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4. Description de l’organisation des écoles de congrégations francophones

4.3.1 Le français, langue d’enseignement majoritaire

Les établissements de congrégations possèdent deux langues d’enseignement, dont le français est la langue majoritaire (ou en parité avec l’arabe dit « standard moderne » selon les cycles), élément caractéristique des écoles dites « de langue ». Le français est la langue d’enseignement pour 22 à 28 périodes sur un total de 40 à 45 périodes hebdomadaires d’enseignement (en fonction des établissements). Les élèves du grand primaire suivent entre 50 à 60 % de leur

enseignement hebdomadaire en français. Au cycle secondaire, cette exposition est variable en fonction des options de spécialité choisies.

a. Enseignement du français optionnel dit « élevé », cours distinctif des écoles de langues

Comme nous l’avons évoqué, les établissements mettent en place l’enseignement du français LV1 et un enseignement optionnel de français dit « français élevé ». Dispensé à raison de sept à douze périodes par semaine, le volume horaire de l’enseignement du français « élevé » fait basculer ces établissements dans la catégorie « école de langues ». Les deux programmes paraissent en opposition dans leurs approches et leur niveau de compétences respectif.

Effectivement, dans la plupart des établissements, les manuels employés pour le français « élevé » sont des méthodes d’apprentissage de lecture de français de langue maternelle (FLM), des manuels de grammaire et des œuvres littéraires françaises.

Par exemple, en maternelle, la méthode Arc-en-ciel des éditions libanaises Kédémos est utilisée. Au cycle du petit primaire, de nombreux établissements ont choisi pour Super Gafi, des éditions Nathan. Puis, le manuel L’Ile aux mots a été adopté au cycle du grand primaire, toujours aux éditions Nathan. Il s’agit de méthodes d’apprentissage de lecture et d’écriture éditées par des maisons d’édition libanaise ou française, calibrées pour les écoles françaises ou libanaise, dont l’approche relève du français comme L1. Les manuels sont choisis par l’établissement scolaire puis soumis pour approbation au conseiller pédagogique du ministère de l’Éducation nationale. Une variété limitée dans le choix des « lectures suivies » a été constatée entre les différents établissements. Cela peut être dû aux possibilités d’approvisionnement des librairies scolaires. L’approche est donc littéraire et orientée sur l’écrit, sur le code avec peu de documents authentiques non littéraires et peu de traitement de la dimension orale41. La conception de l’enseignement de la langue est avant tout linguistique et peu communicative, à l’image des intitulés des cahiers d’élèves : « études de textes et lecture suivie » (vocabulaire, compréhension et production écrite, production orale), « orthographe et dictée » et « grammaire et

41 Dans l’ouvrage de Groux et Porcher (2003) on peut lire : « De 1988 à 1993, le curriculum (Un curriculum est un « programme d’études ou de formation...) de français des écoles bilingues a été repensé. Pour chaque niveau, les objectifs d’enseignement, les compétences des élèves et les contenus ont été précisés. Des dossiers d’accompagnement du nouveau curriculum ont été élaborés par les enseignants. Des manuels français intégrant les approches proposées par la grammaire de textes ont été adoptés. La formation initiale et la formation continue des enseignants ont été adaptées à la rénovation ».

conjugaison » (en annexe, photographies – matériel pédagogique du cours de français « élevé », classe de 4ème, Saint Marc).

A propos des épreuves du français « élevé » au baccalauréat 2011-2012, il a été demandé aux élèves de travailler des textes mélangeant différents genres littéraires : le conte, le roman et le théâtre. Les textes suivants ont été étudiés durant la 3ème secondaire : Le passe-muraille de Marcel Aymé, La parure de Guy de Maupassant, La fin de Robinson Crusoé de Michel Tournier, des extraits de Trois sucettes à la menthe de Robert Sabatier, Les mots de Jean-Paul Sartre, Terre de hommes et Le petit prince de Saint Exupéry, Topaze de Marcel Pagnol, La consultation de Jules Romains ou encore Je veux tuer de Tawfik El Hakim.

Néanmoins, afin de développer les compétences orales des élèves en vue de passation de la certification du DELF, certains établissements s’appuient sur des manuels de français langue étrangère (FLE). Un exemple d’alternance de méthode est intéressant à noter : un établissement adopte une approche FLM jusqu’à la 5ème primaire, puis évolue vers une approche FLE. Mais cette dernière, trop identifié à l’enseignement du français « officiel » a l’image tenace de « faire baisser le niveau ».

b. Enseignement décalé du français dit « officiel »

A raison de deux périodes hebdomadaires, ce programme se superpose au programme de français « élevé ». Dans la réalité, jugées en deçà du niveau des élèves, ces périodes sont intégrées à l’enseignement du français « élevé » et le programme rapidement balayé. Le programme de français officiel et le manuel de classe sont imposés par le ministère de l’Éducation égyptien : Alex et Zoé est utilisé au cycle primaire, Bien joué au préparatoire, Champion au secondaire (en 2012-2013). Ces manuels sont des adaptations d’ouvrages d’éditions françaises. La répartition des unités est fixée par la tutelle, au rythme d’une unité par mois. Des romans apparaissent également au programme, en 2011-2012, il s’agissait de Deux de vacances de Jules Verne, La tulipe noire et Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas.

c. Stratégies de réussite pour les certifications internationales DELF

Certains établissements préparent les élèves aux examens du DELF et du DALF, présentés à l’Institut français d’Égypte ou dans les établissements désignés « centre d’examen ». La préparation a lieu en dehors des heures de classes et est prise en charge par un enseignant habilité. Le coût des certifications est souvent mis en avant par les directions comme un frein à une passation plus étendue en termes d’effectif. Généralement, le niveau du DELF A2 est

présenté par les établissements en 2ème préparatoire, le niveau B1 en 1ère secondaire et le niveau B2 en 2ème secondaire. Le B1 et le B2 représentent des niveaux de passation privilégiés compte tenu des coûts pour les familles (entretien avec l’ACPF, IFE). En termes de réussite, globalement, le DELF A2 oscille entre 93 et 99 % de réussite, le DELF B1 atteint entre 89 et 95 % de réussite. Pour le DELF B2, le pourcentage de réussite peut varier 49 et 82 %. La stratégie des établissements est principalement de laisser se présenter les élèves qui ont des chances de réussir.

d. Enseignement des mathématiques en L2 (DdNL)

En maternelle, cinq à six périodes hebdomadaires sur 40 ou 45 sont consacrées aux activités mathématiques en français. Ces activités se basent presque toujours sur un manuel français, qui est souvent Arc-en-ciel maths, aux éditions Kédémos. Les objectifs sont les suivants : observer, reconnaître, discerner, localiser, comparer, classer, compter et calculer. Tout en s’appuyant sur l’environnement des élèves, le manuel incite à l’utilisation du jeu et du chant. Notons que pour le cycle de la maternelle, le niveau de langue des enseignants prévaut sur les compétences en pédagogie des sciences et des mathématiques. Par ailleurs, les traditions en matière d’évolution de carrière font que les enseignants les moins expérimentés commencent en maternelle et évoluent au fur et à mesure dans les classes supérieures. Du fait de l’absence de programme et de manuel officiel, ont été proposés des manuels français, notamment par le service de coopération français de l’Ambassade de France en Égypte. Des fichiers d’éditions françaises ont été adoptés par de nombreuses écoles.

Au petit primaire, les élèves assistent à six ou sept périodes par semaine. Le programme et le manuel sont indiqués par la tutelle. Les enseignants sont recrutés sur critères de langue et d’après des responsables, paraissent peu formés en mathématiques. La distinction entre le langage verbal et le langage symbolique apparait, favorisant des exercices de lecture et de reformulations, écrites et orales. À l’écrit, dans les cahiers et les copies d’examens, le langage symbolique est nettement privilégié. La langue de la classe reste le français mais les interactions entre l’enseignant et les élèves se déroulent parfois également en arabe et en français. Lorsqu’ils travaillent en autonomie et en demi-groupes, les élèves échangent principalement en arabe. Au grand primaire et au préparatoire, six périodes hebdomadaires de mathématiques sont dispensées aux élèves, avec un programme et un manuel officiel à l’appui. Pour cet enseignement, des enseignants de mathématiques sont recrutés, ils enseignent pour la plupart sur plusieurs niveaux, généralement au grand primaire et au cycle préparatoire.

Au cycle secondaire, le nombre de période varie en fonction des spécialités choisies. Pour les élèves en 1ère et 2ème année, c’est généralement quatre périodes hebdomadaires. Pour la section « mathématiques » de la 3ème année secondaire, jusqu’à sept périodes de mathématiques sont dispensées. Les enseignants réputés les plus expérimentés assurent alors les cours.

e. Enseignement des sciences en L2 (DdNL)

L’enseignement dit des « sciences » comprend ce qui recouvre en France, les sciences de la vie et de la terre, c’est-à-dire les sciences naturelles jusqu’à la fin du primaire. Puis au préparatoire et au secondaire, les dénominations plus spécifiques apparaissent : biologie, physique et chimie. Au petit primaire, deux périodes hebdomadaires sont dispensées. Puis, au cycle du grand primaire et du préparatoire, quatre périodes hebdomadaires sont assurées. Au cycle du secondaire en fonction des spécialités choisies, quatre périodes de chimie, quatre périodes de physique et quatre périodes de biologie peuvent être dispensées.

Ont été observées des pratiques de dictées pour des définitions ou des exercices chez des enseignants de chimie au secondaire, soulignant ainsi l’approche immersive des enseignants de discipline.

f. Manuels de DdNL

Les manuels de disciplines de l’élève sont des traductions de la version officielle arabe ou anglaise. En revanche, le guide du professeur n’est pas disponible en français, uniquement en arabe et en anglais. Ceci manifeste le peu d’attention portée à la langue française dans les DdNL par la tutelle qui n’a pas prévu de version en français. Une analyse du contenu langagier des manuels sera réalisée au chapitre 3.

Concernant l’enseignement des sciences au primaire et au préparatoire, le manuel comporte plusieurs chapitres en fonction les disciplines (voir les sommaires des manuels donnés en annexe). Les distinctions de discipline apparaissent au secondaire avec des manuels disciplinaires (biologie, physique etc.). En termes d’évolution méthodologique, une approche expérimentale est introduite. Relevons que cette approche expérimentale et les suppressions d’évocation de figure divine dans les textes de ces manuels, ont été un combat mené par un ministre de l’Éducation égyptien Hussein Kamal Bahaa El Dine, qui a lancé une réforme des manuels scolaires en 1992 (Khouri-Dagher, 1996).

g. Activités de recherches documentaires

Deux périodes hebdomadaires de recherches documentaires sont obligatoires. Ces périodes se déroulent dans le centre de documentation et d’information de l’établissement. Quand la bibliothécaire est francophone, ces périodes sont dispensées en français. Le contenu de ces deux périodes est à la discrétion des établissements.

h. Activités périscolaires dans les établissements

Au sein des établissements (espace commun, bibliothèque) et dans les espaces de classe, on constate la présence d’un affichage majoritairement en français, souvent réalisé par les élèves, aux côtés d’affiches en langues anglaise et arabe. Le français est de manière générale peu pratiqué par les élèves et par les enseignants en dehors de la classe et de l’école, de ce fait, les établissements proposent des activités en français pour renforcer l’environnement francophone. Les familles bilingues adoptent généralement l’arabe dit « dialectal » dans les échanges quotidiens, langue première et véhiculaire. Toutefois, les deux villes principales d’Égypte, le Caire et Alexandrie, riches de leur prestigieux passé francophone proposent une offre culturelle et des ressources en français (notamment les activités de l’Institut français).

L’une des caractéristiques de ces établissements est leur esprit de communauté. En effet, ces écoles entretiennent des rapports très forts avec les familles et les anciens élèves. Cela se manifeste de diverses manières, autour du « projet annuel de l’école » par exemple, qui chaque année est un moment de réflexion sur une thématique choisie telle que « l’appartenance », « le respect », « la responsabilité », « la liberté ». Ce thème est décliné sous formes de plusieurs actions pédagogiques. De plus, les traditionnelles fêtes d’école et journées scientifiques qui ponctuent l’année scolaire sont autant d’occasion d’associer les familles.

Par ailleurs, ces établissements assurent également un rôle culturel. En dehors des heures de cours, souvent durant l’après-midi, de nombreux clubs de théâtre, d’astronomie, de chorales en français sont proposés aux élèves durant l’année scolaire. Ceci donne lieu à des représentations théâtrales ou à des événements (expositions, etc.) auxquelles peuvent assister les familles.

4.4 Éléments descriptifs des trois établissements du corpus