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Chapitre 6 : l'entreprise Enrogentec : plate-forme technologique sans recherche

1.1. Le projet

Eurogentec se présente en 2005 comme une plateforme technologique offrant des compétences en génomique, en protéomique et en production GMP. Cette entreprise a débuté comme une firme de recherche et de développement de produits dérivés des techniques du génie génétique. La volonté était de réaliser ultérieurement les étapes de pré-industrialisation et même de production, soit dans ses laboratoires après un investissement approprié, soit par sous-traitance dans des firmes spécialisées dans la fermentation et le 'down-processing'.

Les réflexions menées par l'équipe d'Eurogentec débouchent sur une stratégie dont la trame comporte les éléments suivants:

Eurogentec est fondée par des scientifiques du domaine d'application et maintient de ce fait des relations étroites avec le centre universitaire de Liège. Sa force est donc sa capacité à innover plutôt que sa capacité à produire. Cette orientation s’est progressivement effacée au profit d’une stratégie de production pour générer des cash flow à court terme. En 2004, une nouvelle inflexion est donnée pour renforcer les capacités de recherche de l’entreprise.

Modèle du "travail à façon" dans le domaine des biotechnologies: Eurogentec s’est spécialisé dans le travail à façon, i.e. l'obtention d'un produit spécifique par le recours à une société de services R&D qui est plus rapide que si la firme le développe elle-même.

Le succès d'un produit dérivé des recherches biotechnologiques dépend tout autant de sa commercialisation que de son aspect innovateur. Dans la mesure où la vie d'un tel produit est courte, vu la compétition dans le secteur et son champ d'application généralement restreint,

son succès est lié à une commercialisation rapide et mondiale. Eurogentec a créé des sous- traitances commerciales avec des grandes firmes du domaine d'application.

Les phases de développement d’Eurogentec peuvent être caractérisées de la manière suivante : 1.1.1. De 1985 à 1998: Une SA dans la tempête

Les fondateurs d'Eurogentec ont sélectionné des projets économiquement attractifs en rapport avec les moyens humains et financiers de la société. Ainsi, à l'origine, Eurogentec est d'abord une SPRL jouant le rôle d'un syndicat d'études destiné à définir les produits et services les mieux adaptés à sa stratégie. Parmi ces produits et services, les importants débouchés de la lutte contre la diarrhée virale bovine (BVD), contre laquelle une première recherche avait été menée dans le laboratoire du professeur Martial, l’un des fondateurs, conduisent le leader vétérinaire français Rhône-Mérieux à confier à Eurogentec, dès le 1 erjanvier 1987, la mise au point d'un vaccin et

d'un diagnostic contre cette maladie. C'est grâce à cette première reconnaissance internationale de son savoir-faire qu'Eurogentec peut réellement commencer ses activités. Eurogentec SPRL est transformée en société anonyme le 26 mars 1987, avec un capital de 31 235€ et une structure plus propice à l'accueil de nouveaux partenaires. Quatre produits sont développés en interaction avec la firme française Rhône-Mérieux : Des sondes pour la recherche d'antigènes BVD in vitro, Kit de recherche d'anticorps anti-BVD dans les sérums bovins, Kit de recherche d'antigènes BVD dans les sérums bovins, Vaccin anti-BVD. Ces quatre produits forment un ensemble intégré représentant un atout commercial important.

Eurogentec n'aspire pas uniquement à être un sous-traitant R&D des grandes firmes pharmaceutiques. Son ambition affichée est d'industrialiser et de commercialiser des produits dérivés des recherches en biologie moléculaire et en génie génétique, sélectionnés en fonction des moyens scientifiques et humains de la société. Sa stratégie s'exprime en deux domaines distincts mais complémentaires.

1. Le premier consiste en une gamme de produits destinés à améliorer la pisciculture des salmonidés en général et de la truite arc-en-ciel en particulier. Le premier produit développé dans cette gamme est un vaccin contre le virus SHV de la truite arc-en-cie16. Les autres produits sont les protéines naturelles de croissance (tGH) et de facteur anti-stress (tPRL) pour la truite arc- en-ciel dont les clonages ont démarré dans le laboratoire de Joseph Martial à l'Université de Liège, grâce à un financement de la Région Wallonne.

2. Le second domaine concerne la vente de contrats de R&D à l'industrie. Cette activité est appelée à générer des revenus à court terme et des royalties à long terme. Le contrat signé avec la firme française Rhône-Mérieux (vaccins et diagnostics contre le virus BVD) est le premier exemple de développement de ce type.

Eurogentec réalise, dans le cadre de son activité principale, des recherches très prometteuses. De ces dernières émane un projet correspondant à un marché au potentiel immense : la Smoltine. Cette dernière est une protéine de croissance pour la truite et le saumon. Ce produit répond aux besoins des éleveurs en matière de contrôle de la smoltification, en d'autres termes il leur permet de s'assurer que les jeunes saumons passeront avec succès de l'eau fraîche de la pisciculture à l'eau salée de la mer, sans un taux de mortalité élevé et avec un bon potentiel de croissance. De ce fait, ce produit (pour lequel Eurogentec est leader mondial en matière de R&D) permettrait à la société de conquérir une large part du marché du saumon, dont la production mondiale est évaluée à un milliard d'unités. Les marchés ciblés sont essentiellement: les Iles Féroé, la Norvège, la Suède, la Finlande et l'Islande, mais aussi le Canada, le Chili, l'Ecosse, l'Irlande et la France. Ce succès incite Eurogentec à envisager d'augmenter son capital d'une somme de 3 millions d'euros. Cette augmentation de capital permettra à l'entreprise de construire une usine et d'acquérir les équipements répondant aux normes et

réglementations en matière de produits vétérinaires. En particulier, la société sera ainsi capable de produire et commercialiser des vaccins pour poissons ainsi que des protéines issues des techniques du génie génétique. En effet, Eurogentec, qui emploie plus d'une vingtaine de personnes et réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de 1,25 millions d'euros par an, est quasi au terme du processus de validation de ses méthodes de production. Grâce à la commercialisation de la Smoltine, Eurogentec ambitionne de devenir, sur un horizon de cinq ans, une entreprise très rentable réalisant un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros et devenant ainsi un des leaders mondiaux dans le domaine des vaccins et des produits pharmaceutiques destinés à l'aquaculture. Afin d'atteindre cet objectif, la société souhaite construire une usine de production de Smoltine et de vaccins, dont le coût est évalué à 2.5 millions d'euros.

Le projet Smoltine est assez novateur. Il s'agit d'un osmo-régulateur, une protéine qui n'est pas considérée comme un facteur de croissance, selon la nomenclature de la Commission européenne (CE). Comme pour toute substance de cette nature développée dans une perspective commerciale, il faut s'assurer de l'agrément des autorités européennes, à l'époque la Communauté européenne.

Alors que la Smoltine est quasi-prête pour la production à grande échelle, il se produit un événement aux conséquences très dommageables pour Eurogentec. La Commission européenne n'autorise pas la vente de la protéine de croissance pour le saumon -en l'occurrence la smoltine- développée par Eurogentec. Eurogentec se retrouve dans une situation financière et commerciale délicate :

- un fort investissement dans des capacités de production qui provoque une immobilisation du - un capital et des charges importantes

- un marché de produits commercialisables qui s’est évaporé

- un marché de la vente de contrats de R&D qui ne couvrent qu’une partie faible des charges d’exploitation

- des capacités de production inutilisées.