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Les conditions communes d’exercice de la compétence universelle en France et au Canada sont au nombre de deux : on y retrouve une exigence quant à la localisation du suspect (1) et quant à la nécessité d’un accord par le Procureur (2).

i. Une exigence commune quant à la localisation du suspect

L’exercice de la compétence universelle pour les crimes internationaux réprimés par le Statut de Rome est prévu à l’article 689-11 du CPP français, qui dispose en sa première partie que :

« Hors les cas prévus au sous-titre 1er du titre 1er du livre IV pour l’application de

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à Rome le 17 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle réside habituellement sur le territoire de la République, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :

1° Le crime de génocide défini au chapitre 1er du sous-titre 1er du titre 1er

du livre II du Code pénal ;

2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre 1er, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été

commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention précitée ;

3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention précitée »469.

Ainsi, l’exercice de la compétence universelle en France est conditionné à une résidence habituelle du suspect sur le territoire français. Cette exigence est plus élevée que les autres cas dans lesquels la compétence universelle peut s’exercer dans la mesure où l’article 689-1 du CPP, étudié précédemment, exige une simple présence de l’accusé sur le territoire français470. La résidence habituelle se définit comme la « fixation de manière

stable, effective et permanente de ses attaches familiales et de ses intérêts matériels dans un pays »471. Toujours selon Élise Le Gall, « il ne suffit donc pas qu’il séjourne

régulièrement dans ce pays ni qu’il y soit domicilié »472.

S’agissant de cette condition au Canada, au premier abord, elle semble plus souple que l’exigence française. Effectivement, l’article 8(b) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre prévoit que l’exercice de la compétence universelle est

469 Code de procédure pénale, article 689-11 470 Code de procédure pénale, article 689-1

471 Élise LE GALL, ACAT France, Dossier : la compétence universelle, une arme contre l’impunité, dans

Courrier de l’ACAT #328, 2015, https://www.acatfrance.fr/public/c328-int-web-dossier-comp-univ.pdf, page consultée le 8 mai 2019

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subordonné à la présence de l’accusé sur le territoire canadien après la commission de l’infraction473.

Cependant, en pratique, la réalité semble être toute autre. Dans l’affaire Finta474 mais

également Munyaneza475, les juges ont considéré que l’individu devait « résider » au

Canada pour que la compétence universelle puisse être exercée à son encontre et que généralement, les poursuites sur cette base ne sont menées qu’à l’encontre de personnes résidant au Canada, dont la présence est avérée constante476. A l’inverse, les poursuites

concernant des individus ayant quitté le territoire, soupçonnés de crimes pour lesquels la CU peut s’exercer, ne continueront pas et seront abandonnées477.

Or, ce n’est absolument pas le corps du texte puisque l’article 9(1) dispose que les poursuites peuvent avoir débuté alors même que l’individu n’est pas présent sur le sol canadien478. L’article 9(2) quant à lui dispose que la présence de l’accusé est requise à

son procès479. Ainsi, l’une des deux seules exigences pour que la compétence universelle

soit exercée est la présence de l’individu sur le territoire canadien après la commission de l’infraction480 et cette condition ne tient pas à sa présence au commencement des

poursuites. Peu importe qu’il ait ensuite quitté le territoire, le Canada demeurera compétent dès lors que sa présence aura été attestée sur son sol. Dans ce cas, le pays pourra réaliser une demande d’extradition, si toutes les conditions sont remplies, afin que ce dernier soit présent au procès481.

Ainsi, pour que la France puisse juger l’un des responsables des crimes commis envers les Rohingyas, ces derniers doivent établir leur résidence habituelle sur le sol français. Pour le Canada, en théorie, une simple présence suffirait à exercer la CU. Or, la pratique démontre autre chose, qui ne respecte pas la lettre de la loi.

. 473 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, (L.C. 2000, ch. 24), article 8(b) 474 Cour suprême, R. c. Finta, (1994) 1 RCS 701, 24 mars 1994

475 Cour supérieure, Chambre criminelle, R. c. Munyaneza, 2009 QCCS 2201, 22 mai 2009, para. 65 476 Fannie LAFONTAINE, Prosecuting genocide, crimes against humanity and war crimes in canadian

courts, Carswell, 2012, p. 55-56

477 Government of Canada, Canada’s war crimes Program, tenth annual report, 2006-2007,

http://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/wc-cg/wc-cg2007-eng.html, dans Fannie LAFONTAINE, op. cit., p. 54

478 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, (L.C. 2000, ch. 24), article 9(1) 479 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, (L.C. 2000, ch. 24), article 9(2) 480 Fannie LAFONTAINE, op. cit., p. 57-58

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La mobilité des principaux responsables des crimes commis à l’encontre des Rohingyas se doit d’être étudiée afin de voir si la France ou le Canada pourraient éventuellement exercer leur compétence universelle contre eux afin de les poursuivre et de les juger. Le rapport de Fortify Rights a comptabilisé pas moins de vingt-deux principaux responsables militaires dont trois très élevés hiérarchiquement qui, de par leurs fonctions, sont amenés à se déplacer hors du Myanmar482. On retrouve le Général Commandant en

chef de l’armée du Myanmar, Min Aung Hlaing, le vice Général Soe Win mais également le Chef d’État-major des armées, le général Mya Tun Oo483. Récemment, au mois d’avril

2019, le Général Min Aung Hlaing s’est déplacé en Chine484 avec qui le pays entretient

de fortes relations diplomatiques. Ils sont partenaires économiques, en ce sens, la Chine parle du Myanmar comme un « strategic partner country » et « an eternal friend »485. Il

s’est également déplacé quelques jours plus tôt en Russie, sur invitation du ministère de la Défense Russe afin de visiter un site d’aviation de l’armée russe486. Concernant le vice

général Soe Win, ce dernier s’est déplacé en Inde courant septembre 2018 pour participer à une réunion relative à la mise en place d’une coopération avec plusieurs pays frontaliers afin de lutter contre le terrorisme et les crimes transnationaux487. Une visite plus

importante, du point de vue de sa localisation, fut sa visite en Suisse, sur invitation du Ministre des Affaires étrangères. Ce dernier l’a invité avec sa délégation dans un but de « Résolution du différend » et a voulu lui faire savoir que le pays condamnait « les violences armées qui se sont produites au Rakhine »488. Finalement, le Chef d’État-major

des armées, Mya Tun Oo, s’est lui aussi rendu à l’étranger mais dans des pays frontaliers

482 Fortify Rights, op. cit., p. 14 483 Cf note 477.

484 The Diplomat, China, Myanmar Extol « Eternal » Frienship as Commander-in-Chief visits Beijing, 12

avril 2019, https://thediplomat.com/2019/04/china-myanmar-extol-eternal-friendship-as-commander-in- chief-visits-beijing/, page consultée le 29 mai 2019

485 Ibid.

486 The Global New Light of Myanmar, Senior General Min Aung Hlaing visits Russian aviation plant, 22

avril 2019, http://www.globalnewlightofmyanmar.com/senior-general-min-aung-hlaing-visits-russian- aviation-plant/, page consultée le 29 mai 2019

. 487 The Global New Light of Myanmar, Vice-Senior General Soe Win attends BIMSTEC Army Chiefs’

Conclave in Pune, India, 17 septembre 2018, http://www.globalnewlightofmyanmar.com/vice-senior- general-soe-win-attends-bimstec-army-chiefs-conclave-in-pune-india/, page consultée le 29 mai 2019

488 Justice Info, Généraux birmans en Suisse : une visité déplacée ?, 18 octobre 2017,

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au Myanmar et alliés de ce dernier, notamment d’un point de vue économique489, c’est le

cas de la Thaïlande, pays sur le territoire duquel il s’est rendu accompagné du General Min Aung Hlaing sur invitation du Chef des Forces Armées thaïlandaises490.

Ainsi, ces derniers semblent ne se rendre que dans des pays avec lesquels le Myanmar est allié économique. Cependant, ces derniers se sont rendus en Suisse après acceptation de l’invitation par le Ministère des Affaires étrangères. On peut se demander si une telle invitation de la part du Canada serait envisageable et mise en place ? Pour rappel, la compétence universelle canadienne peut s’exercer dès la présence de l’individu sur son territoire. Pour la France, l’hypothèse serait plus compliquée dans la mesure où une résidence habituelle est exigée. Une des hypothèses plausibles serait que ces derniers soient poursuivis au Myanmar (hypothèse fébrile quand on voit la place de l’armée au sein du gouvernement) et qu’ils se réfugient en France en s’y installant. C’est de cette manière que leur résidence en France peut devenir habituelle s’ils y établissent lieu de vie et que cette résidence soit constante et stable.

Cette condition d’une résidence habituelle en France, qui semble être la pratique au Canada (bien que soit exigée une présence) fut et fait toujours l’objet de nombreuses critiques notamment de la part de la doctrine. Didier Rebut a qualifié cette condition « d’obstacle insurmontable » à l’exercice de la CU491. Cela permettrait aux criminels

internationaux de pouvoir se « réfugier temporairement » en France, sans crainte d’éventuelles poursuites492 et permettrait ainsi de laisser passer sur le sol français, en toute

impunité, des personnalités politiques étrangères par exemple, qui auraient pris part et seraient responsables de crimes internationaux493. Marie Lugaz parle d’une « terre d’asile

pour les dictateurs » et qualifie cette condition de « contraire à l’esprit du Statut de

489 Bob RAE, Dites-leur que nous sommes humains, Ce que le Canada et le monde peuvent faire au sujet

de la crise des Rohingyas, 2018, https://international.gc.ca/world-

monde/assets/pdfs/rohingya_crisis_fra.pdf, page consultée le 15 mai 2019, p. 38

490 Senior General Min Aung Hlaing, Senior General Min Aung Hlaing concludes goodwill visit to

Thailand, 28 juin 2018, https://www.seniorgeneralminaunghlaing.com.mm/en/7589/senior-general-min- aung-hlaing-concludes-goodwill-visit-to-thailand/, page consultée le 29 mai 2019

491 Didier REBUT, Droit international pénal, Précis Dalloz, 2014, p. 117

492 Marie LUGAZ, La France va-t-elle enfin refuser de garantir l’impunité aux auteurs de crimes

internationaux ?, QuidJustitiae, 12 février 2013, http://www.quidjustitiae.ca/blogue/la-france-va-t-elle- enfin-refuser-de-garantir-limpunite-aux-auteurs-de-crimes-internationaux, pas consultée le 4 mai 2019

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Rome »494. En effet, la prévision de cette condition semble illustrer que les États

privilégient la diplomatie, les bonnes relations étatiques à la lutte contre l’impunité. La deuxième condition commune aux deux législations est relative à un accord du Procureur.

ii. Un accord du Procureur nécessaire dans les deux législations pour l’exercice de la compétence universelle

Pour pouvoir poursuivre et juger les auteurs de crimes internationaux en vertu de la CU, en plus de la condition relative à la localisation du suspect, les législations française et canadienne prévoient toutes deux une exigence relative à l’obtention d’un accord du Procureur.

L’article 689-11 du CPP français, en son deuxième volet, dispose que :

« La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du Procureur de la République antiterroriste »495.

Cette prévision d’un nécessaire accord de la part du Procureur prive, selon Renée Koering, les victimes de « leur légitime accès au juge répressif » et semble étonnante étant donnés les pouvoirs laissés aux victimes pour des infractions de droit commun496.

En effet, l’article 85 du CPP français leur permet en temps normal de mettre en mouvement l’action publique par une plainte avec constitution de partie civile adressée au doyen des juges d’instruction497.

Dans le cas des crimes internationaux et de la procédure prévue à 689-11, cela n’est pas possible. Le Conseil constitutionnel (CConstit) a d’ailleurs été saisi à ce sujet par des parlementaires et certaines ONG qui estimaient que subordonner le déclenchement de poursuites à une entité spécifique, en l’espèce le Procureur antiterroriste (avant 2019, le

494 Ibid.

495 Code de procédure pénale, article 689-11

496 Renée KOERING-JOULIN, 70 ans après Nuremberg. Juger le crime contre l’humanité, Ouvrage issu

du colloque organisé par la Cour de cassation, le 30 septembre 2016, 2017, p. 85

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ministère public avait ce monopole) violait le principe d’égalité devant la loi dans la mesure où la procédure était différente pour les infractions de droit commun. Cependant, le CConstit ne s’est pas positionné en ce sens et a rejeté cette demande en affirmant que cette différence de régime se justifiait par le caractère particulier, par la « nature différente » des crimes concernés par l’article 689-11498. Didier Rebut explique que cette

condition a été mise en place dans le but d’éviter que la justice française ne soit saisie systématiquement pour n’importe quelles infractions commises sur un territoire étranger, par des étrangers, au cours de conflits internationaux499.

S’agissant du Canada, l’article 9(3) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre dispose que :

« Les poursuites à l’égard des infractions visées aux articles 4 à 7 de la présente loi ou à l’article 354 ou au paragraphe 462.23(1) du Code Criminel à l’égard de biens ou de leur produit qui ont été obtenus ou qui proviennent directement ou indirectement de la perpétration d’une infraction prévue à la présente loi, sont subordonnées au consentement personnel écrit du procureur général du Canada ou du sous-procureur général du Canada et sont menées par le procureur général du Canada ou en son nom »500.

Ainsi, au Canada, un consentement personnel et écrit est exigé de la part du procureur général ou du sous-procureur général du Canada. Cette condition est justifiée par la volonté du Canada de vouloir garder un certain contrôle politique sur ces poursuites qui concernent des crimes à caractère international501. Ledit contrôle présente un caractère

politique dans la mesure où le procureur général du Canada est le Ministre de la justice502.

Ce consentement personnel écrit peut également être délivré par le sous-procureur général du Canada, mais il s’avère qu’en pratique, ce dernier afin de donner son aval, et dès lors que sa décision pourrait avoir des répercussions sur les relations internationales et diplomatiques du Canada, obtient un pré-consentement de la part du procureur général503.

498 Conseil Constitutionnel, Décision n°2010-612 DC, 5 août 2010, paras. 6-7 499 Didier REBUT, op. cit., para. 198, p. 119

500 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, (L.C. 2000, ch. 24), article 9(3) 501 Fannie LAFONTAINE, op. cit., p. 68

502 Ibid, p. 69 503 Ibid, p. 70

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Le procureur général dispose d’un pouvoir discrétionnaire sur la question. Deux critères, prévus par le Desbook504, sont censés aiguiller le procureur ou sous-procureur général

dans sa prise de décision : l’existence d’une « probabilité raisonnable de conviction » (en anglais « a reasonable prospect of conviction ») et la prise en compte de l’intérêt public (s’il y a suffisamment de justifications, de preuves pour « justifier de poursuites »)505.

Cette condition relative à l’obtention de l’accord du Procureur a fait l’objet de beaucoup de critiques, en ce sens qu’elle illustre l’immersion du pouvoir politique dans la lutte contre l’impunité506. En effet, un « dilemme » existe sur le plan international entre « la

souveraineté étatique qui est la base et le fondement du système internationale » et l’un des objectifs majeurs, essentiels de la justice internationale pénale, la lutte contre l’impunité507. Ce dilemme s’est illustré à de nombreuses reprises par exemple très

récemment, concernant la crise des Rohingyas.

En effet, une plainte a été déposée en Australie à l’encontre d’Aung San Suu Kyi, responsable hiérarchique, pour déportation et transfert forcé, constitutifs de crime contre l’humanité, conformément à l’article 268.11 et 268.15 du Code criminel australien508,

envers les Rohingyas. A l’identique du système canadien, pour exercer des poursuites sur la base de la compétence universelle, un accord de la part du Procureur général canadien est nécessaire et ce, conformément à l‘article 268.117 du Code criminel australien509. Ce

dernier est un « membre du cabinet ministériel fédéral qui exerce les fonctions de ministre de la justice », comme au Canada510. En l’espèce, le Procureur a décidé de ne pas

poursuivre Aung San Suu Kyi car selon lui, elle bénéficie d’une immunité. Cependant, même s’il n’y avait pas d’immunité, des poursuites seraient peu probables étant donné la volonté de la part du pays de se développer économiquement parlant, des poursuites

504 Public Prosecution Service of Canada, The federal Prosecution service deskbook, http://www.ppsc-

sppc.gc.ca/eng/fps-sfp/fpd/toc.html, section 15 dans Fannie LAFONTAINE, op. cit., p. 71

505 Ibid.

506 Camille LEFEBVRE et Madeleine DION-MORIN, L’exercice de la compétence universelle : l’échec

du cas d’Aung San Suu Kyi, dans Quidjustitiae, 19 novembre 2018,

http://www.quidjustitiae.ca/blogue/lexercice-de-la-competence-universelle-lechec-du-cas-daung-san-suu- kyi, page consultée le 20 mai 2019

507 Ibid.

508 Criminal Code act, articles 268.11 et 268.15, 1995 509 Criminal Code act, article 268.117, 1995

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constitueraient un obstacle à cela dans la mesure où elles terniraient les relations diplomatiques permettant ce développement511.

De plus, il s’agit ici d’un obstacle dans la mesure où, la décision du Procureur de ne pas donner suite à une affaire, par le recours au classement sans suite en France, n’est pas susceptible d’appel. Cette façon de faire contribue à considérer les crimes internationaux comme « les otages des prudences diplomatiques françaises »512.

Ainsi, cette ingérence du pouvoir politique dans la lutte contre l’impunité et particulièrement dans le cadre de poursuites en vertu de la compétence universelle, n’est pas nouvelle et s’est illustrée de différentes façons, pas seulement au niveau de l’accord nécessaire du Procureur, que ce soit en France ou en Espagne par exemple.

En France, l’affaire dite des « Disparus du Beach » a illustré cette immersion du pouvoir politique dans des affaires concernant des crimes internationaux. Au Congo-Brazzaville, en 1999, environ 350 personnes ont été arrêtées au port fluvial du Beach et n’ont jamais été retrouvées. Sur le fondement de la compétence universelle, une enquête fut ouverte pour torture, crime contre l’humanité et disparition forcée, conformément à 689-2 qui le permet sur la base de la convention de New York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants513. La loi de 2010 n’étant pas encore créée,

la solution était celle-ci. Un des auteurs présumés a été arrêté en France en 2004, M. Ndengue, mais fut relâché en pleine nuit et pris la fuite du pays. Marcel Touanga, le père d’une victime, a dénoncé cela en affirmant que les relations entre le Congo et la France avaient justifié de cet acte et que les magistrats avaient reçu l’ordre de « statuer sur ce cas à une heure du matin » et qu’environ une heure après, ces derniers décidaient de libérer M. Ndengue selon « soi-disant une immunité diplomatique fabriquée de toute pièce par l’ambassade »514. Toujours selon ce père de famille, le magistrat en charge de

l’instruction n‘en avait même pas été mis au courant et vers 4h, M. Ndengue « embarquait

511 Camille LEFEBVRE et Madeleine Dion-Morin, op. cit

512 Florence BELLIVIER et David CHILSTEIN, La difficile mise en œuvre d’une compétence pénale

universelle, Fondation Jean Jaurès, Thémis, Observatoire justice et sécurité, 16 janvier 2014, https://jean- jaures.org/sites/default/files/Note-5-Th%25C3%25A9mis-ObsJustice.pdf, page consultée le 30 mai 2019, p. 7

513 Élise LE GALL, ACAT France, Dossier : la compétence universelle, une arme contre l’impunité, dans