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Chapitre IV : L’action sociale pendant les deux mandats de Fernando Henrique Cardoso et la prédominance de programmes de transfert de revenu

4.2 Le « Projeto alvorada » et le Réseau de protection sociale

La création du « Projeto Alvorada » par le Décret 3.769 du 8 mars 2001 représente un pas décisif du gouvernement vers la réussite de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales, parce que le chemin parcouru jusqu’alors lui avait procuré un apprentissage remarquable qui fut mis au service de cette réorientation de la politique sociale. Dans ce processus, le Conseil du programme « Comunidade Solidária » et le Comité de politiques sociales de la présidence de la république jouèrent un rôle décisif, car ils comptaient sur la participation d’une équipe dont l’expertise technique et académique était complétée par une compréhension nouvelle du processus d'apprentissage et par une détermination à trouver la manière adéquate de consolider un nouveau modèle de protection sociale au Brésil. Cet engagement se traduisait par une ouverture à l'égard des évaluations externes de la stratégie du programme « Comunidade Solidária ». En effet, le programme fit l'objet de plusieurs évaluations menées notamment par le NEPP, l'ONU, IBAM et d'autres organisations259

257 Paulo Henrique Lustosa, Cidadania Induzida : Uma Critica aos Programas Governamentais de Indução do Desenvolvimento Sustentável, (Dissertação de mestrado: Programa de Pós – Gradiuação em Politica

Social, Universidade de Brasília, Departamento de Serviço Social, 2002) pages 41-48.

258 Traduction libre : Projet Alvorada et Réseau de protection sociale.

259 Voir à ce sujet Instituto Brasileiro de Administração Municipal – IBAM, Instituto de Pesquisa

Une fois de plus confrontée à l’insatisfaction découlant de la mise sur pied du programme « Comunidade Ativa », cette équipe proposa une action sociale ciblée vers les municipalités les plus pauvres dans les 14 états260 brésiliens présentant un indice de développement humain inférieur à la moyenne nationale, qui à l’époque était de 0,830. Ce processus fut rendu viable par l’entremise d’un partenariat pour la recherche avec l’IPEA, l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique – IBGE, la Fondation João Pinheiro et le Programme des Nations Unies pour le Développement – PNUD, dont l’objectif était de fixer un Indice de développement humain inspiré de la même méthodologie appliquée par l’ONU dans la construction du Rapport du Développement Humain. À partir du document intitulé Desenvolvimento Humano e Condições de Vida :

Indicadores Brasileiros, résultat de l’étude menée à terme par les trois institutions

mentionnées ci-dessus, l’IDH pour les états respectifs fut fixé à 0,500 et 1796 municipalités furent ciblées à partir de l’identification des trois variables composant l’indice de développement humain : l’indice de scolarité, l’espérance de vie et la participation au partage de revenus261.

Les objectifs principaux du programme furent établis de façon à maintenir les caractéristiques du programme « Comunidade Solidária », surtout en ce qui concerne l’articulation des politiques sociales visant à l’intégration et à l’optimisation des résultats dans la promotion des actions. Ces actions, mises en œuvre par neuf Ministères et par le

da estratégia do comunidade solidaria : sintese da avaliação, (Brasília, 1998), 55. Ce document présente

les points forts et les points faibles du programme ainsi que des recommandations sur sa mise en oeuvre. Il est important de noter que la plupart de ces recommandations ont été ultérieurement prises en compte dans l'élaboration du Projeto Alvorada.

260 Rappelons les états favorisés par la nouvelle stratégie : Acre, Alagoas, Bahia, Ceará, Maranhão, Pará,

Paraiba, Pernambuco, Piauí, Rio Grande do Norte, Rondônia, Roraima, Sergipe, Tocantins. Au début, ce programme a été nommé IDH 14 exactement en fonction du nombre d’états contemplés.

261 Voir Helenice Viera de Andrade « Politicas de Combate à Pobreza no Brasil : Uma Análise das

Estratégias do Governo Fernando Henrique Cardoso », ( Dissertação de mestrado em ciencia politica : Universidade federal do Rio de Janeiro - IFCS, Rio de Janeiro: 2004), notamment pages 115-116.

Secrétariat d’État de l’assistance sociale, étaient les suivantes : a) la garantie de l’accès à l’école à tous les enfants; b) l’accès aux services d’eau potable et d’électricité; c) la création d’équipes de « Santé familiale262 » dans toutes les municipalités; d) la garantie de l’enseignement moyen à tous les jeunes finissant l’enseignement fondamental; e) les réseaux d’infrastructures (eau et égouts) dans toutes les municipalités; f) l’éradication de toutes les formes pénibles de travail infantile; g) la multiplication par 10 des ressources allouées aux programmes de revenu minimum reliés à l’éducation; h) la réforme du Programme national de garantie de revenu minimum créé en 1997 par la Loi 9.533, afin de faire augmenter le nombre de bénéficiaires et la valeur du versement. Afin d’assurer la stratégie d’articulation de plusieurs politiques, le Décret 3.769 prévoit la création du Comité de gestion et d’accompagnement du « Projeto Alvorada » qui serait composé par : i) le directeur du Cabinet civil de la présidence de la république, qui tiendrait le rôle de coordinateur; ii) le directeur du Secrétariat de communication de la présidence de la république; iii) le Secrétaire d’État d’assistance sociale lié au Ministère de la prévoyance et de l’assistance sociale; iv) les Secrétaires exécutifs des ministères de l’Éducation, de la santé et de la prévoyance et assistance sociales. La réussite de la nouvelle stratégie façonna en définitive la politique de lutte contre la famine et la pauvreté car les efforts de plusieurs ministères visant à la consolidation des objectifs du « Projeto Alvorada » ont amené à la création d’un nouveau programme, de contenu et d’orientation distincts, sous la dénomination de « Réseau de protection sociale263 » dont le but était de rassembler les

multiples programmes de transfert de revenu mis en place par le gouvernement.

262 Ces équipes sont le germe du Programme Santé de la Famille qui sera une des initiatives des plus

importantes do gouvernement fédéral dans la consolidation du Système unique de Santé au Brésil - SUS.

Le « Réseau de protection sociale » est le résultat d’un triple mouvement au sein du gouvernement fédéral, en lien avec les stratégies antérieures de réforme de la protection sociale et qui a rendu possible l’extension d’une gamme de programmes de transfert de revenu et qui, eux-mêmes, mèneront au changement paradigmatique de la protection sociale. D’abord, le « Réseau de protection sociale » est le résultat de la prolifération de plusieurs programmes de transfert de revenu qui ont été disséminés partout au Brésil en fonction de leur pertinence pour la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales par les processus d’apprentissage social et de lesson-drawing, dont le point de départ fut l’adoption des premiers programmes de transfert de revenu par la municipalité de Campinas – SP et par le District Fédéral. Les autres mesures étaient i) le Programme national d’éradication du travail des enfants – PETI, ii) la réglementation de la Loi organique de l’assistance sociale qui instituait le versement d’un salaire minimum mensuel aux personnes handicapées et à celles dépourvues des moyens financiers pour survenir à leurs besoins et iii) la consolidation de la prévoyance sociale rurale selon l’article 194 de la Constitution fédérale qui établit l’isonomie entre les travailleurs urbains et ruraux.

Ensuite, il résulte de l’influence des organisations internationales, surtout de la Banque Mondiale et la Banque Interaméricaine du Développement – BID, qui à partir de 1999 ont investi d’avantage dans le financement de la réforme de la protection sociale. Ce rôle de la Banque mondiale a dépassé celui de bailleur de fonds, car cette institution a eu un rôle pivot par l’entremise du financement de l’évaluation de programmes et ensuite par le processus de diffusion du succès des expériences. Ce processus se vérifie d’abord par la légitimation des réformes menées par le gouvernement dans les domaines de

l’éducation et de la santé, puis, par la légitimation et par la diffusion du succès des expériences des politiques de transfert de revenu au niveau fédéral et qui étaient reliées à l’éducation et à la promotion des soins de santé des enfants. Finalement, il résulte d’une circonstance décisive de la part du gouvernement fédéral que fut l’accord avec le Congrès national visant à la création du Fonds de lutte contre la pauvreté, par l’entremise de l’amendement constitutionnel numéro 31 de décembre 2000 et de sa réglementation par la Loi complémentaire numéro 111 de juillet 2001.

Le « Réseau de protection sociale » se matérialise par la création de l’Enregistrement unique des programmes sociaux, en partenariat avec la « Caixa Economica Fédérale264 ». L’objectif de l’Enregistrement unique était l’unification des

bénéfices sociaux, en commençant par cinq programmes : Bolsa-Escola, Bolsa- Alimentação, Auxílio Gás, Erradicação do Trabalho Infantil et Agente Jovem de Desenvolvimento Social e Humano265. Ce rassemblement, par l’entremise de la « Carte du citoyen », permettrait le contrôle de la gestion des bénéfices par le gouvernement.

Le « Réseau de protection sociale » était composé des programmes suivants : a) Bolsa-Escola (mis en œuvre par le ministère de l’Éducation; b) Bolsa-Alimentação (ministère de la Santé); c) Programme d’Éradication du Travail Infantile – PETI, (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); d) Programme de l’Agent Juvénile (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); e) Programme Bolsa – Qualification professionnelle (ministère du Travail); f) Programme de paiement du Bénéfice de prestation continue – BPC aux personnes âgés de 65 ans et plus (ministère de

264 Il s’agit d’une banque fédérale responsable du financement de l’habitation ainsi que du paiement de

plusieurs bénéfices sociaux comme le Fonds de garantie par temps de services aux travailleurs, l’abonnement salarial parmi d’autres.

265 Traduction libre: Bolsa-Escola, Bourse d’aide à l’alimentation, Aide à l’acquisition du gaz à cuisiner,

la Prévoyance et de l’Assistance sociale); g) Programme de paiement du Bénéfice mensuel aux personnes handicapées – BPC (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); h) Programme de paiement du Bénéfice mensuel à la vie aux personnes pauvres ayant 70 ans et plus, (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); i) Programme d’assurance récolte aux travailleurs ruraux pauvres (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); j) Programme d’aide à l’acquisition du gaz à cuisiner (ministère des Mines et de l’électricité; l) Bénéfices de retraites aux travailleurs ruraux (ministère de la Prévoyance et de l’Assistance sociale); m) Programme d’abonnement salarial aux travailleurs urbains (Caisse économique fédérale); et n) Programme d’assurance chômage (ministère du Travail). Le tableau ci-dessous présente une synthèse du Réseau de protection sociale avec des données de 2002266.

Tableau 4.1 : Réseau de protection sociale

Programme Public bénéficié Total du versement Total de bénéficiaires Bourse alimentation Enfants de 0 à 6 ans,

femmes enceintes et allaitantes, familles à revenu per capita en dessous d’un demi salaire minimum.

15 R$ par enfant jusqu’à

3 enfants 1 300 000

Programme

d’éradication du travail infantile –PETI

Enfants de 0 à 15 touchant des activités laborieuses pénibles et dégradantes

25 R$ par enfant dans les milieux urbains et 40 R$ dans les milieux ruraux

810 769

Bolsa-Escola Enfants de 0 à 15 ans 15 R$ par enfant

jusqu’à 3 enfants 8 633 354 Aide à l’acquisition du

gaz de cuisine

Familles à faible revenu 7,50 R$ par mois versés bimensuellement

8 108 758 L’Agent jeune Jeunes âgés de 15 à 17

ans provenant de familles à revenu per capita inférieur à un demi-salaire minimum

65 R$ par mois 105 000

Abonnement salariale

PIS/PASEP Travailleurs touchant à revenus mensuels de 2 salaires minimums

1 salaire minimum 4 434 328 Bourse d’aide à la

formation Travailleurs participant à des cours de formation Calcul du versement en fonction des 3 derniers salaires

10 400 Assurance chômage Travailleur congédié

«sans juste cause» y compris les pêcheurs et les travailleurs

domestiques

1 salaire minimum pendant 5 mois. Pour les travailleurs domestiques et les pêcheurs 1 salaire minimum

4 686 233

Assurance récolte Familles en situation de risque à cause de la sécheresse

100 R$ maximum de 6

versements 938 000

Retraites et pensions

rurales Travailleurs ruraux 1 salaire minimum 6 370 547 Bénéfice de prestation continue –BPC Personnes âgées de 67 ans et handicapées touchant à ¼ du salaire minimum 1 salaire minimum 1 450 660

Revenu mensuel à la vie Personnes âgées de 70 ans et plus dépourvues de moyens de survie

1 salaire minimum 724 124

Total 37 572 173

Le tableau démontre que le « Réseau de protection sociale » bénéficiait à plus de 37 millions de personnes et selon le gouvernement fédéral, son coût était supérieur à 30

milliards de reais pendant cette même période de 2000267. L’apprentissage résultant de l’expérience des stratégies adoptées depuis le premier mandat se traduit donc, par le changement explicite de la trajectoire des programmes sociaux, dorénavant orientés vers la consolidation des transferts de revenu. Cette initiative apparaît comme indicative d’une volonté de prendre en mains la conduite d’un processus de réforme de la protection sociale qui dépasse les contours du programme « Comunidade Solidária », car la stratégie de coordination développée jusque là empêchait une plus grande visibilité et même la reconnaissance des actions qui étaient dispersées dans plusieurs ministères. Si cela était l’objectif initial de la stratégie, au terme de son deuxième mandat, le gouvernement se rendait compte de l’ampleur des réformes dans certains domaines en même temps qu’il constatait le besoin de structurer ces initiatives en fonction du sentiment de « vide » qui persistait par rapport aux initiatives de lutte contre la pauvreté.

Il apparaît que le gouvernement trouva finalement la clef qui manquait dans le processus de restructuration de la protection sociale. Pourtant, les lauriers de cette initiative ne seraient pas récoltés par Cardoso puisque la fin de son deuxième mandat arriva le 31 décembre 2002. Ce legs politique serait rendu au gouvernement de Luís Inácio Lula da Silva. Ce processus est plus complexe qu’il ne le paraît à première vue car ses déterminants historiques se trouvent disséminés à travers plusieurs initiatives de mise en œuvre de programmes de transfert de revenu pendant les deux mandats de Cardoso. D’où viennent ces programmes ? Quels facteurs ont contribué à leur légitimation en tant que instruments efficaces dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales? Comment se sont-ils imposés en parallèle des stratégies du « Comunidade Solidária »?

267 Governo Federal, A Rede de Proteção Social : Fazer Mais para Quem Precisa Mais. En ligne

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