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Issue de l’ethnographie de la communication, la compétence de communication est un concept forgé par Hymes. Ce dernier considère que « la parole est un processus de communication à étudier dans son contexte social à la manière des ethnographes […]. Une communauté linguistique se définit non par une compétence linguistique idéale mais par une compétence communicative qui associe les ressources verbales de cette communauté et les règles d’interaction et de communication » (Hymes, 1962, cité par Kerbrat-Orecchioni, 1998 : 59). La notion de compétence de communication met en exergue le fait « qu’un enfant normal acquiert une connaissance des phrases, non seulement comme grammaticale, mais aussi comme étant ou non appropriées. Il acquiert une compétence qui lui indique quand parler, quand ne pas parler, et aussi de quoi parler, avec qui, à quel moment, où et de quelle manière 44» (Hymes, 1984 : 74). La langue est perçue comme un instrument de communication, dans une situation donnée, avec des intentions particulières, correspondant à des besoins spécifiques du locuteur.

Afin de conceptualiser la notion de « compétence de communication », Hymes souligne sa dimension plurielle et partielle (vs : l’approche de Chomsky avec un locuteur-auditeur idéal) et se réfère au bilinguisme pour illustrer la pluralité des répertoires :

Le bilinguisme a été considéré comme un phénomène particulier faisant problème, au lieu d’être traité comme manifestation du phénomène général qu’est la sélection entre plusieurs moyens linguistiques disponibles […]. Beaucoup de phénomènes traités séparément sous des rubriques telles que multilinguisme, diglossie, langues standard, littéraires ou religieuses, acculturation linguistique, pidginisation ou créolisation, etc., devraient être examinés ensemble, comme relevant tous en partie des problèmes de répertoire. Trop souvent, ils ont été considérés par les théoriciens comme intéressants mais marginaux. De notre point de vue, nous pouvons nous rendre compte non seulement qu’ils sont en effet intéressants, mais surtout qu’ils révèlent les caractéristiques fondamentales de l’organisation des moyens linguistiques » (cité par Kerbrat-Orecchioni, 1998 : 34-36)

Description de la compétence de communication

D’un point de vue descriptif, la compétence de communication a été détaillée en composantes et a connu quelques variations terminologiques que nous allons présenter.

Dans le CECRL (2001 : 15), la notion de compétence apparait sous l’expression « compétence à communiquer langagière » inscrite dans une compétence générale définie comme « l’ensemble des connaissances, des habiletés et des dispositions qui permettent d’agir ». La compétence à communiquer langagièrement se compose des compétences linguistiques (le code), sociolinguistique (règle d’usage social) et pragmatique (acte de parole, interaction, cohérence/cohésion, type et genre de texte).

Canale et Swain (1980 : 20) quant à eux, définissent la notion de compétence de communication comme un agrégat de la compétence grammaticale (intégrant le lexique), de la compétence sociolinguistique (qui comprend la compétence socioculturelle et la compétence discursive : « combination of utterances and communicative functions ») et de la compétence stratégique. Moirand (1982 : 20) décline cette compétence de communication en composantes linguistique, discursive, référentielle et socioculturelle. La composante discursive est alors définie comme « la connaissance et l’appropriation des différents types de discours et de leur organisation en fonction des paramètres de la situation de communication dans laquelle ils sont produits et interprétés ».

La compétence discursive, que nous développerons plus bas, apparait subordonnée dans le large spectre de la compétence de communication, rangée sous l’appellation « pragmatique » selon le CECRL, « sociolinguistique » selon Canale et Swain, catégorie per se selon Moirand. Seul Roulet, en fera une compétence macro englobant les dimensions linguistiques et textuelles.

Évolution de la notion

Huver analyse l’évolution de cette notion. D’après la chercheuse, le Niveau-Seuil avait d’abord mis en avant la dimension fonctionnelle/pragmatique (acte de parole) de la compétence de communication, avant que le CECRL ne la décline en « compétence à communiquer langagièrement ». L’évolution est double, à la fois terminologique et conceptuelle (centration de l’objet, fonctionnalité de la langue, puis centration vers le sujet, l’acteur). Huver conclut en envisageant le dernier stade de l’évolution de cette compétence : une « compétence communicative interculturelle », rappelant ainsi la proposition de Blanchet (2014) de compétence interculturelle et interlinguistique :

Ce phénomène laisse augurer une seconde décentration, cette fois non plus de l’objet (la langue comme système fonctionnel) vers le sujet (le locuteur comme acteur social), mais du locuteur vers les interlocuteurs (je communique avec quelqu’un, par définition culturellement différent de moi). (Huver, 2002 : 223-224)

Compétence de communication en DdNL

Bange (1992) estime notamment que l’enseignement en langue (langue comme moyen) est une issue aux impasses des approches communicatives (langue comme objet). La notion de « compétence de communication » et ses modélisations ont été critiquées, notamment le fait de réifier la communication sans y intégrer la dimension interactionnelle (dont l’impact se fait sentir sur les problématiques liées à l’évaluation). Ceci a pour conséquences de ne pas refléter une « compétence » mais plutôt des aspects partiels et parcellisés de la performance d’un locuteur (Castelloti, Py, Grosjean, 2002). En DdNL, nous postulons que la compétence discursive et la compétence de médiation, que nous aborderons plus tard, constituent des déclinaisons opérationnelles de la compétence de communication qui demeure un arrière-plan théorique important. En effet, l’authenticité de la situation de communication de la classe de DdNL crée de véritables enjeux communicatifs. Finalement, en milieu scolaire, ne serait-ce pas uniquement dans le cours de DdNL que l’évaluation de la compétence en L2 serait fiable ? Toutefois à l’instar de l’évolution annoncée, l’intégration d’une compétence sociolinguistique et interculturelle sera vraisemblablement le prochain défi des enseignants de DdNL de notre étude, ce qui se traduira par le décentrement et la comparaison de méthodologies disciplinaires différentes selon les langues et les cultures.

La notion de compétence de communication a ainsi ouvert la voie à de nombreuses déclinaisons en didactique des langues, notamment la notion de compétence plurilingue et pluriculturelle ainsi que la notion de compétence discursive et de médiation sur lesquelles nous reviendrons.