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3. La conception de la restauration de J Purves Carter

3.2 Un professionnel polyvalent

Avant même son départ de l'Angleterre vers l'Amérique autour de 1900, Carter offrait déjà à ses clients, tout comme Raffaelle Pinti par le passé81, des services de nettoyage et restauration des tableaux, ainsi que des rapports d'évaluation d'œuvres. En plus de cette longue liste de savoir-faire, Carter offre un service de catalogage de collections82, un volet inexploré par le maître italien. Non seulement prétend-il offrir ses services dans l'un ou l'autre de ces domaines spécifiques à l'entretien des collections, mais

78 Purves Carter cite un extrait du second discours de Sir Joshua Reynolds. 79

« The works of those who have stood the test of ages, and to which no modern can pretend ». Notre traduction du texte original paru dans J. Purves Carter, Descriptive and historical catalogue of the paintings in the Gallery of Laval University, Quebec. Québec, L'Événement Printing Co., 1908, p. 218.

80 J. Purves Carter, Musée de peintures, Université Laval, Québec. Québec, Imprimerie du Telegraph, 1909,

section en anglais, p. 4.

81 Voir la section 1.2.1 du présent chapitre.

82 J. Purves Carter, A Record of Twenty-Five Years Expert Work in Some of the Principal Galleries and

Collections of Paintings in Great Britain and America, op. cit., p.5. Il a été appelé à rédiger au moins trois catalogues de collections au cours de sa carrière : celui de Lady Victoria Tylney Long Wellesley probablement entre 1893 et 1895, celui du lieutenant-colonel Henry Cornwall Legh vers 1900, ainsi que celui de l'Université Laval en 1908.

38 aussi peut-il réunir le travail technique et scientifique au travail intellectuel pour ainsi offrir à un même client un service complet et simultané.

On en tient pour preuve que vers le tournant du siècle, il rédigeait pour le lieutenant-colonel Henry Cornwall Legh un catalogue raisonné de sa collection dans lequel le lecteur peut trouver, en ordre alphabétique pour plus de commodité, tous les artistes représentés dans la collection, suivis du titre et du numéro des œuvres. En plus de ce catalogue, Carter a rédigé des notices biographiques pour chaque artiste. Il faut ajouter à cela un exercice critique pour situer les œuvres de la collection et les décrire de façon plus ou moins exhaustive, en fonction de leur importance artistique et historique. Il prescrivait d'ailleurs un ordre de lecture au visiteur : « En consultant le catalogue il est demandé au visiteur d'observer le nom de l'artiste sur le cadre du tableau, puis de se référer à ce nom dans le catalogue, ou au numéro se trouvant généralement au coin, en bas et à droite de chaque cadre, et de consulter l'index des numéros à la fin du catalogue, dans lequel sera indiqué la page à laquelle se trouve décrite l'œuvre en particulier83

». Bien qu'il n'ait pas mis de l'avant son rôle de restaurateur dans l'introduction du catalogue, on le croise lors de l'écriture des textes : « [l]'auteur a découvert la date en nettoyant l'œuvre84

». En nettoyant le tableau, Carter aurait découvert, sur la couche picturale de

Paysage et personnages par Meindert Hobbema (1638-1709), la date 1661, de même que

la signature de l'artiste85; des découvertes importantes puisqu'elles lui permettent de réfuter d'anciennes attributions et, ainsi, de s'insérer parmi les connaisseurs londoniens de son époque :

Dans son Art Treasures86, Dr. [Gustav Friedrich] Waagen fait référence à ce tableau. Il dit, « elle me semble être une œuvre sombre, mais authentique, de

83 « In consulting the catalogue the visitor is requested to observe the artist's name on the frame, and turn to

the same in the catalogue, or the number in right hand bottom corner of each frame (generally), and consult the number index at end of catalogue, in which will be found the page indicated wherein the particular picture is described ». Traduction du texte original paru dans Joseph H. Carter, Catalogue of the Collection of Paintings at High Legh Hall, the Seat of Lieut.-Col. Henry Cornwall Legh, J.P., D.L., for Cheshire., Birmingham, Achilles Taylor, c1900, preface.

84 « [t]he writer discovered the date in cleaning the picture ». Traduction du texte original paru dans ibid.,

p. 18.

85

Ibid.

86 L'auteur fait référence à l'ouvrage de Gustav Friedrich Waagen, Treasures of Art in Great Britain: Being

an Account of the Chief Collections of Paintings, Drawings, Sculptures, Illuminated mss., &c., &c., Londres, John Murray, 1854, vol. 2, et probablement au passage de la p. 336.

39 [Jacob van] Ruysdael. » L'œuvre plaide trop bien sa cause pour qu'il soit nécessaire de le remarquer, mais il est impératif de réfuter ce verdict, puisqu'elle est incontestablement un exemple tout à fait caractéristique d'Hobbema, et bien sûr très différent de Ruysdael tant dans la touche que dans son coloris87.

De fait, chez Carter, son travail de restaurateur et sa connaissance des caractéristiques des matériaux utilisés par les artistes jouent un rôle crucial dans sa capacité à expertiser une œuvre. En effet, dans certains cas, ce n'est qu'après le nettoyage de la couche picturale, donc le retrait des corps étrangers ou du vernis original altéré qui brouillent la vue du sujet peint, de la date de création et de la signature de son auteur, que Carter peut se prononcer avec confiance sur l'attribution à un artiste. Par ailleurs, bien que ce talent annoncé pour la restauration et l'interprétation de l'œuvre, une fois remise en état, attire un certain nombre de clients à faire appel à son expertise, cela ne suffit pas toujours à obtenir leur confiance immédiatement.