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L’influence de la perception du diabe te sur le contro le me tabolique et la qualite de vie des adolescents a e te mise en e vidence a de nombreuses reprises dans la litte rature (voir Chapitre 3. Partie II). De plus, quelques e tudes se sont inte resse es a la qualite de vie des parents et a l’influence sur celle-ci de la perception qu’ils ont de la maladie de leur enfant (voir Chapitre 3. Partie II). Aujourd’hui, de plus en plus de recherches portent sur les interactions entre la perception de la maladie par le patient et son entourage et leurs conse quences individuelles et familiales. Les auteurs s’accordent en effet sur l’ide e que le ve cu du patient est de pendant de celui de son entourage, et que les croyances des proches sur la maladie doivent e tre prises en compte pour comprendre l’ajustement du patient a celle-ci. Malgre cela, les premie res e tudes portant sur ces questions soulignent que la compre hension de leurs influences sur l’expe rience de maladie du patient reste complexe et en questionnement (voir Chapitre 3. Partie III).

A cet e gard, Villani et collaborateurs (2013) offrent une perspective inte ressante, en proposant de porter le regard sur les interactions entre les croyances du patient et de ses proches sur la maladie. Dans cet article, ces auteurs relatent, au travers d’une illustration clinique, le travail the rapeutique mene dans l’accompagnement d’un couple dont la femme a eu un cancer du sein. Pour ce couple, la fin des traitements de chimiothe rapie est marque e par de nombreux conflits, inexistants avant et pendant la maladie, associe s a une violence verbale. Notamment, le couple ne parvient pas a se mettre d’accord sur les projets de « l’apre s cancer ». Nicolas, le mari, souhaite reprendre les projets envisage s avant la survenue de la maladie, a savoir, partir vivre a l’e tranger ; alors qu’Estelle, l’e pouse, jugeant son e tat de sante toujours instable, notamment a cause du traitement oral, tre s cou teux et difficilement accessible, qu’elle doit de sormais prendre a vie, estime ce projet aujourd’hui trop complique . Le travail psychologique mis en œuvre par le couple leur permettra d’identifier la repre sentation que l’autre a de la maladie, et ainsi d’appre hender leur façon respective de percevoir « la gue rison ». En effet, pour le mari la gue rison lui paraissait totale et de finitive, tandis qu'elle n'e tait « qu'en suspend » pour la femme. « Les deux premières

séances leur permettent d’identifier que leurs visions respectives de la maladie sont décalées et que celles-ci sont à l’origine de leurs conflits actuels » (Villani et al. 2013, p. 483). En effet, cette

divergence de point de vue est susceptible d’expliquer les conflits rencontre s par le couple lorsqu’ils ont e te en situation de de cider de ce qu’ils souhaitaient faire pour leur projet de vie dans la phase de « l’apre s cancer ».

Cette illustration clinique permet de mettre en e vidence que les difficulte s rencontre es par ce couple peuvent, certes, s’expliquer par la divergence de perception mais e galement par la me connaissance du point de vue de l’autre. C’est pourquoi, Villani et collaborateurs (2013) insistent sur la ne cessite de « l’identification d’une représentation décalée », sans quoi l’origine du conflit pourrait rester me connue et le rendre difficilement surmontable. La ne cessite de cette « identification d’une repre sentation de cale e » sugge re qu’elle n’est pas spontane e et que les individus n’e valuent pas toujours correctement les croyances qu’ont leurs proches sur la maladie. Cette question doit donc e tre interroge e et ses conse quences e tudie es.

Les e tudes sur la perception dyadique de la maladie e tant initialement centre es sur la relation patient(e)-conjoint(e), cette premie re observation s’y rapporte directement. La question de l’influence de la perception par une approche dyadique dans le couple a e te pre ce demment aborde e et nous avons conclu, a l’instar des auteurs qui s’y sont inte resse s, a la ne cessite de poursuivre les recherches afin de mieux comprendre comment et pourquoi la perception des proches influence l’ajustement des patients (voir Chapitre 3. Partie III). Cette question trouve e galement un inte re t grandissant dans la recherche en milieu pe diatrique (voir Chapitre 3. Partie III) et les re sultats suscitent une interrogation similaire. En effet, deux recherches ont e tudie les liens entre la perception du diabe te par les adolescents qui en sont atteints et leur me re. Pourtant ces travaux n’ont pas permis de mettre en e vidence l’influence de la perception des me res sur la qualite de vie des adolescents (Law, 2002 ; Olsen et al., 2008). Ceci invite a se demander si les adolescents ne sont pas influence s par la perception de leur me re parce qu’ils ne l’identifient pas correctement ? Dans ce contexte, les re flexions sur la ne cessite de « l’identification d’une repre sentation de cale e » paraissent e galement pertinentes dans le cadre de la maladie chronique pe diatrique et impliquent des questionnements qui, pour notre recherche, peuvent se traduire en ces termes : les adolescents identifient-ils correctement la perception du diabe te qu’ont leurs

parents ? De me me, les parents e valuent-ils correctement la perception de la maladie de leur enfant ?

Aussi, suivant une de marche re flexive similaire a celle ope re e par Leventhal et collaborateurs (1980) lorsqu’ils ont de veloppe leur mode le, nous proposons que la perception que chacun a de la maladie puisse faire l’objet d’une interpre tation par les proches. De plus, nous supposons que c’est de cette interpre tation que re sulte l’influence des proches sur l’ajustement des patients. En effet, comme cela a e te pre sente dans un pre ce dent chapitre, Leventhal et collaborateurs (1980) ont observe qu’un stimulus menaçant en lui-me me n’influençait pas le comportement et les attitudes d’un sujet, mais que celui-ci faisait l’objet d’une interpre tation qui, elle, les influençait (voir Chapitre 3. Partie I). Cette hypothe se trouve un e cho au regard de la the orie de la perception interpersonnelle de Kenny (1994) (voir Chapitre 3. Partie III) et dans une e tude re cente re alise e aupre s d’adolescents ayant un trouble autistique qui y fait directement re fe rence (Locke & Mitchell, 2016). Dans cette dernie re, les auteurs ont, en effet, mis en e vidence un e cart entre la perception des parents sur les capacite s interpersonnelles de l’adolescent et ce que les adolescents imaginent e tre la perception de leurs parents sur celles-ci (Locke & Mitchell, 2016). Si dans leur e tude, les auteurs soulignent les difficulte s me tacognitives de leur population, qui sont notamment a l’origine de leur hypothe se de recherche, la me thodologie qu’ils proposent, au travers de l’analyse des e carts entre les diffe rents types de perception de crits par Kenny (1994), paraî t e galement inte ressante dans une population ne pre sentant pas ces difficulte s. En effet, Kenny (1988, 1994) sugge re l’existence de potentiels e carts entre la façon dont un individu se perçoit, la façon dont il est re ellement perçu, et la façon dont il pense e tre perçu.

Nous souhaitons transposer ces observations a l’e tude de la perception de la maladie dans la famille. Les e tudes sur la perception interpersonnelle de Kenny font re fe rence a la perception que l’on a des caracte ristiques, des traits de la personnalite de quelqu’un, et donc aux croyances et aux connaissances qu’un individu a a propos de lui-me me et des autres a ce sujet. Or, dans le Chapitre 3, nous nous sommes attache s a mettre en e vidence que la maladie est, elle aussi, un objet sur lequel le patient et ses proches ont des connaissances et de veloppent des croyances. A ce titre, nous supposons que la maladie peut e galement e tre e tudie e par le prisme de la perception interpersonnelle et notamment de la me ta-perception. Dans ce contexte, la perception de la maladie pourrait alors faire l’objet, a l’instar de ce qui a e te fait dans l’e tude de Locke et Mitchell

(2016), de trois types de perception : 1) la perception que le patient a de sa maladie, 2) la perception que ses proches ont de la maladie, et 3) la perception que le patient pense e tre la perception de ses proches sur sa maladie. En d’autres termes, nous nous inte ressons non pas a la façon dont l’adolescent se perçoit, est perçu par ses parents ou pense e tre perçu par ses parents (qui renvoie a l’e tude des caracte ristiques, des traits de personnalite d’un individu), mais a la façon dont il perçoit son diabe te, dont ses parents perçoivent son diabe te et dont il pense que son diabe te est perçu par ses parents. La perception des parents sur le diabe te de leur enfant serait donc appre hende e de deux manie res : la perception que les parents ont du diabe te de leur enfant et ce que les adolescents imaginent e tre la perception de leurs parents sur le diabe te. De façon similaire, nous nous inte ressons a la perception que les adolescents ont de leur diabe te et a la perception que les parents pensent e tre celle de leur enfant sur le diabe te. Ainsi, nous proposons une nouvelle de marche me thodologique pour l’e tude de la perception des proches et la compre hension de ses influences.

Dans ce cadre, les deux objectifs principaux de cette thèse sont :

(1) Mettre en e vidence les e carts potentiels entre la perception du diabe te de l’adolescent

et de ses parents (que nous appellons perception de la maladie auto-évaluée) et la perception qu’ils peuvent mutuellement s’attribuer (que nous appellons perception de la maladie hétéro-évaluée).

(2) Appliquer le Mode le du sens commun des repre sentations de la maladie (Leventhal et al., 1980) dans une perspective dyadique, en inte grant les diffe rents niveaux d’e valuation de la

perception de la maladie (auto- et hétéro-évaluée), afin de mieux comprendre les de terminants psychosociaux du contro le me tabolique des adolescents ayant un diabe te de type 1, de leur qualite de vie et de celle de leurs parents.

Afin de répondre à ces deux objectifs nous avons développé trois axes de recherche. Le premier axe de recherche (Chapitre 5 – E tude 1, et Chapitre 6 - E tude 2A/B/C) s’inscrit

dans une de marche exploratoire. Il vise, d’une part, a identifier les e carts potentiels entre la perception du diabe te auto- et hétéro-évaluée par les adolescents et leurs parents ; et, d’autre part, a mettre en e vidence leurs liens avec le contro le me tabolique des adolescents, leur qualite de vie et celle de leurs parents.

Ainsi, dans une premie re e tude (Chapitre 5), nous avons recueilli la perception du diabe te

auto-évaluée par les adolescents et leurs parents, ainsi que la perception des parents sur le diabe te

de leur enfant, hétéro-évaluée par les adolescents. Nous avons tout d’abord cherche a mettre en e vidence la pre sence, ou l’absence, d’e carts entre ces trois mesures de la perception de la maladie (Chapitre 5 – E tude 1 – Partie II). Puis, nous nous sommes attache s a identifier les dimensions de la perception de la maladie, selon ces trois niveaux de mesures, qui ont une influence sur la qualite de vie des adolescents d’une part (Chapitre 5 – E tude 1 – Partie III) et leur contro le me tabolique d’autre part (Chapitre 5 – E tude 1 – Partie IV).

Dans un second temps et dans une deuxie me e tude, en suivant une de marche analogue a celle mise en place pour les adolescents, nous avons recueilli pour les parents, la perception du diabe te par les adolescents et leurs parents auto-évaluée, et la perception du diabe te par les adolescents hétéro-évaluée par les parents. De nouveau, la pre sence d’e carts potentiels entre les diffe rentes mesures de la perception de la maladie par les parents (auto-évaluée) et les adolescents (auto- et hétéro-évaluée) a e te e tudie e (Chapitre 6 – E tude 2 – Partie I). Puis, une e tude comparative de la perception de la maladie et de la qualite de vie des me res et des pe res a e te re alise e (Chapitre 6 - E tude 2A – Partie II.A). Enfin, les dimensions de la perception de la maladie, aux diffe rents niveaux de mesure, susceptibles d’influencer la qualite de vie des me res (Chapitre 6 – E tude 2B – Partie II.B) et des pe res (Chapitre 6 – E tude 2C – Partie II.C) ont e te recherche es. Dans ce chapitre, les donne es recueillies pour les me res et les pe res ont e te disctinctement analyse es.

Le deuxième axe de recherche (Chapitre 6 - E tude 2D) s’inscrit dans la continuite du

premier axe et vise a re pondre a une limite souleve e dans le pre ce dent chapitre (voir Chapitre 3. Partie III). En effet, la litte rature e voque e pre ce demment (Law, 2002 ; Olsen et al., 2008) n’interroge que la perception des me res et non celle des deux parents. Les perceptions des me res et des pe res (auto- et hétéro-évaluée) et leurs impacts sur l’ajustement des adolescents doivent e tre distinctement e tudie es. Cette distinction apparaî t ne cessaire car, me me si le DT1 est de crit comme une « maladie familiale » (Williams, Laffel, & Hood, 2009), la gestion du diabe te reste principalement a la charge des me res (Dashiff et al., 2008b ; Houdan, 2006 ; O zyaziciog lu et al., 2017 ; Sullivan-Bolyai et al., 2003). Or, l’expe rience de la maladie est l’un des de terminants de la perception de celle-ci (Diefenbach & Leventhal, 1996 ; Leventhal et al., 1980), et les adolescents

ont plus le sentiment de partager le stress provoque par la gestion du diabe te avec leur me re qu’avec leur pe re (Berg et al., 2009). Aussi nous avons suppose que les adolescents pouvaient interpre ter diffe remment la perception de leurs deux parents. Ce deuxie me axe de recherche s’inscrit alors dans une de marche hypothe tico-de ductive. Tout d’abord, nous avons fait l’hypothe se que les adolescents proce dent a des he te ro-e valuations diffe rentes pour leur me re et pour leur pe re. En outre, au vu des observations qui viennent d’e tre souligne es, nous avons suppose que les me res devraient avoir plus d’influence sur la qualite de vie des adolescents. Ainsi, nous avons fait l’hypothe se que la perception des me res he te ro-e value es par les adolescents aurait plus d’influence sur la qualite de vie des adolescents que les perceptions des pe res he te ro-e valuro-e ro-es.

Le troisième axe de recherche (Chapitre 7 - E tude 3) a pour objectif de rendre compte de

l’influence du fonctionnement familial sur le lien entre la perception de la maladie (des adolescents auto et des parents hétéro évaluée) et la qualite de vie des adolescents. L’impact de la perception de la maladie et du fonctionnement familial sur l’ajustement des adolescents a de ja e te e tabli (voir Chapitre 2. Partie I et II ; et Chapitre 3. Partie II). Nous avons donc cherche a comprendre l’influence de la perception du diabe te (des adolescents auto-évaluée – la perception que les adolescents ont de leur diabe te - et des parents hétéro-évaluée – la perception que les adolescents imaginent e tre celle de leurs parents sur le diabe te), sur la qualite de vie des adolescents au regard de la gestion familiale du diabe te. Cette troisie me e tude s’inscrit dans une de marche qualitative et exploratoire qui vise a appre hender le ve cu subjectif des adolescents pour comprendre leur expe rience singulie re du diabe te et leur manie re personnelle d’aborder le fonctionnement familial et ses conse quences. Dans un premier temps, nous avons cherche a appre hender les indicateurs e voque s par les adolescents pour expliquer les he te ro-e valuations qu’ils font pour leurs parents (sur les dimensions dont le ro le a e te pre ce demment mis en e vidence) (Chapitre 7 - E tude 3 – Partie II). Puis, au travers de l’analyse de contenu des entretiens qui ont e te re alise s, nous avons tente de comprendre le ro le du fonctionnement familial dans les liens entre la perception de la maladie (auto- et hétéro-évaluée) et la qualite de vie des adolescents ayant un DT1 (Chapitre 7 - E tude 3 – Partie III).

Ce travail de the se s’inscrit dans la continuite des recherches sur la perception dyadique de la maladie chronique, tout en apportant une nouvelle façon de l’appre hender et d’en mesurer les

conse quences sur la qualite de vie des adolescents et de leurs parents, ainsi que sur le contro le me tabolique des jeunes malades. De manie re plus ge ne rale, au travers de cette approche impliquant l’adolescent et ses deux parents, nous souhaitons mettre en e vidence que la perception de la maladie des adolescents et de leurs parents, et leurs interactions, influence l’adaptation individuelle et familiale a la maladie chronique. L’ensemble des re sultats sera finalement discute au regard de la the orie de la perception interpersonnelle de Kenny (1994), et plus particulie rement de la me ta-perception, et en vue de formuler de nouvelles pistes de recherche et des pre conisations en termes de prise en charge.

Chapitre 5.

E TUDE 1 – Auto- et he te ro-e valuation de la