultats de cette analyse. L’analyse de l’activité des acteurs expérimentés, dans les situations usuelles de travail permet

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