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En France, cette compétence est prévue dans le Code pénal, à l’article 113-2, en son alinéa 1, qui dispose que :

« La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République »379.

Ainsi, la seule condition requise est qu’une infraction se soit déroulée sur son territoire. Aucune condition quant à la nationalité de l’auteur de l’infraction n’est exigée par exemple. En effet, « la loi française, étant d’application territoriale, s’applique à toute infraction commise sur le territoire nationale, même par un étranger non résident en France »380. Aucune réciprocité d’incrimination n’est exigée non plus381, ni même un

jugement antérieurement rendu pour les mêmes faits382. Cette compétence a d’ailleurs

valeur constitutionnelle. Effectivement, dans une décision du 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel français a établi que la souveraineté nationale a une affirmation constitutionnelle et que « l’application seule de la loi française » est une condition d’exercice de ladite souveraineté383.

Au Canada, c’est également le principe de territorialité qui est le principal fondamental en la matière. Ainsi, le juge La Forest dans l’arrêt Libman c. La Reine le confirme puisqu’il affirme que « le fondement premier de la compétence en matière criminelle est territorial. Les raisons de cet état de choses sont évidentes. Les États ont ordinairement peu d'intérêt à interdire les activités qui ont lieu à l'étranger et ils sont, de même, réticents à s'attirer le mécontentement d'autres États en cherchant, de façon inconsidérée, à contrôler des activités qui se déroulent complètement à l'intérieur des frontières de ces autres États »384.

379 Code pénal français, article 113-2, alinéa 1

380 Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 mars 2000, n°97-80.916. 381 Cour de cassation, Chambre criminelle, 1er mars 2000, n°98-86.353.

382 Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 juin 2005, n° 05-81. 800. : « l’exception de chose jugée (…)

ne saurait faire obstacle à l’exercice de poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale française ».

383 Conseil Constitutionnel, Décision n°98-408 DC du 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour

pénale internationale, paras. 29-34.

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De plus, la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre prévoit que la compétence des tribunaux canadiens peut s’exercer pour les crimes qu’elles prévoient (génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre) lorsque l’infraction a été commise sur le territoire du Canada385.

Ainsi, la compétence primaire des juridictions françaises et canadiennes repose donc sur ce principe majeur qu’est la territorialité. Cependant, leur compétence trouvera également à s’exercer lorsqu’une infraction aura été commise à l’étranger mais, parce qu’elle comporte un lien de rattachement avec elle, pourra s’exercer.

II.La compétence personnelle des juridictions

Ainsi, comme vu précédemment, la compétence de principe, territoriale, est possible dès lors que l’infraction est commise sur le territoire national. Cependant, il est également possible que la compétence des juridictions s’exerce dès lors qu’une infraction a été commise à l’étranger mais que cette dernière comporte un lien de rattachement avec l’État en question. C’est ainsi que l’État est doté d’une réelle « aptitude à incriminer et juger des faits commis à l’extérieur de ses frontières »386.

Ce lien de rattachement est de deux ordres : si le ressortissant de l’État a commis une infraction à l’étranger, ledit État pourra exercer sa compétence, c’est ce que l’on appelle la compétence personnelle active. En revanche, si la victime d’une infraction commise à l’étranger est ressortissante de cet État, il pourra également exercer sa compétence à l’égard de l’infraction commise envers cette dernière, il s’agit de la compétence personnelle passive.

La Loi sur les crimes contre humanité et les crimes de guerre prévoit cette compétence personnelle. En effet, la compétence des juridictions canadiennes pourra s’exercer pour

385 Gouvernement du Canada, Le Canada et la Cour pénale internationale,

https://www.international.gc.ca/world-monde/international_relations-relations_internationales/icc- cpi/index.aspx?lang=fra, page consultée le 25 mai 2019

386 Anne-Marie LA ROSA, Dictionnaire de droit international pénal, Compétence personnelle active-

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des infractions commises à l’étranger (en l’espèce des crimes internationaux de génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre), si l’auteur des faits est canadien ou la victime canadienne387.

En France, cette compétence personnelle, applicable pour toutes les infractions, est prévue aux articles 113-6 et 113-7 du Code pénal388. Lorsqu’un ressortissant français

commet un crime à l’étranger, les juridictions françaises pourront exercer leur compétence sans autre condition389. S’il s’agit d’un délit, il devra faire l’objet d’une

réciprocité d’incrimination entre le droit français et celui du pays concerné, c’est une condition nécessaire390. Lorsque la victime d’un crime commis à l’étranger est française,

aucune réciprocité d’incrimination n’est requise. S’il s’agit d’un délit, une peine d’emprisonnement doit être prévue pour ledit délit par l’État sur le territoire duquel a été commise l’infraction391. Cette compétence permet à l’État, selon Anne-Marie La Rose

« d’atteindre ses ressortissants nationaux à l’extérieur de son territoire tout en respectant la souveraineté territoriale de ses pairs »392. En effet, cette compétence personnelle n’est

pas prioritaire. C’est-à-dire que c’est la loi du territoire sur lequel a été commise l’infraction qui a lieu de s’appliquer en priorité et ce, conformément à la souveraineté nationale de l’État concerné393.

Lorsque la compétence personnelle est active, c’est-à-dire qu’un ressortissant d’un pays a commis une infraction sur un territoire étranger, cette compétence illustre que les nationaux d’un État « font partie intégrante de l’exercice de sa souveraineté »394 car en

effet, l’État en question ou du moins ses juridictions, sont aptes à le poursuivre et juger alors même qu’il a commis une infraction sur le territoire d’un pays étranger.

La compétence personnelle passive, c’est-à-dire lorsqu’un ressortissant d’un État A a été la victime d’une infraction sur le territoire d’un État B, est relativement critiquée par la

387 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, (L.C. 2000, ch. 24), article 8(a). 388 Code pénal français, articles 113-6 et 113-7

389 Code pénal français, article 113-6

390 Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2015, n°14-84.985. 391 Code pénal français, article 113-7

392 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 6-8

393 Samuel DIMUENE PAKU DIASOLWA, L’exercice de la compétence universelle en droit pénal

international comme alternative aux limites inhérentes dans le système de la Cour pénale internationale, Mémoire de maîtrise, 2008, https://archipel.uqam.ca/1503/1/M10601.pdf, p. 36-37

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doctrine anglo-saxonne dans la mesure où selon elle, cette compétence est trop large et pourrait conduire à un « excès de juridiction » de la part de celles concernées395.

Cependant, Samuel Dimuene Paku Diasolwa précise dans son mémoire que cette compétence ne dérange pas cette doctrine qui la critiquait, lorsque sont mises en œuvre, sur sa base, des poursuites pour des crimes internationaux396.

Ainsi, l’exercice de ces compétences dépend de « l’ampleur » et du « niveau de lien » entre l’infraction et le pays concerné397.

Cependant, que se passe-t-il lorsqu’aucun lien n’existe mais que le pays veut exercer sa compétence ? Cela est-il possible ? La réponse est positive et nous amène ainsi à étudier le mécanisme de la compétence universelle.

III.La compétence universelle

Afin d’étudier ce mécanisme qu’est la compétence universelle, une définition ainsi qu’une brève étude de son apparition et du rôle qu’elle joue sur les plans internationaux seront étudiés (A). De plus, il semble nécessaire de souligner que cette compétence permet la mise en œuvre effective du principe de complémentarité, principe important notamment du point de vue du droit international pénal (B).

A. La compétence universelle : définition, apparition et rôle joué sur le plan