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5. RESULTATS ET ANALYSE DES DONNEES

5.4. Synthèse et discussion des résultats

5.4.2. La progression des apprentissages

À travers les entretiens ante réalisés avec les deux enseignants ainsi que de leurs réponses aux questions post, on comprend que pour eux, la progression des élèves dans le domaine du chant s’observe de manière générale à travers l’interprétation des chants, la mémorisation des paroles et de la mélodie, de la faculté d’écoute et de reproduction qui s’améliorent.

Peut-on, à partir de ces constats, statuer réellement sur une progression des élèves en chant ? Si l’on considère essentiellement les dimensions liées à la technique vocale, il est fort probable que les élèves progressent peu étant donné qu’aucune planification ou projection n’est mise en place pour réellement les faire progresser dans ce sens. Loin de moi la prétention de dire que les élèves ne progressent pas, car mon travail n’est pas de juger mais de rendre compte à partir d’observations concrètes. Une progression dans le domaine technique pourrait certainement être constatée mais le travail de recueil des données aurait dû être étalé sur un plus grand laps de temps. L’enseignant de la deuxième école, A.P précise qu’il ne fait pas de travail vocal et ajoute : « avec 4 classes c’est trop difficile. D’ailleurs même avec une classe. Il faudrait des petits groupes de 2 à trois élèves, voir même de l’individuel, pour pouvoir améliorer, pouvoir corriger, mais… ce n’est pas le but de la chorale. Le but de la chorale c’est de se faire plaisir en chantant des chansons, voilà ! » (Annexes p.223). Selon lui, un travail plus individuel et différencié pourrait permettre une progression chez les élèves.

Cependant un tel dispositif n’est pas envisageable dans un contexte tel que l’école primaire.

En ce qui concerne l’exécution des chants, on constate qu’il y a un énorme travail effectué sur les paroles. Nous pouvons donc imaginer que cela présente un avantage au niveau de la mémorisation. Au long des quatre semaines d’observation, nous avons pu réellement constater que les paroles étaient de mieux en mieux mémorisées. Dans son entretien ante, C.L donne l’une des raisons qui la pousse à faire ce travail durant la chorale : « une poésie c’est parfois difficile à leur faire apprendre. Un chant de Noël, avec parfois 4-5 couplets, je trouve qu’ils sont remarquables, et au niveau mémoire c’est remarquable » (Annexes p.217). Ainsi, elle explique que grâce à ce travail, « ils apprennent qu’il faut travailler sa mémoire. On travaille sans partitions. Ils savent que si on leur donne les paroles, c’est pour réviser à la maison ; mais à l’école on chante par cœur. ». Enfin elle ajoute : « j’estime qu’un chant est au point quand ils le chantent du début à la fin, même si certains oublient les paroles, ils peuvent aller jusqu’à la fin sans aide et à gérer leur partie jusqu’au bout. Ce ne sont pas des grands objectifs » (Annexes p.218). À travers ces arguments, on comprend mieux pourquoi l’accent est mis sur cette composante particulière de l’exécution d’un chant.

Nous pouvons ensuite relever des progrès, ou tout du moins une évolution au niveau de l’interprétation des chants effectué par les élèves. D’une certaine manière, ils progressent car leur prestation correspond de plus en plus au modèle de l’enseignant et à ce qu’il souhaite.

Toutefois, aucun progrès n’est à relever quant aux choix interprétatif, étant donné qu’aucun dispositif n’est mis en place afin de leur expliquer comment faire des choix interprétatifs.

Dans son entretien ante, C.L déclare qu’à travers les leçons de chorale, les élèves découvrent

« une autre façon de s’exprimer. Pas que le chant, de découvrir qu’on peut tout faire avec la voix. On peut moduler : à des moments, on a des chants où on doit chuchoter, on doit crier on doit pleurer, etc. que l’on peut s’amuser à raconter des histoires en chantant » (Annexes p.217). C’est d’ailleurs une notion qui a pu être observée en classe avec des tentatives de régulation en ce qui concerne l’interprétation, mais qui était bien souvent détourné, à travers une exécution de la part des élèves, qui relevait plutôt de l’homogénéisation des registres.

Pour le second enseignant, A.P, les élèves progressent dans ce qu’il appelle le développement musical. Il ajoute également qu’ « il y a un développement affectif aussi : essayer de rendre certaines émotions par les chants. Essayer de les ressentir d’abord, de les comprendre et de les ressentir. Ils apprennent à écouter, beaucoup. À redonner quelque chose qu’ils ont entendu, donc l’écoute là est vraiment très importante. C’est peut-être la moitié du travail, la moitié de l’effort c’est de l’écoute, pour pouvoir ensuite redonner » (Annexes p.222). De ce point de vue, on comprend mieux les différents gestes et remarques effectués dans le but de réguler les nuances, les attaques, qui sont les principales composantes de l’interprétation qui ont été observées durant ces quatre leçons.

Dans cette même citation, l’enseignant pointe un autre aspect de l’enseignement lié à l’écoute.

Il relève l’importance et la nécessité de passer par l’écoute pour faire entendre aux élèves ce qu’ils doivent chanter et de quelle manière ils doivent le faire. De ce point de vue, on peut alors dire que les élèves « progressent en écoute » grâce aux nombreuses répétitions par lesquelles passe l’enseignant, et aux nombreuses réflexions qu’il lance sur le fait de bien écouter ce qu’il produit. Les progrès en écoute peuvent par exemple s’observer à travers le

fait de réussir à déduire, à partir des exemples proposés par l’enseignant, ce qu’il faut modifier dans la justesse, l’intensité ou l’interprétation, voire le rythme.

Il est vrai que dans les deux classes, nous avons pu observer la mise en place d’un chant polyphonique, en l’occurrence d’un canon. Ce type de chant, contraste avec les autres chants monodiques dans lesquels l’élève n’a que deux choses à entendre : sa voix et l’accompagnement. Dans un chant du type d’un canon, il doit s’exercer à écouter sa voix, l’accompagnement lorsqu’il y en a un mais surtout, il apprend à écouter d’autres voix qui chantent en même temps que lui autre chose. Dans ce sens, à nouveau, nous pouvons estimer que les élèves peuvent donc progresser au niveau de l’écoute lorsqu’il s’agit de participer à un chant polyphonique. Néanmoins, il n’y a pas de dispositif d’écoute à proprement parlé qui est mis en place, du moins lors des leçons de chorale. Les enseignants leur demandent tout le temps d’écouter, c’est une régulation constante. Le seul indice qui nous montre que les élèves écoutent, c’est lorsqu’ils reproduisent correctement ce que vient de dire, chanter ou faire l’enseignant.

Enfin, nous pouvons soulever des dimensions beaucoup plus transversales dans lesquelles des progrès peuvent être constatés, notamment en ce qui concerne la collaboration. En effet, dès le départ, les enseignants ont précisé qu’il était important pour eux de faire prendre conscience que les contributions individuelles des élèves étaient intégrées (voire absorbées) à une production collective. C.L le relève d’ailleurs dans son entretien ante, lorsqu’elle énonce ce que peuvent apprendre les élèves à travers le chant choral : « Ça apprend aussi à être UN parmi tant d’autre, là il fait partie d’un groupe et ce qui est intéressant, dans une chorale d’enfants ou d’adultes ce n’est pas d’avoir des voix qui ressortent, c’est qu’il y ait un unisson » (Annexes p.217). Elle soulève ainsi la dimension sociale liée à la pratique chorale qu’elle souhaite transmettre à ses élèves.