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4. CADRE METHODOLOGIQUE

4.4. Démarche d’observation

Etant donné que ma recherche porte sur l’analyse de pratiques effectives dans des situations d’enseignement apprentissage, il était nécessaire, voire quasiment obligatoire, de passer par une démarche d’observation directe. Il fallait que je me déplace sur le terrain afin d’observer concrètement ce qui se passe durant une leçon de chant ou de chorale dans des classes de l’école primaire à Genève. Dans leur ouvrage, De Ketele et Roegiers (1996) décrivent la démarche d’observation et la définissent comme suit : « Observer est un processus incluant l’attention volontaire et l’intelligence, orientée par un objectif terminal ou organisateur et dirigé sur un objet pour en recueillir des informations » (p.27). Pour ma part, mon attention était dirigée sur la pratique de l’enseignant, sur ses gestes et ses paroles. Ce qui m’intéressait était de voir ce qu’il faisait et quel impact cela avait sur les apprentissages des élèves. J’ai donc orienté mon observation en fonction de cet objectif. Arborio et Fournier, dans l’ouvrage L’enquête et ses méthodes : l’observation directe (1999), précisent que contrairement à l’entretien, « l’observation est un moyen de résister aux constructions discursives […] pour s’assurer de la réalité de ses pratiques » (p.6). « Dans ce cas, la collecte des matériaux de l’observation directe sur le terrain porte sur des pratiques sociales gestuelles ou verbales » (p.44). Ce qui différencie l’entretien de l’observation est que les objets principaux de l’observation sont les comportements observables alors que pour l’entretien, ce sont les discours du sujet. L’entretien est un acte de communication alors que l’observation est un acte à sens unique (sauf dans l’observation participante, ce qui n’est pas mon cas.). L’observation se passe dans le présent alors que l’entretien permet des retours dans le passé ou des projections dans le futur. L’observation et l’entretien sont donc deux démarches différentes mais qui sont complémentaires. En ce sens, elles permettent de recueillir un maximum d’informations et de servir de base à l’analyse dans le but de répondre aux questions de recherche et de confirmer les hypothèses de départ.

Lorsque l’on observe, on s’appuie sur l’un de nos cinq sens qui est la vue. Mais l’ouïe est également très important car on ne peut pas toujours comprendre un geste surtout s’il résulte d’une parole. Dans mon cas, ce sens est encore plus important étant donné qu’un cours de chant n’existe que grâce à la voix parlée et chantée. Cependant, il est nécessaire d’apprendre à observer. En effet, il s’agit d’une aptitude qu’il faut développer. Observer demande de la patience et de la concentration. De plus, il est important de savoir quelle posture on veut prendre. Pour ma part, j’ai choisi d’adopter une posture d’observatrice non participante. Il s’agissait pour moi d’une observation « à découvert » (p.27), c'est-à-dire que les élèves et l’enseignant savaient pourquoi j’étais là et ce que j’allais faire. Il est alors important de garder sa place et de rendre sa présence agréable une fois qu’on l’a choisie afin que elle ait le moins d’impact possible sur les personnes observées. Pour cela, il faut préparer son entrée sur le terrain, se présenter, expliquer pourquoi on est là, d’autant plus que mes observations ont été filmées. La présence de la caméra est un facteur qui influence encore plus la situation d’observation.

Grâce à mes observations directes (et indirectes), j’espère pouvoir identifier des épisodes pertinents et signifiants afin de parvenir à analyser et décrire les actions de l’enseignant et constater que celles-ci ont un effet sur les apprentissages des élèves. La plus grosse difficulté du travail d’analyse réside alors dans le tri et la mise en relation des différents éléments qui ont pu être observés.

4.4.1. Outils d’observation

J’ai décidé d’utiliser la vidéo car le chant est une discipline qui passe autant par l’audition, l’écoute que par le visuel. La musique se transmet à travers la corporalité, la gestuelle. Me limiter à l’enregistrement sonore aurait été très lacunaire. Cela n’aurait pas été pertinent et aurait empêché de rendre compte de toute la dimension non-verbale qui entre en jeu dans les enseignements-apprentissages. De plus, beaucoup de choses se passent durant les silences, qui sont intéressantes et importantes au niveau didactique. La vidéo a été un soutien et un confort pour la mémorisation. Je suis persuadée que prendre des notes m’aurait énormément limitée.

Lorsqu’on prend des notes, on ne voit pas tout. Le fait de pouvoir garder une trace et revisionner les vidéos est réconfortant et permet d’observer des choses que l’on ne voit pas forcément en direct et qui pourraient être intéressantes lors de l’analyse.

De plus, durant chaque séance, j’ai pris des notes sur les éléments qu’il me semblait important de pointer : des gestes de l’enseignants, des « techniques » pour faire chanter les élèves.

Arborio et Fournier (1999) nous expliquent qu’il y a plusieurs façons de prendre des notes : premièrement, pendant l’observation, deuxièmement, juste après et finalement, plus tard. Une prise de notes peut donc comprendre à la fois des notes descriptives, réflexives, prospectives ou encore des notes d’analyse (p.53).

Pour ma part, j’ai filmé toutes les séances et j’ai principalement pris des notes pendant et juste après chacune des leçons filmées. Il s’agit pour moi d’une première analyse à chaud, de remarques personnelles, d’idées d’analyse plus pointues ainsi que de tous les éléments que je pouvais risquer d’oublier même en ayant la possibilité de revisionner les images. Je ne pense pas que l’on peut appeler cela un journal, car un journal est également constitué de la reprise de ces notes par la suite dans une perspective réflexive. Dans ces notes, j’ai inscrit les questions que je me posais sur le moment, j’ai noté des descriptions et des débuts d’hypothèses par rapport à certaines actions, gestes ou comportements. J’ai déjà organisé les différentes étapes de chacun des cours observés en « épisodes » avec des titres afin de retrouver les correspondances entre les leçons (par exemple le titre d’un chant épisode 2 dans la leçon 1 et épisode 3 dans la leçon 3…). Selon la définition de Loquet et al. (2007) :

« L’identification d’épisodes potentiels est défini comme une entité interactionnelle ou l’on voit advenir, en creux, une construction (ou une promesse) de connaissances » (p.134). Puis ils ajoutent que « la succession des épisodes didactiques rappelle en quelque sorte de manière

plus large, l’enchainement des différentes scènes de la pièce, où ces épisodes trouvent place » (p.135).

Dans la suite de mes notes, j’ai inscrit les mots ou les remarque des acteurs qui me semblaient intéressantes et pertinentes sur le moment, avec parfois des commentaires personnels. J’ai réutilisé ces notes et y suis revenue pendant la retranscription. J’ai ainsi pu identifier les premiers passages que je trouvais intéressants afin de décider de les analyser ou non.

Le fait de filmer m’a permis de faire une nouvelle sélection de situations intéressantes pour mon analyse. J’ai choisi le film car je pensais qu’il serait difficile pour moi de tout noter sur le moment, d’autant plus que lorsque j’adopte la posture d’observateur et surtout lorsque j’observe un enseignant dans l’une ou l’autre de ses pratiques, j’aime me placer dans la peau des élèves, des apprenants. La difficulté a résidé pour moi dans le deuxième temps : celui de la retranscription des images qui requiert beaucoup de temps, de patience et d’énergie.

4.4.2. Séances observées

Le choix du nombre de séances que j’allais filmer n’était pas réellement défini. Avec les enseignants, nous nous étions arrêtés à une période de deux mois (janvier-février 2010) durant laquelle je viendrais pour filmer. Finalement, je me suis rendue dans les deux écoles chaque semaine sans interruption quatre fois de suite. Ensuite il y a eu les vacances de février qui se trouvaient être suivies d’un stage en responsabilité. Ces contraintes dues à la suite de mon cursus universitaire ont donc mis un terme à mes observations sur le terrain. J’ai pu avoir la possibilité de filmer quatre séances par école, avec en plus l’observation informelle d’une leçon chorale dans l’école 1 et de la répétition pour le concert de Noël de l’école 2.

Finalement j’ai constaté que mon corpus était suffisant pour pourvoir analyser quelques aspects importants de l’action de ces enseignants. Il sera difficile cependant de pouvoir évaluer une réelle progression dans les apprentissages chez les élèves car les progrès en chant se font sur une longue période. Il aurait été peut être plus judicieux d’étaler les observations sur une année entière, à raison par exemple d’une observation par mois, pour attester de réels progrès en chant chez les élèves. Cependant, je vais pouvoir dans un premier temps centrer mon analyse sur les gestes des enseignants.

Les leçons de chorale avaient lieu le lundi après-midi en dernière période (de 15h15 à 16h) dans l’école 1 et le vendredi après-midi en première période (de 13h30 à 14h15) dans l’école 2. Les leçons ont été observées durant les mois de janvier et février 2010.

4.4.3. Mise en œuvre du dispositif d’observation (plans)

Les plans vidéo étaient fixes. Cela était possible car durant les leçons, les élèves ne bougeaient pas (ou très peu). L’enseignante de l’école 1 restait principalement assise ou debout devant les élèves à proximité du piano. De même, dans l’école 2, l’enseignant se trouvait debout au centre de la salle, entouré des élèves. Il lui arrivait de se déplacer mais cela dans un périmètre assez restreint pour rester dans le champ de vision de la caméra. Parfois, durant les leçons, l’enseignante 1 déplaçait quelque peu ses élèves, notamment lorsqu’elle séparait les groupes pour le canon. De ce fait, il a été nécessaire de réajuster le champ de vision de la caméra afin qu’il puisse contenir le maximum d’acteurs. Toutefois, la focale étant sur l’enseignant, il n’était pas indispensable que tous les élèves apparaissent à l’écran. De même, dans l’école 2, des réajustements ont dû être faits par rapport à la hauteur de la caméra.

En effet, étant placée derrière des élèves, la caméra ne pouvait filmer que les dos lorsque les élèves étaient debout. De ce fait, à quelques reprises, il a fallu placer la caméra en hauteur afin de pouvoir garder la focale sur l’enseignant.

Dans l’école 1, lors de la quatrième leçon nous n’étions pas dans la même salle. Cependant, les élèves et l’enseignante étaient placés de façon identique à celle du plan. De ce fait, la caméra a pu filmer sous le même angle. C’est pour cela qu’il ne m’a pas été nécessaire de faire un autre plan. Afin de mieux comprendre mes propos, voici donc les plans des deux dispositifs d’observation dans les classes.

Dispositifs d’observation dans les deux écoles:

E1 E2

Piano

Porte

Figure 7. Ecole n°1

E1 = l’enseignante observée E2 = la deuxième enseignante

= Point de vue de la caméra

= disposition approximative des élèves