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Le 9 avril 2018, c’est par une démarche inédite que le BDP a interrogé la CPI quant à une éventuelle compétence de cette dernière sur la base de 12(2)(a), lorsqu’une déportation a eu lieu du territoire d’un État non partie à celui d’un État partie au Statut. Cette démarche du Bureau, peut être divisée en plusieurs temps, temps durant lesquels le Bureau tente de convaincre la Cour de sa compétence sur la question. Pour ce faire, le BDP a, dans un premier temps, procédé à une distinction entre la déportation et le transfert forcé (1). Il s’est ensuite interrogé sur sa compétence en l’espèce dans la mesure où une partie du crime s’est déroulée sur le territoire d’un État partie (2). Finalement, le Bureau a justifié son aptitude à formuler une telle demande par l’article 19(3) du Statut de Rome (3).

i. La distinction entre la déportation et le transfert forcé

Par une démarche préliminaire, le BDP a fait le choix de distinguer la déportation du transfert forcé qui sont deux comportements incriminés au sein du même article.

En effet, la déportation fait partie des actes, dans le Statut qui sont constitutifs d’un crime contre l’humanité, au même titre que le transfert forcé de population, si ces agissements sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique194.

La déportation et le transfert forcé sont définis au sein de l’article 7(2)(d) du Statut de Rome :

« Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la

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région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international. »195

Toujours en ce sens, selon l’article 7(1)(d) du document Éléments des crimes, la déportation et le transfert forcé doivent conduire les populations à se diriger vers « un autre État ou une autre location »196.

Dans sa demande, le BDP a pris le soin de distinguer ces deux agissements pour ne se baser que sur la déportation. Tout d’abord, le Bureau a précisé que la déportation était un crime connu depuis plus longtemps, en droit international que le transfert forcé197. Ce

crime est prévu dans la Charte du Tribunal de Nuremberg, mais également dans le Statut du TPIY, sa définition est claire et se distingue de celle du transfert forcé dans la mesure où elle suppose le franchissement d’une frontière internationale198.

La jurisprudence, que ce soit celle des tribunaux pénaux ad hoc que de la CPI, les a distingués en ce sens. Dans Le Procureur contre Milorad Krnojelac, la Chambre de première instance II du TPIY affirme que « la déportation suppose un déplacement par- delà les frontières nationales et se distingue par-là du transfert forcé qui peut s’effectuer à l’intérieur des frontières d’un pays »199. De façon similaire, la Chambre préliminaire II

de la CPI, dans Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang a distingué les deux en affirmant que l’élément qui distinguait le transfert forcé de la déportation était que le transfert forcé se déroulait à l’intérieur d’un même pays au contraire de la déportation qui suppose le franchissement du frontière internationale200.

Ainsi, la position jurisprudentielle quant à cet élément est unanime.

195 Statut de Rome, article 7(2)(d) 196 Éléments des crimes, article 7(1)(d)

197 CPI, Bureau du Procureur, Prosecution’s Request for a Ruling on Jurisdiction under Article 19(3) of

the Statute, ICC-RoC46(3)-01/18-1, 9 avril 2018, para. 15

198Nations Unies, Commission du droit international, Projet de code des crimes contre la paix et la

sécurité de l’humanité, 1996, p. 52.,

http://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/commentaries/7_4_1996.pdf, page consultée le 16 mai 2019

199 TPIY, Chambre de Première instance II, Le Procureur c. Milorad Krnojelac, Jugement, IT-97-25-T,

15 mars 2002, , para. 474

200CPI, Chambre préliminaire II, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua

Arap Sang, Décision relative à la confirmation des charges rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, ICC-01/09-01/11, 23 janvier 2012, para. 268

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Cette position a d’ailleurs été soutenue par le Partenariat canadien pour la justice internationale (PCJI) mais également par la Commission internationale de Juristes (CIJ) dans le cadre d’une procédure d’amicus curiae en date du 18 juin 2018. L’amicus curiae se définit comme « un mécanismeprocédural par lequel un tribunal invite ou autorise une

personne ou une entité à participer à une instance existante entre des parties afin qu'elle

lui fournisse des informations susceptiblesd'éclairer son raisonnement »201. En l’espèce,

plusieurs organismes, par différentes décisions sont intervenus dans le but d’éclairer la Cour afin qu’elle donne suite à la demande du Procureur, que ce soit de façon positive, en appuyant sa demande, ou négative.

Du point de vue du Partenariat canadien pour la justice internationale, la distinction entre le crime de déportation et celui de transfert forcé, bien qu’ils soient prévus au sein du même article, est établie. Le PCJI a ainsi repris les travaux d’élaboration du document relatif aux éléments des crimes qui, à la base, n’opérait pas de distinction entre les deux. Le PCJI fait ainsi remarquer que ces travaux ont établi cette distinction car ils ont été complétés par une proposition de la part du Canada et de l’Allemagne, qui ont soutenu dans le cadre de la commission préparatoire à la CPI, que la déportation s’effectuait sur le territoire d’un autre pays tandis que la persécution dans un autre endroit que le lieu d’origine mais toujours dans le même pays. C’est ainsi que la mention « dans un autre État ou un autre lieu » a été inclue au sein du document et que la mention « dans un autre État » a vocation à s’appliquer à la déportation, et « un autre lieu », au transfert forcé202.

La CIJ s’est positionnée de façon similaire et a affirmé à son tour que si les rédacteurs du Statut avaient fait le choix de ne pas distinguer ces deux agissements, ils auraient prévu que le transfert forcé incluait la déportation. Or, le libellé est explicite et contraire à cela203.

201 Séverine MENETREY, L’amicus curiae, vers un principe de droit international procédural ?, Thèse

de doctorat, 2009, p. 4

202 CPI, Chambre préliminaire I, Members of the Canadian Partnership for International Justice,

Observations pursuant to rule 103(1) of the rules of procedure and evidence, Amicus Curiae Observations on the “Prosecution’s Request for a Ruling on Jurisdiction under Article 19(3) of the Statute, ICC-RoC46(3) -01/18, 18 juin 2018, para. 44

203 CPI, Chambre préliminaire I, Commission internationale de juristes, Request under regulation 46(3) of

the regulations of the Court, Amicus Curiae Observations by the International Commission of Jurists (pursuant to Rule 103 of the Rules), ICC-RoC46(3)-01/18, 18 juin 2018, para. 10.

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Ainsi, par ce raisonnement (confirmé par le PCJI et la CIJ) le BDP ne focalise son étude que sur le crime de déportation, supposant ainsi, comme précisé tout au long de son étude, le franchissement d’une frontière internationale.

ii. La question de « la conduite » et de la compétence de la Cour en l’espèce

Par la suite, le BDP s’est focalisé sur l’étude de la compétence de la CPI pour la déportation, constitutive d’un crime contre l’humanité.

L’article 12(2)(a) du Statut dispose que :

« 12(2)(a) : Dans les cas visés à l’article 13, paragraphe a) ou c), la Cour peut exercer sa compétence si l’un des États suivants ou les deux sont Parties au présent Statut ou ont accepté la compétence de la Cour conformément au paragraphe 3 :

a) L’État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord d’un navire ou d’un aéronef, l’État du pavillon ou l’État d’immatriculation ; »204.

Les deux États en cause sont ainsi le Myanmar, État non partie au Statut de Rome et le Bangladesh qui lui, ayant ratifié le Statut le 23 mars 2010, est un État partie205.

En effet, les faits allèguent que les Rohingyas auraient été déportés, par des moyens coercitifs (illustrés par les différents crimes commis envers ces derniers), sur le territoire du Bangladesh. Après les événements de 2017, 725 000 y avaient trouvé refuge206.

Le Bangladesh étant partie, cela signifie que pour des crimes commis sur son territoire, l’exercice de la compétence de la Cour serait alors possible207.

204 Statut de Rome, article 12(2)(a)

205CPI, États Parties au Statut de Rome, Bangladesh, https://asp.icc-

cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/asian%20states/Pages/bangladesh.aspx, page consultée le 15 mai 2019

206 Organisation des Nations-Unies, Rapport de la mission d’enquête internationale indépendante sur le

Myanmar, septembre 2018, p. 278, para. 1174.

207 CPI, Examen préliminaire, Rubrique Bangladesh/ Myanmar, https://www.icc-cpi.int/rohingya-

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Toute la question qui s’est ainsi posée au BDP était de savoir si le fait que la déportation se soit déroulée en partie sur le territoire du Bangladesh, État partie, suffisait à justifier sa compétence. En effet, l’article 12(2)(a) évoque la notion de « comportement », en version anglais « conduct », et selon le BDP dans sa demande, cette notion signifie que l’un des éléments du crime doit avoir eu lieu sur le territoire d’un État partie pour que la Cour puisse être compétente208. Ainsi, en l’espèce, pour que sa compétence soit justifiée,

l’un des éléments du crime de déportation doit avoir été commis partiellement sur le territoire du Bangladesh.

En ce sens, et selon le BDP, « when a person is deported directly into the territory of a second state (and thus the required legal element-to cross an international border- is established on the facts only when they enter the second state) the Court may exercise jurisdiction under article 12(2)(a) either if the originating State is a State party to the Court or of the receiving state is a State Party to the Court »209.

Le PCJI est venu, une fois de plus, confirmer et appuyer la position du BDP en précisant en quoi l’un des éléments du crime de déportation avait été commis sur le territoire du Bangladesh. Il a repris minutieusement les éléments composant le crime de déportation inscrits à 7(1)(d) et plus particulièrement l’élément matériel (l’actus reus) prévu à 7(1)(d)(1). Cet élément matériel est rappelé dans la décision de la Chambre d’appel dans l’affaire Stakić : « l’élément matériel de la déportation est constitué par le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens de coercition, de la région où elles se trouvent légalement, au-delà des frontières officielles d’un État ou dans certains cas de frontières de facto, sans motifs admis en droit international »210.

Ainsi, le raisonnement du Partenariat, à partir de l’actus reus du crime, se base principalement sur la notion de déportation « dans un autre État » qui implique un mouvement vers une autre localisation que celle initiale, en l’espèce le Myanmar et qui implique un État différent que celui initialement concerné211 soit, en l’espèce, le

208 CPI, Bureau du Procureur, op. cit., para 14. 209 Ibid.

210TPIY, Chambre d’appel, Le Procureur c. Milomir Stakić, IT-97-24-A, 22 mars 2006, para. 278. 211 CPI, Chambre préliminaire I, Members of the Canadian Partnership for International Justice, op. cit.,

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Bangladesh. Ainsi, pour ce dernier, l’un des éléments du crime, s’est déroulé sur le territoire du Bangladesh et permet donc de ce fait la compétence de la CPI.

Cette position fut confirmée par les représentants non-gouvernementaux du Bangladesh, dans le cadre de la procédure d’amicus curiae. Ils ont également reconnu la compétence de la Cour sur la base de l’article 12(2)(a) du Statut pour la déportation. Pour ces derniers, même si la déportation a débuté sur le territoire d’un État non partie, elle a continué, s’est prolongée sur le territoire d’un État partie, de sorte que l’un des éléments du crime de déportation s’est déroulé sur le territoire d’un État partie justifiant ainsi la compétence de la Cour212.

En l’espèce, le BDP déclare donc que la Cour est compétente pour connaître de la déportation à l’encontre des Rohingyas, constitutive d’un crime contre l’humanité, du Myanmar jusqu’au Bangladesh, dans la mesure où l’un des éléments du crime s’est réalisé sur le territoire d’un État partie. Cette approche, comme précisé par le CIJ, fait de la compétence territoriale de la cour une compétence objective dans la mesure où son exercice est possible dès lors que le comportement criminel s’est « consommé, complété » sur le territoire du Bangladesh213.

Ainsi, cette position n’est pas inconnue en droit. Très tôt, en 1927, dans l’arrêt Lotus, la Cour internationale de justice (CIJustice) s’est fondée sur cette compétence214. En droit

interne également, certains pays ont fait le choix de cette approche qui leur permet d’être compétents dès lors qu’un élément d’une infraction a eu lieu sur leur territoire, c’est ce que l’on appelle la théorie de l’ubiquité215. Par exemple, la France le prévoit dans son

Code pénal au deuxième alinéa de l’article 133-2 : « l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire »216. Dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, cette

disposition est mise en application. La Cour prévoit la compétence des juridictions

212 CPI, Chambre préliminaire I, Bangladeshi Non-Governmental Representatives, Amicus Curiae

Observations by the Bangladeshi Non-Governmental Representatives (pursuant to Rule 103 of the Rules) on the “Prosecution’s Request for a Ruling on Jurisdiction under Article 19(3) of the Statute”, ICC- RoC46(3)-01/18, 18 juin 2018, para.21.

213 CPI, Chambre préliminaire I, Commission internationale de juristes, op. cit., para. 51 214 Cour permanente de Justice internationale, Affaire du Lotus, 7 septembre 1927 215 CPI, Chambre préliminaire I, Commission internationale de juristes, op. cit., para. 54 216 Code pénal français, article 133-2

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françaises pour une infraction commise à l’étranger car l’un des faits constitutifs de cette infraction s’est déroulé sur le territoire français217.

La Cour Suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt Libman c. La Reine, affirme également que « pour soumettre une infraction à la compétence de nos tribunaux, il suffit qu'une partie importante des activités qui la constituent se soit déroulée au Canada. Il suffit qu'il y ait un "lien réel et important" entre l'infraction et le Canada218 ». Ainsi, l’infraction n’a pas à être

totalement commise sur le territoire canadien. Seulement une partie de cette dernière doit l’avoir été.

Finalement, après avoir étudié la possibilité d’exercice de compétence de la CPI pour la déportation des Rohingyas, constitutive d’un crime contre l’humanité, le BDP, dans un dernier développement, décide de légitimer sa demande à la Cour, sur la base de l’article 19(3) du Statut de Rome.

iii. Légitimation de sa démarche sur la base de l’article 19(3) du Statut de Rome

L’article 19(3) dispose que :

« 3. Le Procureur peut demander à la Cour de se prononcer sur une question de compétence ou de recevabilité́. Dans les procédures portant sur la compétence ou la recevabilité́, ceux qui ont déféré́ une situation en application de l’article 13, ainsi que les victimes, peuvent également soumettre des observations à la Cour »219.

Le BDP explique ainsi que l’utilisation de cet article permet d’interroger la Cour sur des questions concernant sa compétence matérielle, temporelle, mais également personnelle et territoriale et sur les questions relatives au déclenchement de sa compétence220. Cette

démarche a donc une vocation de clarification. Le Bureau affirme que formuler une demande sur la base de cet article n’a pas à intervenir à un moment précis de la

217 Cour de cassation, Chambre criminelle, Audience publique du mardi 31 mai 2016, n° de pourvoi: 15-

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218 Cour suprême du Canada, Libman c. La Reine, 1985] 2 RCS 178,10 octobre 1985, para. 74. 219 Statut de Rome, article 19(3)

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procédure221. En effet, le PCJI confirme en disant que cette demande n’a pas à intervenir

obligatoirement après l’ouverture d’une enquête, ni lorsqu’une situation a été soumise à une Chambre préliminaire de la Cour. Dès lors que le Procureur a reçu suffisamment d’informations, le Bureau peut formuler une telle demande. La refuser serait aller à l’encontre des devoirs du Procureur mais également du Statut222.

La suite du raisonnement du PCIJ, à ce propos, est logique. Il utilise l’article 15(3) du Statut qui dispose que : « s’il conclut qu’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre une demande d’autorisation en ce sens, accompagné de tout élément justificatif recueilli »223. Il semble ainsi cohérent que la

demande basée sur 19(3), ayant vocation de clarification, intervienne avant la demande d’ouverture d’enquête de la part du Procureur. En effet, comment pourrait-il conclure à une base raisonnable et demander après une clarification ?224 Si une telle situation se

présente, le PCJI voit deux options : soit le Procureur de la Cour décide de ne pas poursuivre faute de certitude, au détriment de l’intérêt des victimes et des principes du Statut de Rome. Soit, s’il décide d’ouvrir une enquête mais qu’il formule une demande sur la base de 19(3), c’est qu’il n’est pas sûr de sa base raisonnable. Cela peut entrainer là aussi un préjudice pour les victimes mais également pour les intérêts de la justice225.

De plus, une telle démarche illustrerait un manque de crédibilité de la Cour. C’est la raison pour laquelle, le PCJI, dans le même sens que le BDP, affirme que cette demande n’est pas figée à un stade procédural particulier.

Cette démarche de la part du BDP est inédite. Elle l’est dans la mesure où il s’agit de la première fois qu’une telle procédure est réalisée226. Le Bureau la justifie d’ailleurs par les

« circonstances exceptionnelles » des faits et affirme que son choix a été réalisé en

221 CPI, Bureau du Procureur, op. cit., para 53.

222 CPI, Chambre préliminaire I, Members of the Canadian Partnership for International Justice, op. cit.,

paras. 6-14.

223 Statut de Rome, article 15(3)

224 CPI, Chambre préliminaire I, Members of the Canadian Partnership for International Justice, op. cit.,

paras. 15-16.

225 Ibid.

226 CPI, Chambre préliminaire I, Members of the Canadian Partnership for International Justice, op. cit.,

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conformité avec les exigences d’indépendance et de discrétion227 devant guider sa

fonction, dans la mesure où aucune obligation ne lui est faite d’agir en vertu de 19(3)228.

De plus, relativement à sa compétence, le BDP évoque l’article 19(1) du Statut qui prévoit que pour chaque « affaire portée devant elle », la Cour doit s’assurer de sa compétence229.

Cependant, le Bureau va estimer qu’indépendamment de l’article 19(1), la détermination de sa compétence est basée sur le principe de compétence de la compétence, qui permet à la Cour d’être « juge de sa propre compétence » 230. En jurisprudence, l’utilisation de ce

principe est largement admise que ce soit au sein des tribunaux pénaux ad hoc ou au sein de la CPI elle-même qui l’ont très clairement défini. Le TPIY a effectivement affirmé que « "la compétence de la compétence" en français, est un élément et, de fait, un élément majeur de la compétence incidente ou implicite de tout tribunal judiciaire ou arbitral et consiste en sa "compétence de déterminer sa propre compétence". Ce principe est un élément constitutif nécessaire dans l'exercice de la fonction judiciaire »231. La Chambre

préliminaire II, en 2009, suivit ce raisonnement en considérant que « tout organe judiciaire est juge de sa propre compétence, même en l’absence de référence explicite à cet effet. C’est là un élément essentiel de l’exercice des fonctions de tout organe judiciaire. Un tel pouvoir découle du principe reconnu de « la compétence de la compétence » »232.

Ainsi, c’est en ce sens que le BDP affirme dans sa demande que « l’importance de la compétence de la Cour ne réside pas seulement en l’article 19(1) mais s’incarne également dans le principe général de la compétence de la compétence »233.

227 Statut de Rome, article 42

228 CPI, Bureau du Procureur, op. cit., para. 55. 229 Statut de Rome, article 19(1)

230CPI, Chambre préliminaire II, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en