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La valeur accordée à la collection par le Séminaire de Québec est mise en évidence dans les publications qu’elle autorise et finance. La première comprend deux articles, rédigés en 1907 par J. Purves Carter, A Shrine of Art: Many Noble Paintings,

Treasures which not many Canadians know their Country possesses. Vers le mois

d’octobre 1907, les prêtres du séminaire font traduire les articles de Carter, probablement afin d’en faire paraître une version française2

qui, outre la parution dans le journal La

Vigie3, ne verra jamais le jour. Le 5 octobre de la même année, le notaire Jean-Alfred Charlebois (c1846-1926) annonce à Mgr Mathieu qu’il procédera à leur impression :

Après avoir réfléchi à la chose, et avoir consulté un ami de la cause [John Sharples], j’ai décidé de faire imprimer l’étude de vos peintures que vous m’avez passé. Nous lui donnerons un joli format pour attirer l’attention. […] Quand le document aura été imprimé, il me sera facile d’approcher mon ami et quelques autres personnes, même en dehors de Quebec[sic]. Le fait que vous ayez une partie de la richesse nationale, dont la destruction serait une perte pour tout le pays, nous fourni[sic] l’occasion de frapper à bien des portes qui nous seraient interdites s’il ne s’agissait que d’une institution nationale et catholique.4

La motivation du Séminaire de Québec à augmenter sa visibilité vient hors de tout doute de son désir de fonder ce qui serait le premier musée national dans la province de Québec5. Charlebois soulève un point primordial dans l'extrait précédent : une institution religieuse n’a que très peu de pouvoir, d’un point de vue artistique, au-delà du niveau régional, sinon provincial. Une reconnaissance interne de la valeur artistique des œuvres n’est donc pas suffisante pour mener à terme un projet d’envergure. L’intervention de personnalités politiques et publiques prend alors tout son sens. John Sharples (1847- 1913) et Charles Fitzpatrick (1851-1942) deviennent, pour l’institution, de véritables points d’ancrage dans cette entreprise. Sharples est issu d’une famille aisée et influente du Québec. Il est à la fois marchand de bois, fonctionnaire et homme politique. En 1907, il est le maire de Sillery et il occupe le siège de conseiller législatif de la division de

2

ASQ, Manuscrit no.118, octobre 1907.

3 « Les trésors artistiques de l’Université Laval » dans La Vigie, 16 novembre 1907, p. 1.

4 ASQ, Lettre de Jean-Alfred Charlebois à Olivier-Elzéar Mathieu, 5 octobre 1907, Université 170 no. 39a. 5 Le Musée national des beaux-arts de Québec est fondé en 1933.

90 Stadacona6. Homme généreux, il est un donateur important, notamment, à l’endroit de l’Hôtel-Dieu de Québec et de la communauté des hospitalières augustines, responsable de sa gestion7. Fitzpatrick, quant à lui, est avocat, professeur et homme politique. En 1907, il est professeur titulaire de droit à l’Université Laval, administrateur du Canada et conseil en loi de la reine, inséré dans un réseau de contacts très large8. La position d’autorité de ces deux hommes dans leurs milieux respectifs permettra au Musée de peintures de l’Université Laval de gagner plus de sympathisants à sa cause et de contribuer à l’édification de l’institution, en tant que référence artistique nationale.

Charles Fitzpatrick reçoit la brochure le 13 décembre 1907. Constatant lui aussi le potentiel du projet de musée, il encourage Mgr Mathieu à y placer tous ses efforts :

Je reçois à l’instant la petite brochure qui vient d’être publiée sur votre gallerie[sic] de peinture, et sois persuadé que je la lirai avec le plus grand intérêt. Je te serais obligé si tu voulais bien en adresser avec mes compliments à E[dward] B[lack] Greenshield[s], directeur de la Banque de Montréal, Montréal et aussi à Sir George Drummond. Je te conseillerais d’en envoyer une copie à Sir Wilfrid [Laurier] et une autre à [Louis-Philippe] Brodeur; aussi une à l’honorable Sydney Fisher, avec un mot de toi à chacun suggérant la mise à exécution du projet que tu proposes, savoir l’érection d’un musée des beaux-arts à Québec. Je crois que je pourrai peut-être vous être utile sous ce rapport […].9

Sans avoir pris connaissance du contenu de la récente publication au moment où il rédige sa lettre, Fitzpatrick reconnaît qu’elle pourrait avoir un impact positif dans la diffusion du projet de musée. L’envoi de la brochure à un cercle d’amis et membres de l’élite politique de l’époque se veut donc une stratégie potentiellement efficace : Edward Black Greenshields (1850-1917) est connu pour avoir milité auprès des gouvernements canadiens pour la cause de son entreprise, la Samuel Greenshields & Son, pour sa participation dans la gestion de la Banque de Montréal et pour sa passion pour les arts et

6 Pierre Landry, « SHARPLES, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université

Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2017,

< http://www.biographi.ca/fr/bio/sharples_john_10F.html >.

7

Voir les volumes 5 (1902-1911), 6 (1911-1915) et 7 (1915-1926) des Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec, respectivement HDQ-F1-A5,1/1:5, HDQ-F1-A5,1/1:6 et HDQ-F1-A5,1/1:7.

8 Assemblée nationale du Québec, « Charles Fitzpatrick », page mise à jour en mars 2009 [en ligne],

< http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/fitzpatrick-charles-3165/biographie.html >, page consultée le 20 novembre 2017.

9 ASQ, Lettre de Charles Fitzpatrick à Olivier-Elzéar Mathieu, 13 décembre 1907, p. 1, Université 170

91 la culture. En effet, en 1900, il se détourne de la gestion de son entreprise, alors en pleine croissance, de même que de l’administration de la Banque de Montréal, pour se mettre au collectionnement, à l’érudition et aux voyages en Europe et aux États-Unis10

. Il devient également membre actif de l’Association des beaux-arts de Montréal et se trouve par la suite à la tête du marché de l’art montréalais. On lui doit d’ailleurs deux grands ouvrages critiques de l’art européen, faisant de lui un pionnier de l’histoire de l’art canadien. Il est l’ami de George Alexander Drummond (1829-1910), président de la Banque de Montréal et l’un des membres du sénat les plus écoutés en matière de commerce, de finance et de fiscalité sous le gouvernement de John A. Macdonald11. Il y siège toujours sous le gouvernement Laurier. Louis-Philippe Brodeur (1862-1924) et Sydney Arthur Fisher (1850-1921) sont aussi liés au gouvernement Laurier. Le premier est ministre de la Marine et des Pêcheries et responsable du district politique de Montréal dès 190612, et le second est ministre de l’Agriculture depuis 189613

. Tout porte à croire que Fitzpatrick, en suggérant l'envoi de la brochure à ces personnalités politiques, a pour objectif de convaincre Wilfrid Laurier de la pertinence d’ériger un musée national dans la province de Québec en obtenant des voix en faveur de ce projet chez ses ministres. Le fait que Fitzpatrick ait été brièvement ministre sous Laurier pourrait d’ailleurs avoir joué un rôle sur cette influence qu'il a sur lui.

Or, le travail de reconnaissance qu’entreprend Mgr

Mathieu ne touche pas que les membres influents du gouvernement fédéral; il travaille de façon simultanée tant au niveau fédéral que provincial. En effet, il envoie aussi à Simon-Napoléon Parent (1855- 1920), ancien premier ministre du Québec, ancien maire de la ville de Québec et président de la Commission du chemin de fer Transcontinental, une copie de la

10 Gordon Burr, « GREENSHIELDS, EDWARD BLACK », dans Dictionnaire biographique du Canada,

vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2017,

< http://www.biographi.ca/fr/bio/greenshields_edward_black_14F.html >.

11 Michèle Brassard et Jean Hamelin, « DRUMMOND, sir GEORGE ALEXANDER », dans Dictionnaire

biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 oct. 2017, < http://www.biographi.ca/fr/bio/drummond_george_alexander_13F.html >.

12 René Castonguay, « BRODEUR, LOUIS-PHILIPPE (baptisé Louis-Joseph-Alexandre ; Philippe) », dans

Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2017, < http://www.biographi.ca/fr/bio/brodeur_louis_philippe_15F.html >.

13 Anne Drummond, « FISHER, SYDNEY ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol.

15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2017,

92 publication de Carter, en lui exposant le projet de musée. Parent lui assure son appui et lui promet qu’il procédera à du bouche-à-oreille dans son entourage :

Un petit livre intitulé "A Shrine of Art" m'est parvenu, que je devine venir de vous, malgré votre trop grande discretion. […] C'est toujours pour moi un réel plaisir de vous lire, et dans ces conditions ai-je besoin d'ajouter que vos protégés sont assurés, grace[sic] à votre bon appui, du meilleur accueil. J'ai fait votre message à mes deux collègues que vous avez connus14.

Cette large entreprise de diffusion de la valeur de la collection de peintures et l’augmentation de partisans politiques influents en faveur de l’érection d’un musée à Québec constitue la phase initiale de la reconnaissance du Musée de peintures de l’Université Laval. Une fois cette étape réalisée, assurant des ancrages solides au projet, il sera possible aux autorités institutionnelles du Séminaire de Québec d’aller de l’avant vers une seconde étape : la publication du catalogue raisonné préparé par J. Purves Carter.

Les réattributions de prestige qu’a faites J. Purves Carter depuis 1907 ont conféré une valeur sans précédent à la collection de l’Université Laval. Cette nouvelle valeur est inscrite et transmise au public par le biais du Descriptive and Historical Catalogue of the

Paintings In the Gallery of Laval University, Quebec. Ce catalogue est publié à raison de

deux éditions successives, tous deux en langue anglaise. Bien que la langue maternelle de Carter soit l’anglais, il pourrait sembler curieux que le catalogue d’une institution francophone sise dans une ville également francophone ait été rédigé en anglais. Joseph Légaré, lorsqu’il était le propriétaire de la collection, avait certes publié son catalogue en anglais15, mais la communauté anglophone était alors beaucoup plus influente à Québec qu’en 1908. Nous pourrions donc émettre comme hypothèse qu’il s’agit là d’un moyen pour que son lectorat dépasse le cadre régional, un choix gagnant autant pour l’institution que pour Carter. La publication en langue anglaise permet aussi à l’expert et restaurateur britannique de percevoir une perspective de déploiement de carrière. Ce dernier annonce

14

ASQ, Lettre de Simon-Napoléon Parent à Olivier-Elzéar Mathieu, 16 décembre 1907, Université 170 no. 57b.

15 Joseph Légaré, Catalogue of the Quebec Gallery of Paintings, Engravings, etc., the Property of Jos.

93 à Mgr Mathieu, à la veille de la mise sous presse du catalogue, que « [s]es dix ans de carrière en Amérique arrivent à un point culminant avec ce travail16 ».

La préparation du catalogue permet à l’institution de poursuivre son entreprise de mise en valeur de son patrimoine et de reconnaissance institutionnelle avant et pendant les célébrations du troisième centenaire de fondation de la ville de Québec. Dès le printemps 1908, Mgr Mathieu discute avec le ministre Adélard Turgeon (1863-1930) à propos du premier ministre Lomer Gouin (1861-1929). Ce dernier a un pouvoir sur les fonds prévus pour le tricentenaire de fondation de la ville de Québec. Par l’entremise du juge Adolphe-Basile Routhier (1839-1920), le recteur de l'Université Laval espère convaincre le premier ministre de faire déplacer le budget prévu pour les célébrations du tricentenaire vers une enveloppe destinée à la fondation d’un musée d’art. Il lui suggère que l'argent soit réinvesti pour « servir pour faire un cadeau à notre vieille ville et lui donner un muséé[sic] qui resterait à jamais comme souvenir du troisième centenaire17 ». Il lui fait savoir que « M. le Premier Ministre aurait même ajouté qu'il ne voulait pas qu'un seul sou de l'argent voté par la Province fut employé à payer les frais de la fête18 » et que « le Gouvernement fédéral s'est quasi-engagé à voter l'argent qu'il faudra pour exciter cette promenade19 ». Ce faisant, la proposition de Mathieu est favorablement reçue tant par Turgeon que Gouin20. Dans la même optique, le recteur attire l’attention du maire Jean-Georges Garneau (1864-1944), alors très influent auprès de la Commission des champs de bataille nationaux, dont il est le président21. Garneau est un pilier majeur dans tout projet de fondation d’un musée, car, comme il le soulève,

L'acte constituant la Commission Nationale [des champs de bataille] lui donne entre autres pouvoirs celui de construire un musée, et je caresse l'espoir que nous pourrons tôt ou tard mener cette entreprise à bonne fin. Malheureusement, il faut commencer par l'acquisition des terrains requis pour le Parc et les travaux nécessaires pour les rendre accessibles au public; mais le parlement du Canada est tellement engagé engagé[sic] envers le

16 « … as the whole of my 10 years work here in the States comes as a climax in this work [rédaction du

catalogue]. » Notre traduction du texte paru dans ASQ, Lettre de J. Purves Carter à Olivier-Elzéar Mathieu, 30 juin 1908, p. 2, Université 171 no. 4a. Voir Annexe 2, lettre 2.3.

17 ASQ, Lettre d’Olivier-Elzéar Mathieu à Adélard Turgeon, 30 mars 1908, Université 172 no. 12a. 18

Ibid.

19 Ibid.

20 ASQ, Lettre de Lomer Gouin à Olivier-Elzéar Mathieu, 13 avril 1908, Université 172 no. 12f.

94 principe de ce qui est contenu dans l'acte qu'il lui faudra nécessairement

voter pour parachever l'œuvre.22

Devant l’impossibilité d’obtenir une réponse rapide de la Commission en raison des délais très courts, il semblerait que les autorités institutionnelles se soient tournées vers une nouvelle option : l’envoi d’un mémoire en faveur du projet de musée. Dans ce mémoire, possiblement adressé au gouvernement québécois puisqu’il détient le budget destiné aux dépenses du Tricentenaire de Québec, on propose que soit construit, sur le terrain du parc Montmorency, à la hauteur du palais archiépiscopal, un pavillon où les activités du tricentenaire pourraient avoir lieu en cas de pluie23.

L'argent serait employé par les promoteurs du 3e Centenaire pour une salle de fetes[sic] convenable, remplirait parfaitement le but immédiat proposé et aiderait a[sic] doter Quebec d'une construction permanente qui comblerait une lacune et répondrait a[sic] plus d'un besoin imperieux[sic] et pressant, en meme[sic] temps q'elle[sic] ajouterait un ornament[sic] a[sic] notre Ville. […] Quant aux plans, il doit étre[sic] facile d'emprunter aux grandes expositions mondiales tenues dans ces dernieres[sic] annéés[sic], un modèle des superbes salles de fetes[sic] construites par des architectes de renom. Il en est plusieurs qui ont fait l'admiration des connaisseurs par leurs lignes harmonieuses et artistiques. Les auteurs de ces plans ont du se proposer comme but : Une construction vaste et solide, a[sic] l'épreuve du feu, suffisamment décorative, ne coûtant pas trop cher, pouvant s'eriger[sic] très rapidement etc.

Il semble q'il[sic] doit étre[sic] possible de trouver un modele[sic] tout fait, avec fondations solides en pierre, charpente d'acier, parois et toiture métalliques, remplissant les conditions voulues pour une salle de fetes[sic]. On pourrait en décorer l'interieur[sic] et l'exterieur[sic] a[sic] l'aide de ces mélanges ou compositions imitant le platre[sic] ou le stuc dont on a tant usé dans les édifices des grandes expositions des Etats-Unis.

Bien que l’idée soit bonne, le problème de la cession du terrain a toutefois empêché la construction du bâtiment projeté. Il est plausible que le refus de céder le terrain vienne d’une décision politique, puisque le secteur visé, le Parc Montmorency, est situé à quelques mètres du site où a été érigé le monument commémoratif à Monseigneur de Laval, inauguré à la veille de l’ouverture du Tricentenaire. Cette construction avait

22

ASQ, Lettre de Jean-Georges Garneau à Olivier-Elzéar Mathieu, 2 avril 1908, Université 172 no. 12c.

23 L’ampleur de ce mémoire est difficile à établir, car nous n’avons aucune certitude quant à l’identité des

personnes ou des institutions l’ayant reçu. Voir ASQ, Université 172 no. G. [sans date, après le 13 avril 1908?].

95 nécessité un réaménagement des lieux et obligé les autorités municipales à démolir plusieurs domiciles.

En somme, nous remarquons une intensification de la campagne de publicité de l’Université Laval et du rayonnement de sa collection auprès d’amis potentiels de son musée, à la veille du Tricentenaire de Québec. Cela renforce une hypothèse que nous exposerons à la section suivante selon laquelle l’université veut se positionner sur la scène internationale. En effet, la mise en valeur de la collection lors du Tricentenaire de Québec est une fenêtre inestimable pour le Musée de l’Université Laval et ses peintures européennes : de nombreux visiteurs et participants des festivités sont d’origine étrangère et seront témoins des activités artistiques se déroulant au sein de la ville24. Cependant, l’inaction des gouvernements québécois et canadiens à construire un pavillon temporaire a freiné la course de l’université et a limité la mise en valeur de la collection à la seule diffusion de son catalogue raisonné en langue anglaise. Il faudra donc que les autorités institutionnelles attendent que les instances gouvernementales soient libérées de leurs obligations en lien avec le Tricentenaire afin de tenter une nouvelle approche. Cela se réalisera au moment de la fondation de l’Association des anciens élèves et gradués de l’Université Laval et de la mise à exécution de ses activités publiques25

.

Incorporée le 14 avril 1908, l’Association des anciens élèves et gradués de l’Université Laval a pour but de contribuer au progrès et à l’avancement de l’université26

. Ce mandat se précise davantage à l’été 1909, à la suite des nombreuses restaurations opérées par J. Purves Carter depuis l’hiver de la même année. Lors d’une réunion des membres du conseil d’administration le 8 juin, Charles Fitzpatrick, administrateur du Canada par intérim et invité de marque à la réunion, expose que bien que personne ne contribue réellement à écarter les risques de destruction des œuvres, malgré l’intérêt de plusieurs personnalités canadiennes influentes à cet égard. Ce qui sous-entend que le lieu

24

À propos du tricentenaire de Québec, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage d’Henry Vivian Nelles, L'histoire spectacle : le cas du tricentenaire de Québec, Montréal, Boréal, 2003, 428 p.

25 Voir à ce sujet le très intéressant chapitre sur les associations d’anciens élèves des collèges de cette

époque comme groupe de pression dans Louise Bienvenue, Ollivier Hubert et Christine Hudon, Le collège classique pour garçons : études historiques sur une institution québécoise disparue, Anjou, Fides, 2014, 416 p.

96 actuel de conservation de la collection de peintures européennes du Séminaire de Québec, le Musée de peintures de l’Université Laval, est inquiétant. Il invite les membres du conseil d’administration à « délibérer sur la condition dans laquelle la bibliothèque et les œuvres d’art de l’Université, particulièrement celles du Musée, se trouvent en ce moment, afin d’aviser à leur conservation, comme, aussi, à leur utilisation plus grande à venir.27

» Dans cette intervention, Fitzpatrick associe l'entreprise artistique au domaine du savoir – il lie les œuvres à la bibliothèque et inscrit donc, de manière indirecte, le Musée de l’Université Laval dans la lignée des musées dits « temples »28

tels que les musées de Rouen, de Lausanne ou de Grenoble. J. Purves Carter, également invité à la réunion, souligne l’urgence de protéger ces œuvres. Après délibération, il est entendu à l’unanimité que toutes les mesures nécessaires seraient prises afin de mettre sur pied une exposition spéciale mettant en vedette les œuvres récemment « réparées » par Carter et qu’elle serait « le prélude d’une autre plus considérable, à l’automne 29

». La reconnaissance artistique acquise par l’Université Laval et son musée, jusqu’à l’été 1909, est limitée et ne permet pas à l’institution privée de s’approcher du gouvernement fédéral afin d’y déposer une requête officielle et être prise au sérieux. Ces expositions devaient, de façon tangible et efficace, toucher à la fois le grand public et les personnalités politiques, afin de rendre cette étape possible.

2. De collection universitaire à musée national : une ambition à nourrir et un projet