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Chapitre 5 : La gestion des plates-formes, instrument d'une politique de recherche: le

1.1. Historique et structuration des plates-formes au sein de l'institut

L'institut Pasteur décide en avril 2000 de formaliser une politique des plates-formes avec la création de la Direction des Equipements et des Technologies Stratégiques (DETS), rebaptisée en 2004 Technopole Pasteur. Cette création est le produit à la fois du volontarisme de l'institut mais aussi d'opportunités offertes par la politique incitative mise en place par les pouvoirs publics à cette époque. L'appel à propositions lancé par le ministère de la recherche en 1999 pour créer un Réseau National de Génopoles a ainsi été l'occasion pour l'institut Pasteur de créer, avec le soutien financier du ministère de la recherche, Pasteur Génopole Ile-de-France, spécialisée sur les micro- organismes pathogènes. Pasteur Génopole Ile-de-France, financée en partie sur des fonds publics, fait l'objet d'une gestion financière et de règles spécifiques - concernant notamment l'ouverture des plates-formes à des équipes de recherche extérieures à l'institut. Le choix de l'institut n'a pas été pour autant de faire de Pasteur Génopole Ile-de-France une unité de gestion autonome. Au contraire, en dehors des règles d'ouverture réclamées par les pouvoirs publics en contrepartie de leur soutien financier, Pasteur a intégré Pasteur Génopole au sein de la DETS, au même titre que d'autres plates-formes appartenant en propre à l'institut65. La politique de l'institut en matière de

63 La direction a mis en place deux instruments de programmation de la recherche : les programmes transversaux de

recherche (PTR) et les Grands Programmes Horizontaux (GPH). Nous présentons ces instruments plus loin.

64 Concernant la politique de gestion par projets et de programmation de la recherche (PTR) mise en place par l'institut, on

pourra notamment se référer aux travaux de Florence Charue-Duboc et de Lise Gastaldi (2004).

65 Il est à noter que tous les équipements technologiques ne font pas partie de la Technopole. Les départements ou les équipes

qui jugent indispensables de garder la propriété d'équipements en propre, et qui obtiennent les financements externes permettant d'en assurer le fonctionnement, continuent à détenir des équipements spécifiques. Comme nous le verrons dans la troisième partie de cette monographie, certaines équipes mettent en pratique une stratégie où ils ne conservent que les équipements les plus pointus dans leur laboratoire, confiant aux plates-formes les équipements dont les usages sont devenus plus standards.

gestion des moyens communs est ainsi d'abord dictée par une logique interne que nous allons expliciter.

La définition des plates-formes selon l'Institut Pasteur

Il existe aujourd'hui 14 plates-formes regroupées dans deux pôles : la Génopole Pasteur Ile de France et l'Imagopole (la liste est donnée plus loin). La notion de plate-forme chez Pasteur désigne chez Pasteur un domaine technologique homogène constitué d'un ensemble d'équipements similaires et de compétences associées. Comme l'indique le site internet de l'institut Pasteur "une plate-forme représente un ensemble de technologies et de technicités orienté autour d'une thématique et placé sous la responsabilité d'un scientifique ou d'un ingénieur aidé par d'autres scientifiques, ingénieurs, techniciens ou cadres de laboratoires. La nature d'une plate- forme est définie par la direction scientifique après consultation avec d'autres directions". Ce critère d'homogénéité technologique n'est pas stable dans le temps : le périmètre des plates- formes, les équipements et les expertises évoluent en fonction des progrès technologiques (nouveaux équipements) et des thèmes de recherche de l'institut. Ainsi, le nombre de plates- formes au sein de Pasteur Génopole est ainsi passé de douze à l'origine à quatorze en 2005, tandis que l'institut s'est doté au fil du temps de nouveaux équipements et a recruté de nouveaux techniciens, ingénieurs et chercheurs pour les faire fonctionner. En 2005, les personnels dédiés au fonctionnement des plates-formes de l'institut s'élèvent à 60.

Le diagnostic stratégique de la direction au moment de la création de la DETS

La création de cette structure (la DETS) répond à un diagnostic stratégique de la direction de l'institut reposant sur quatre points:

1) se doter d'équipements de pointe à disposition des équipes de recherche afin de combler retard pris en matière de séquençage de l'ADN notamment et, plus généralement, d'offrir un environnement attractif aux équipes de recherche de l'institut qui passe par l'accès à des équipements et au développement de services qualité qui y sont associés ;

2) faire face à la montée des coûts d'utilisation, d'entretien et d'investissement dans des équipements pour les laboratoires de l'institut qui détiennent des équipements technologiques; 3) permettre l'accès à ces équipements à d'autres équipes de recherche que les détenteurs historiques des équipements ;

4) décharger les équipes de recherche de la gestion des ressources humaines qu'impliquent la maintenance et le fonctionnement d'équipements et qui requiert la formation d'experts (techniciens et ingénieurs) dont la carrière est difficilement gérable par des laboratoires et des départements de recherche.

L'organisation de la Technopole Pasteur

La DETS a été rebaptisée en octobre 2004 Technopole Pasteur. En plus de leur appartenance à la technopole, chacune de ces plates-formes, en fonction de la nature des activités qui y sont conduites, sont rattachées fonctionnellement à un département de recherche. Ce double adossement vise à assurer l'intégration des plates-formes dans des politiques scientifiques cohérentes.

Créée en avril 2000 avec le soutien financier du ministère de la recherche, et spécialisée, au sein de la Génopole Ile-de-France, sur les micro-organismes pathogènes, Pasteur Génopole Ile-de- France compte aujourd'hui 9 plates-formes contre 7 à l'origine: génomique, puces ADN, protéomique, intégration et analyse génomique, production de protéines recombinantes et anticorps, cristallogenèse et diffraction des rayons X, synthèse d'oligonucléotides à haut débit, santé publique et analyse et microséquençage des protéines. Pasteur Génopole s'est dotée au fil du temps d'un jeu de règles complet concernant ses modes de financement, sa gestion et les conditions d'accès aux plates-formes. Pasteur Génopole fonctionne avec un comité de pilotage de 17 membres qui regroupe des pasteuriens (scientifiques et directeurs), ainsi que des personnes extérieures, afin de répondre aux critères d'ouverture demandés par le ministère de la recherche et de la technologie en contrepartie de son soutien financier à l'achat d'équipements et au fonctionnement. Chacune de ces plates-formes est dotée d'un comité d'évaluation, comprenant des scientifiques (utilisateurs) et des représentants d'autres plates-formes. Ces comités d'évaluation pour charge d'organiser les appels d'offres, d'évaluer les projets scientifiques pouvant bénéficier de l'accès aux plates-formes et de subventions (les projets sont financés en moyenne aux 2/3 tiers de leur budget) et d'assurer la coordination avec les autres plates-formes. L'accès aux plates- formes est ainsi organisé afin d'inciter les utilisateurs à construire des programmes scientifiques cohérents et d'utiliser au mieux les capacités limitées des PF. Souhaitant offrir les meilleures conditions de travail à leurs de recherche, l'institut a instauré une politique de tarification très incitative: le coût d'accès aux équipements étant très faible, la sélection des projets s'opère davantage sur des critères scientifiques que financiers. Ainsi, les plates-formes sont d'abord des

centres de coût et non des centres de profit.

A côté de la Génopole Ile-de-France, Pasteur a développé d'autres plates-formes qui sont détenues à 100% par l'institut et qui sont ouvertes, à la différence de celles de la Génopole, en priorité aux équipes de l'institut. Ces cinq plates-formes (imagerie dynamique, cytométrie en flux, cryomicroscopie moléculaire, microscopie électronique, biophysique des macromolécules et de leurs interactions) ont été regroupées en 2004 au sein de l'Imagopole, pôle de dynamique moléculaire et fonctionnelle, dont la direction a été confiée à Spencer Shorte, responsable également de la plate-forme d'imagerie dynamique. Contrairement, aux plates-formes de la Génopole, celles de l'Imagopole ne sont pas dotées de comités d'évaluation.

Une direction scientifique de haut niveau

La direction de la DETS a été confiée, à sa création, à Stewart Cole, chercheur réputé pour les travaux qu'il a mené à l'institut avec son équipe et qui ont conduit à la mise au point en 1993 de tests rapides pour détecter la résistance aux antibiotiques de la bactérie responsable de la tuberculose puis, en 1998, au séquençage total du génome de Mycobacterium Tuberculosis. Au passage, Stewart Cole, responsable de la technopole, a été nommé directeur général scientifique adjoint de l'institut. A ce titre, il a en charge la supervision, l'animation et l'évaluation de la politique scientifique de l'institut. Pasteur Génopole est dirigée par Franck Kunst qui cumule cette fonction avec celle de responsable de chef de l'unité de recherche de génomique des microorganismes pathogènes. C'est également un chercheur réputé pour ses travaux sur le séquençage total de la bactérie Bacillus Subtilis en 1997. La direction de l'Imagopole a été confiée à Spencer Shorte, recruté par l'institut en 2001, docteur en biochimie de l'université de Bristol. Le choix de mettre des scientifiques de haut niveau à la tête de la Technopole marque la volonté de la direction générale de montrer que celle-ci n'a pas seulement un rôle de gestion d'équipements communs mais qu'elle est un instrument de la politique de recherche de l'institut.

Une politique incitative forte

La politique volontariste de l'institut en matière se manifeste également dans les arbitrages budgétaires effectués par la direction générale. Pour dégager les marges de manœuvre budgétaires nécessaires aux budgets d'investissements et de fonctionnement de cette nouvelle entité, la direction générale n'a pas hésité à diminuer de 20% les budgets de fonctionnement et d'investissement accordés aux équipes. Ces moyens ont servi, en premier lieu, à financer de nouveaux équipements et l'embauche de techniciens et d'ingénieurs dans les plates-formes. Selon les données de l'institut, les budgets d'investissements cumulés sur les plates-formes depuis leur création s'élèvent à 9 millions d'euros, dont 1.6 millions d'euros pour l'année 2005 (source: rapport d'activité 2005). En outre, 60 personnes (techniciens, ingénieurs et chercheurs) travaillent au sein de la technopole. Ce rédeploiement des moyens a servi également à financer deux autres instruments incitatifs de programmation de la recherche : les grands programmes horizontaux (GPH) et les projets transversaux de recherche (PTR) dont nous expliquons les mécanismes plus loin.

La mise en place de cette politique volontariste a pu se heurter aux résistances de certaines équipes de recherche qui ont vu d'un mauvais oeil la mise en place de cette politique d'incitation qui réduit les marges de manœuvre des laboratoires. Il semble que les critiques portent davantage sur la mise en place de la politique de programmation de la recherche plutôt que sur celle des plates-formes dont les chercheurs interviewés s'accordent à dire que leur accès est ouvert et que leur mise en place a contribué à une professionnalisation et à une qualité des services élevée.

1.2. La politique de plates-formes chez Pasteur à l'aune du modèle Activités-