• Aucun résultat trouvé

2. CADRE THEORIQUE

2.2. Didactique du chant

2.2.4. Apprentissage des techniques vocales

Enseigner le chant demande une attention particulière car la voix est un instrument fragile qui nécessite une préparation. Pratiquer n’importe comment risque de causer des dommages physiologiques. Apprendre à maîtriser la voix correctement peut permettre d’éviter la fatigue vocale et cela est important aussi bien pour les élèves que pour l’enseignant. Dans leur ouvrage Se former à l’enseignement musical. Approche didactique et pédagogique, Gillie-Guilbert et Fritsch (2001) proposent une théorie sur la vocalité ainsi que des conseils pratiques aux enseignants en formation qui vont passer le concours d’entrée à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM).

Dans le travail vocal, « la phonation résulte de la coordination de plusieurs systèmes organiques non essentiellement prévus pour. A cet égard, c’est l’une des instruments les plus difficiles, c’est – si l’on peut dire – l’un des sports les plus ardus » (Fournier, 1990, p. 233).

Comme tous les sports, il requiert un certain travail en vue d’une certaine maîtrise. Selon Fournier, « la voix et la parole résultent d’une mécanique complexe où chaque élément joue un rôle précis. Connaître cette mécanique, coordonner l’action de ces diverses parties est nécessaire pour savoir ce que l’on fait et le faire quand on veut. Une bonne technique doit permettre de maîtriser la voix dans le sens d’un outil fiable : puissant (capable de porter), résistant (capable de travailler longtemps), agréable (artistique et facile), expressif (capable d’une palette de nuances modulables). Si l’une de ces quatre qualités pose problème, c’est que la technique est défectueuse » (p.20). Fournier montre bien ici l’importance de la préparation vocale mais surtout de l’éducation vocale. La citation précédente est valable pour une personne qui veut apprendre à « bien » chanter. Le sens de « bien chanter » doit être compris ici en tant que savoir faire. On sait « bien chanter », du moment où l’on a acquis une certaine maîtrise qui permet d’utiliser la voix de façon fiable, en fonction des différentes caractéristiques relevée par Fournier (puissant, résistant, agréable et expressif). Pour illustrer ces propos, nous pouvons effectuer ici un parallèle. Par exemple, on sait « bien cuisiner » lorsque l’on a acquis un certain nombre de savoir-faire nous permettant de réaliser de bons plats qui ont du goût et qui peuvent plaire au plus grand nombre. Savoir « bien cuisiner » n’est pas réservé qu’aux chefs de grands restaurants. On comprend alors aussi que la voix n’est pas seulement utile pour les personnes qui veulent faire du chant leur métier. La voix est un outil.

Chacun en dispose et se doit d’adopter un comportement qui la préserve. L’école serait donc un endroit idéal pour expliquer et apprendre différentes techniques aux élèves afin de préserver leur voix.

Figure 5. Bonne ou mauvaise position corporelle pour chanter. Tiré de Fournier (1990, p.49)

Dans son ouvrage, Cornut (1983) consacre un chapitre à l’éducation de la voix. Il décrit plusieurs principes physiologiques de base de l’éducation vocale et nous explique ce sur quoi il faut insister lors du travail d’éducation vocale (p.101). Ce travail comprend notamment la prise de conscience de la voix (grâce à l’utilisation d’enregistrements), la statique du corps (cf. schéma ci-dessus) (car « il est important de faire prendre conscience à l’élève de son attitude corporelle » (p.102)), la respiration (qu’il faut s’attacher à corriger progressivement), la position des divers organes de l’appareil vocal (c’est ce qui conditionne la qualité du son) larynx, pharynx, mâchoire, voile du palais, langues lèvres et les mimiques qui traduisent ce qui est ressenti au moment de l’émission du son, les résonnances : « Focaliser l’attention de l’élèves sur les points où elle se produit, car il est habituellement peu conscient des sensations vibratoires » (p.109) et enfin l’attaque du son.

Dans ce sens, le second chapitre du livre de Guillie-Guilbert et Fritsch (2001) traite des différentes techniques à mettre en place pour favoriser le bon développement des capacités vocales. Il s’agit tout d’abord d’apprendre à « placer » et « poser » sa voix. Lorsque la voix est bien « placée », on dit qu’elle est à la bonne hauteur. L’émission du son ne doit générer aucune tension dans la gorge. Une voix posée est une voix qui se place au bon endroit, c'est-à-dire souple et sans altération. La suite du texte nous indique divers exercices à pratiquer avec les enfants, dans lesquels les auteurs nous proposent de travailler la posture, de prendre en compte le rôle du diaphragme, d’être relaxé (au niveau des épaules et du cou). Il est important de travailler le souffle, la mobilité des lèvres et de la langue pour améliorer la diction. Ces différents exercices peuvent être très ludiques mais doivent être pratiqués avec attention.

Le livre de Soulas L’éducation musicale (2008) contient un chapitre intitulé Importance d’une préparation vocale spécifique. En effet, la voix n’est pas tout à fait un instrument de musique comme les autres. La voix est liée à la parole et par conséquent est porteuse de significations.

Chanter peut être alors perçu comme une forme de régression par les enfants qui ont appris à parler pour communiquer en prononçant des mots ayant un sens. C’est pour cela que dans certaines classes, il est difficile de faire chanter « [...] certains enfants qui se mettent alors à bourdonner » (p.68). Le réel problème n’est pas qu’ils chantent faux ou n’ont pas d’oreille, mais qu’ils se limitent à un registre de hauteur de leur parole. Tous les auteurs sont d’accord sur l’importance de l’oreille. Travailler le chant c’est aussi faire travailler l’oreille donc passer par l’écoute. Voilà pourquoi l’écoute est (comme nous le décrirons plus tard) l’une des déclinaisons de la didactique du chant, dans le sens que cet apprentissage, « apprendre à écouter », constitue l’un des éléments essentiels de la pratique vocale. Il s’agit d’abord d’apprendre aux élèves à écouter pour mieux mémoriser. Ces capacités peuvent s’améliorer grâce à des jeux vocaux qui peuvent permettre aux élèves d’être plus à l’aise avec leur voix.

De plus, « [...] la voix, lorsqu’elle n’est plus l’outil des mots, devient un objet en soi, elle reflète notre personnalité [...] » (p.68). Il faut alors que l’enfant prenne conscience de ces deux fonctions opposées et complémentaires de la voix : « L’une sert à développer nos savoirs logiques, l’autre exprime cette sensibilité si utile à notre équilibre et au développement de notre pensée. » (p.68). De même, elle indique qu’une mise en condition est indispensable avant chaque leçon ou répétition. En effet, il doit s’agir d’un moment de préparation qui favorise un changement de posture et introduit le passage de la voix-parole au registre de la

vocalité. « Cette préparation revêt deux aspects, l’un psychologique, l’autre physique. » Premièrement, « […] la voix n’est plus réservée qu’à l’échange d’information, elle devient instrument de musique ». Deuxièmement, « […] il s’agit de donner un autre régime au souffle et au rythme cardiaque, de détendre le reste du corps, en particulier les scapulaires, le dos afin de préparer la voix » (Soulas 2002, p.130).

Voilà pourquoi l’auteur nous explique qu’il est important de mettre en place un dispositif, afin d’effectuer une préparation physique, mentale et technique pour travailler la voix. Elle propose alors plusieurs jeux dans chacune de ses préparations, susceptibles de favoriser une mise en confiance chez les élèves. La préparation physique consiste en un échauffement corporel et une préparation du visage, du souffle et de la gorge. Ces exercices ont pour but de détendre et d’éviter les tensions qui pourraient crisper les émissions sonores et finir par fatiguer la voix. La préparation mentale consiste à « [...] faire passer insensiblement de la parole chargée de sens au son pur, de passer du parler au chanté. » (Soulas, 2008, p.71) Enfin, la préparation technique consiste à « [...] aider les élèves à conceptualiser non pas des suites de notes, mais pour commencer, des trajets de hauteurs » (p.72). Dans ce cas, l’enseignant aura besoin d’établir avec les élèves un langage gestuel et la plupart de ces jeux sont effectués en collectif.

Mais bien entendu ces petits jeux ne sont qu’une préparation et servent de base à l’élaboration de connaissances plus artistiques. En effet, « il y a toujours un instant, le neutre, où un exercice bien dirigé, auquel les enfants participent activement par leurs réponses, peut changer de régime : d’exercice qu’il était, il devient création, les règles de contraintes ou d’injonction qu’elles étaient deviennent tremplin pour une expression à la fois plus dense et plus libre » (Soulas, 2008, p.76).