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La compétence universelle (CU), est un mécanisme procédural permettant l’exercice de la compétence d’une juridiction alors même que l’infraction concernée a été commise à l’étranger, par un étranger, envers des étrangers398. Ainsi, aucune condition n’est requise

quant à la nationalité de l’auteur ou des victimes, ni même relativement au lieu de commission des faits, à l’inverse du principe de territorialité et de la compétence personnelle étudiés précédemment. La seule exigence justifiant l’exercice de la CU est que les faits commis constituent « une série d’actes délictueux, dont la répression par tous

395 Samuel DIMUENE PAKU DIASOLWA, op. cit., p. 33 396 Ibid., p. 35

397 Steve COUGHLAN, Robert J. CURRIE, Hugh M. KINDRED, Teresa SCASSA, op. cit., p. 10 398 Comité international de la Croix-Rouge, Services consultatifs en droit international humanitaire, La

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les États est justifiée ou requise, dans l’intérêt de l’ordre public international, en raison de la gravité des crimes et de l’importance de leur répression aux yeux de la communauté internationale »399. Ainsi, le juge ici n’est plus, comme vu pour la compétence territoriale

et personnelle, l’expression de la souveraineté de l’État. Dans le cas de la CU, il agit au nom de la communauté internationale.

Son apparition et sa reconnaissance en droit international est assez récente. Cela s’est expliqué dans un premier temps par un « désintérêt » de la part des États à exercer leur compétence au-delà de leurs frontières400. Ces derniers étaient plus favorables, selon

Didier Rebut, à « une mise en avant du caractère strictement national du droit pénal »401.

Cependant, cette position radicale ne s’inscrivait pas dans la pensée d’une partie de la doctrine qui elle estimait que les États devaient pouvoir exercer leur compétence, même pour une infraction commise à l’étranger, en raison de sa gravité. Didier Rebut cite ainsi Grotius qui, dans Le droit de la guerre et de la paix, se montrait favorable à la reconnaissance d’une telle compétence en raison de l’existence de certaines infractions qui « violent à l’excès le droit de nature ou des gens à l’égard de qui que ce soit »402.

Ainsi, l’idée d’une compétence qui permettrait le dépassement des frontières lorsque des crimes graves ont été commis est devenue de plus en plus acceptée en droit international. Cela s’est justifié dans un premier temps car les États ont eu de plus en plus à cœur de combattre l’impunité mais également justifié par l’émergence d’infractions à caractère transnational403, à savoir, des infractions qui impliquent plusieurs États404. La CU

représentait ainsi un mécanisme permettant, « de servir la communauté internationale »405

en combattant l’impunité de crimes internationaux graves.

Cette CU semblerait pouvoir s’appliquer de deux manières : soit de « manière absolue » et dans ce cas, aucune condition n’est requise quant à l’exercice de cette compétence de

399 Comité international de la Croix-Rouge, Services consultatifs en droit international humanitaire,

op.cit.

400 Didier REBUT, Droit international, Précis Dalloz, 2014, p. 163 401Ibid.

402 Hugo GROTIUS, Le Droit de la guerre et de la paix, 1625, Livre II, Chapitre XX, para. XL. 403 Christine LAROQUE, ACAT France, La compétence universelle, une arme contre l’impunité,

Courrier de l’ACAT, 2015, http://www.acatfrance.fr/public/c328-int-web-dossier-comp-univ.pdf, page consultée le 14 mai 2019, p. 40

404Dictionnaire Larousse en ligne, définition

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/transnational_transnationale_transnationaux/79190

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sorte que l’État peut l’exercer librement, soit « in abstentia » avec, dans ce cas, des conditions à respecter pour l’exercice de cette compétence406. Un exemple de cet exercice

de la CU, de manière absolue, s’est illustré à travers la demande d’extradition réalisée par l’Espagne, à la Grande-Bretagne pour la remise d’Auguste Pinochet, il s’agissait de la « première fois qu’un ancien chef d’État était arrêté sur la base du principe de compétence universelle »407.

Ainsi, c’est principalement à partir de la création des tribunaux militaires de Nuremberg et Tokyo que la CU s’est fait une véritable place en droit international408. Son

développement, à compter desdits tribunaux, ne s’est pas arrêté et a continué avec la création de multiples conventions internationales relatives à des infractions déterminées et exigeant de la part des États, un exercice de leur compétence pour des faits commis par sur un autre État par des étrangers. En effet, certains d’entre elles prévoyaient au sein de leurs dispositions l’application de la CU409 comme par exemple la Convention des

Nations Unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants410.

Cette reconnaissance de la CU s’est également poursuivie au sein des tribunaux internationaux pénaux ad hoc. Par exemple, le TPIY, dans l’affaire Le Procureur c. Anto Furundjiza a affirmé que « les crimes internationaux étant universellement condamnés quel que soit l’endroit où ils ont été commis, chaque État a le droit de poursuivre et de punir les auteurs de ces crimes. Comme le dit de façon général la Cour suprême d’Israël dans l’affaire Eichmann, de la même façon qu’une juridiction des États-Unis dans l’affaire Demjaniuk, c’est le caractère universel des crimes en question (c’est-à-dire

406 Sébastien MARMIN, Le nettoyage ethnique, Aspects de droit international, L’Harmattan, 2014, p. 214 407 Amnesty international, L’arrestation du général Pinochet : un événement qui a changé le sens de la

justice, 16 octobre 2013, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2013/10/how-general-pinochets- detention-changed-meaning-justice/, page consultée le 25 mai 2019

408 Catherine MALÉCOT, Bulletin de l’ACAT Canada, à propos du dossier : la compétence universelle,

un rempart contre l’impunité, mai 2016, http://www.cnd-

m.org/article/uploads/activite/2016/pdf/Avril/Bulletin+ACAT+2016+mai+v7=n4.pdf, page consultée le 15 mai 2019

409 Christine LAROQUE, op. cit., p. 40

410 Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

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internationaux) qui confère à chaque État le pouvoir de traduire en justice et de punir ceux qui en ont pris part »411.

Finalement, le Statut de Rome, signé le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet

2002 constitue le point d’orgue concernant la reconnaissance de la CU. En effet, à travers le principe de complémentarité, le Statut permet la mise en œuvre par les États qui seraient compétents de la CU et ce, prioritairement à la compétence de la Cour pénale internationale.

B. Une mise en œuvre effective du principe de complémentarité de la CPI à travers