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Les poursuites et jugements en France sur la base de la CU n’ont pu être entreprises que par une volonté de la France de coopérer avec le Rwanda pour les crimes y ayant été commis au cours de l’année 1994, constitutifs de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Selon Olivier Leurent, concernant les crimes commis au Rwanda, « la CU s’est imposée aux magistrats et aux jurés composant la Cour de cassation comme une évidence, en tous les cas comme la seule réponse efficace possible pur éviter que la France ne devienne un sanctuaire de fugitifs »579. La France a ainsi prévu

l’exercice de sa CU par loi du 22 mai 1996580 dès lors que l’auteur présumé des crimes

commis au Rwanda était présent sur le territoire français au moment de l’ouverture d’une enquête581. Ainsi, les conditions étaient différentes de l’exercice de la CU actuel pour

lequel une résidence habituelle, entre autres, est requise.

Ainsi, seulement trois individus, Pascal Simbikangwa, Octavien Ngenzi et Tito Barahira ont pu être jugés sur la base de la CU prévue pour la coopération avec le Rwanda582.

579 Olivier LEURENT, 70 ans après Nuremberg. Juger le crime contre l’humanité, Ouvrage issu du

colloque organisé par la Cour de cassation le 30 septembre 2016, 2017, p. 155

580 Loi no 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la

résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit

international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'États voisins

581 Élise LE GALL, ACAT France, Dossier : la compétence universelle, une arme contre l’impunité, dans

Courrier de l’ACAT #328, 2015, https://www.acatfrance.fr/public/c328-int-web-dossier-comp-univ.pdf, page consultée le 8 mai 2019, p. 24

582 Institut des Hautes études sur la Justice, Les nouveaux horizons de la compétence universelle, 25

septembre 2017, https://ihej.org/programmes/justice-penale-internationale/les-nouveaux-horizons-de-la- competence-universelle/, page consultée le 31 mai 2019

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S’agissant de Pascal Simbikwanga, il fut arrêté à Mayotte (France), en 2008, pour des faits de fabrication de fausses cartes d’identité. Reconnu à la suite de son arrestation notamment car il était recherché par Interpol, une plainte est déposée à son encontre par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda583. C’est ainsi qu’une enquête fut ouverte

à son encontre et qu’il fut, le 1er mars 2013, poursuivi pour sa participation au génocide

rwandais et sa complicité dans la commission de crime contre l’humanité par le Procureur du pôle spécialisé dans la poursuite des crimes et délits de guerre et des crimes contre l’humanité au sein du Tribunal de grande instance de Paris584. Ce pôle est compétent pour

poursuivre ces crimes même s’ils ont été commis par un étranger à l’étranger, si ce dernier est présent ou réside habituellement en France585. Il fut inculpé le 29 mars 2013586.

Son procès, qualifié de « procès historique » et de « remède contre l’oubli » selon les avocats des victimes587, s’est ouvert le 14 février 2014. Pascal Simbikwanga fut

condamné à vingt-cinq ans de prison pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Ce dernier fit appel de cette décision mais sa condamnation fut validée en deuxième instance au mois de décembre 2016. Finalement, il forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 mai 2018, le condamnant définitivement pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité588.

La seconde affaire ayant donné lieu à application de la CU dans le cadre de la coopération de la France avec le Rwanda, pour les crimes commis en 1994, est celle concernant Octavien Ngenzi et Tito Barahira. Ces derniers ont été poursuivis par le pôle spécialisé dans la lutte contre les crimes contre l’humanité du TGI de Paris dans la mesure où ils étaient soupçonnés d’avoir participé au génocide commis au Rwanda et précisément, le 13 mai 1994, d’avoir massacré des centaines de tutsi dans une Église de Kbarondo589.

583 Centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles, La compétence universelle, En

France, Dossier électronique, https://competenceuniverselle.wordpress.com/en-france/, page consultée le 15 mai 2019

584 Ibid.

585 Ministère de la Justice, Crimes contre l’humanité : bilan du pôle du TGI de Paris, 17 octobre 2018,

http://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/crimes-contre-lhumanite-bilan-du-pole-du-tgi-de-paris- 31897.html, page consultée le 31 mai 2019

586 Cendre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles, op. cit.

587 RFI Afrique, génocide au Rwanda : la justice française confirme la condamnation de Pascal

Simbikangwa, 25 mai 2018, http://www.rfi.fr/afrique/20180525-genocide-rwanda-justice-francaise- confirme-condamnation-pascal-simbikangwa, page consultée le 8 mai 2019

588 Centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles, op. cit. 589 Ibid.

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En 2011, une plainte avait été déposée en France, à Mayotte, par le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda à l’encontre d’Octavien ayant constaté sa présence à Mayotte. S’en était suivie une arrestation et détention à Mayotte. Quelques années plus tard, c’est à Toulouse, en avril 2013, qu’est arrêté Tito Barahira, suite à une plainte déposée par the National Public Prosecution Authority du Rwanda et un mandat d’arrêt émis par ce pays590.

Les affaires concernant ces deux individus ont été jointes en 2012, la France n’ayant pas souhaité extrader M. Bahirara et décidant de ce fait de le juger elle-même. Au mois de mai 2014, les juges d’instruction français ont rendu « une ordonnance de mise en accusation » à l’encontre de ces derniers pour génocide et crimes contre l’humanité. Ces derniers firent appel de cette mise en accusation mais au mois de janvier 2015, la Cour de Cassation confirma cette accusation permettant ainsi le jugement de ces derniers591.

Leur procès s’est déroulé du 10 mai au 6 juillet 2016. Ils ont été condamnés à une peine de prison à perpétuité pour crimes de génocide et crime contre l’humanité. Ces derniers ont interjeté appel mais le verdict fut confirmé au mois de juillet 2018 en deuxième instance. En dernier recours, ils ont formé un pourvoi en cassation qui, à l’heure actuelle, n’a pas été examiné par la Cour de cassation592.

Ainsi, en France, seulement deux procès ont eu lieu sur la base de la CU. Selon Élise Le Gall, ces procès n’auraient pas eu lieu sans « une mobilisation des victimes et des associations »593. En effet, ces dernières « en se constituant partie civile directement

devant le juge d’instruction » ont permis l’ouverture d’enquêtes et de « passer outre le refus du Procureur d’initier de telles poursuites »594.

Quand bien même des poursuites ont été réalisées en France sur la base de la compétence universelle, elles ne l’étaient pas en application de l’actuel article 689-11 de sorte

590 Trial International, Tito Barahira, 18 avril 2016, modifié le 30 juillet 2018

https://trialinternational.org/fr/latest-post/tito-barahira/, page consultée le 8 mai 2019

591 Ibid.

592 Trial International, Pascal Simbikangwa, 27 avril 2016, modifié le 4 juillet 2018,

https://trialinternational.org/fr/latest-post/pascal-simbikangwa/, page consultée le 8 mai 2019

593 Elise LE GALL, op. cit., p. 25 594 Ibid.

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qu’aucune poursuite ni jugement, jusqu’à ce jour, n’ont été réalisés en vertu de cet article. Cela démontre bel et bien que ses conditions constituent un véritable obstacle pour sa mise en œuvre.