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3. Contexte des écoles de congrégations francophones

3.2 Réseaux des écoles de congrégations françaises en Égypte

3.2.3 Fonctions sociales des écoles de congrégations

3.2.3.6 Profil de sortie plurilingue des élèves

L’une des caractéristiques de ces écoles est d’apporter aux élèves un plurilinguisme efficient, comme en témoignent ici les responsables :

D : […] ils ont 3-4 périodes par jours en français et en arabe ? RM : 2 par jour/

RP : […] oui 2 ou 3/

RM : […] tout ce qui est en francophone 75 %, 70 % / D : tous les jours ils sont exposés aux trois langues ?

RP : oui tous les jours […] le problème c’est que l’arabe parlé c’est différent de l’arabe littéraire […] c’est la matière qui soit la plus dure pour eux […] les programmes sont trop chargés.

D : pour résumer ils sont compétents sur les trois langues et vous diriez de manière à peu près équilibrée ? RP : anglais, anglais, fran�is, arabe / arabe, fran�is, � se discute, mais d’abord l’anglais/

D : ils sont plus compétents en anglais quand ils sortent de St Marc qu’en fran�is ou qu’en arabe. RP : oui pour une bonne partie/

D : alors qu’ils ont moins d’heures d’anglais que de fran�ais.

RP : oui beaucoup moins, la moitié, même moins […] (Entretien avec les trois responsables du Collège Saint Marc, Alexandrie, lignes 278-296)

A noter que, paradoxalement c’est en anglais que les élèves du Collège Saint Marc sont jugés les plus compétents. Dès 2003, Groux et Pocher soulignaient le plurilinguisme des élèves de ces établissements :

À l’issue de leur cursus, les élèves sont trilingues – arabe, français, anglais – et ils peuvent indifféremment s’orienter vers une université égyptienne, américaine ou française. Il n’existe pas de certification spécifique attestant que l’élève a suivi un cursus bilingue, mais une épreuve de français « niveau élevé » au baccalauréat (Thanaweya) lui permet d’obtenir quelques points supplémentaires (cinq au maximum sur un total de 200). Depuis 1995, les étudiants qui ont terminé leur cursus bilingue sont dispensés du test linguistique d’entrée dans une université française. (Groux et Porcher, 2003 : 29)

Ce plurilinguisme constitutif d’une classe sociale élevée est considéré comme un « atout ». On peut lire dans une brochure de Campus France33 les éléments suivants :

Les atouts de l’Égypte dans le domaine de l’enseignement supérieur sont nombreux : système universitaire ancien et respecté, plurilinguisme des enseignants-chercheurs (arabe, anglais, et français), tradition francophone dans l’enseignement secondaire, prestige des diplômes, grande importance sociale notamment des professions de juriste, d’ingénieur et de médecin, et ouverture sur l’international. (Campus France, 2017 : 8)

L’enseignement de l’arabe, de bonne qualité d’après les témoignages, est également assuré (en annexe, entretien avec les parents d’élèves de l’Ecoles des Carmélites, Le Caire, lignes 68-69). Une enseignante souligne cette particularité des écoles de congrégations :

P : oui, � c’est un avantage des écoles religieuses ou bien des écoles fran�ises, parce qu’ils savent maintenant parler, écrire et résoudre des problèmes en français, en anglais, en arabe […] alors que pour les écoles anglaises, ils savent seulement l’anglais et l’arabe, le fran�is est difficile de l’apprendre quand on est grand […] (Entretien avec l’enseignante de mathématiques de la classe de 4ème, Collège Saint Marc, Alexandrie, lignes 79-82)

Enfin, la langue française, langue d’enseignement pour plus de la moitié des heures totales d’enseignement, est perçue comme une langue pivot pour l’apprentissage des autres langues :

P : je crois que c’est une langue on doit l’apprendre avant l’anglais, parce que si on ne prononce pas le fran�is/ si on prononce l’anglais on ne sait pas dire O / U mais si tu as 2 langues, fran�is ensuite anglais c’est très facile/ oui � aide à trouver un travail parce que tu as 2 langues /(Entretien avec l’enseignante de mathématiques de la classe de 4ème, Collège Saint Marc, Alexandrie, lignes 287-289)

33 Campus France est une agence française chargée de gérer les bourses dans l’enseignement supérieur dans le cadre de coopération bilatérale.

De nombreux parents, enseignants, élèves partagent cette conviction qui considère que le français doit être appris en premier (avant l’anglais notamment), facilitant l’apprentissage de l’anglais par la suite, l’inverse étant visiblement plus difficile (en annexe, entretien avec les parents de l’Ecoles des Carmélites, Le Caire, ligne 58).

3.2.3.7 Éducation du citoyen égyptien

La phrase conclusive du site Internet de l’École des Carmélites est à ce titre éloquent : « L’École des Carmélites de Saint Joseph est un établissement égyptien faisant partie des Écoles Catholiques. Elle est une école bilingue reconnue par l’Institut Français d’Égypte ». Cette triple référence, l’État égyptien, le Vatican et l’État français, renvoie à ses origines. On peut lire également les éléments suivants sur leur site Internet :

L’École des Carmélites de St. Joseph est une institution scolaire chrétienne enracinée dans la spiritualité

du Carmel, dans l’église de notre pays, l’Égypte.

[…] Un lieu de confiance, de simplicité, créant un esprit de famille entre sœurs, professeurs, élèves et

parents.

Un lieu où nous avons choisi de vivre la pluralité religieuse et sociale. […]

Un lieu où chaque personne est appelée à vivre son identité égyptienne et son appartenance arabe. […]

Un lieu qui exerce une responsabilité à l’égard de la personne, de la nation, du monde arabe, de l’humanité.

Nous soulignons en gras les différentes communautés enchâssées dans lesquelles se positionne cette école : supra-communauté égyptienne, puis communauté chrétienne, communauté arabe, communauté familiale, tout en revendiquant une « pluralité religieuse et sociale ».Ces écoles multiconfessionnelles dispensent des enseignements religieux conformément aux directives du ministère de l’Éducation égyptien, et ce, en fonction des religions des élèves. En revanche, ces établissements ne sont plus prosélytes comme en témoignent des parents musulmans :

P2 : (traduite par interprète) : « la 1ère chose, elle dit qu’ici les sœurs traitent les filles comme si elles étaient leurs filles, elles font à chacune d’elles, mais on sépare la religion de l’étude, la religion n’influence pas, si on est musulmane ou chrétienne, même avec les parents, le soir on voit les parents, on écoute. »

P1 : being a muslim, I like the catholic school. (Entretien avec les parents de l’École des Carmélites, Le Caire, lignes 26-30)

Enfin, la langue française est appréhendée de manière non identitaire, non communautaire, mais dans sa dimension utilitaire, alors que l’arabe apparait comme une langue identitaire, une « langue maternelle » :

C’est pourquoi nous avons à cœur de former :

De citoyennes fières de leur pays, l’Égypte et travaillant pour le construire.

Des citoyennes enracinées dans l’histoire et la culture de leur pays, conscientes de l’importance du vouloir vivre ensemble.

Des citoyennes conscientes de l’histoire et de la culture du Moyen Orient. Des citoyennes conscientes de l’arabisme comme donnée culturelle.

L’École des Carmélites de St. Joseph choisit de former :

Des jeunes connaissant vraiment le français, comme un des moyens d’ouverture au monde et aux diverses cultures.

Des jeunes conscientes de l’importance des sciences et des techniques au service de l’homme, sachant les intégrer dans leurs pensées, leurs jugements, leurs actions et leurs comportements. (Site internet de l’École des Carmélites)

Par ordre d’importance, c’est le sentiment nationaliste qui prime (l’Égypte, la langue arabe, l’Histoire). La langue française décrite comme un facteur d’ouverture, apparait en avant-dernière position suivie par la culture scientifique.