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Partie III – La perception de la maladie : approche dyadique

1. Influence de la perception de la maladie : approche dyadique patient-conjoint

L’influence de la perception de la maladie sur l’ajustement dans la dyade patient-conjoint a e te e tudie e avec plusieurs approches. Nous allons, dans un premier temps, de tailler les re sultats de ces e tudes, puis en proposer une synthe se.

Tout d’abord, certains auteurs ont e tudie l’influence directe de la perception des conjoints sur l’ajustement des patients. Weinman, Petrie, Sharpe et Walker (2000) se sont focalise s sur l’influence des causes attribue es a l’infarctus du myocarde par le patient et son conjoint sur l’observance du patient. Ils ont, d’une part, observe un impact des croyances personnelles du

patient : les patients qui pensent que leur infarctus est lie a de mauvaises habitudes de sante sont

ceux qui sont le plus susceptibles de changer de re gime alimentaire. D’autre part, ils ont e galement mis en e vidence l’influence des croyances de leur partenaire : la croyance du conjoint en un manque d’exercice comme cause de la maladie est corre le e positivement et significativement a une augmentation du niveau d’exercice du patient. Dans une e tude re alise e aupre s d’adultes atteints de diabe te de type 2, Dimitraki et Karademas (2014) se sont inte resse s a l’impact des croyances du patient et de son conjoint sur le bien-e tre. Ils ont spe cifiquement examine deux dimensions (conséquences et chronologie) a travers une analyse dyadique re alise e a l’aide de l’Actor-Partner Interdependence Model (Kashy & Kenny, 1999 ; Kenny, 1996). Ils ont observe des

effets acteurs sur le patient (par exemple, plus le patient perçoit son diabe te comme chronique et

cyclique, moins son bien-e tre est important) et sur le conjoint (plus le conjoint perçoit la maladie comme ayant des conse quences importantes et comme e tant cyclique, plus ses scores de

de pression sont e leve s). Ces auteurs ont e galement mis en e vidence des effets partenaires sur le

bien-être du patient (par exemple, plus le conjoint perçoit la maladie comme cyclique, et moins le

patient pre sente un bien-e tre physique), sans toutefois observer d’effet partenaire sur le bien-être

du conjoint. Sterba et DeVellis (2009) ont, eux aussi, observe un impact de la perception du

conjoint sur l’ajustement psychologique des femmes atteintes de polyarthrite rhumatoî de (plus leur mari perçoit de fortes conse quences de la maladie et a de fortes repre sentations e motionnelles ne gatives et moins elles ont un ajustement psychologique positif). Enfin, Searle, Norman, Thompson et Vedhara (2007), dans une e tude re alise e aupre s de patients atteints de diabe te de type 2, concluent au ro le de me diateur partiel de la perception du conjoint dans l’impact de la perception du patient sur son observance (re gime alimentaire, activite physique, traitement me dicamenteux).

Aussi, ces e tudes mettent en e vidence l’importance des perceptions du conjoint en soulignant l’influence de celles-ci sur leur ajustement et sur celui du patient.

D’autres auteurs ont appre hende la perception des conjoints en termes de similitude ou de divergence avec la perception du patient. Figueiras et Weinman (2003) ont re alise une e tude aupre s de patients qui ont eu un infarctus du myocarde et de leur conjoint. Leurs re sultats font apparaî tre trois types de fonctionnement dyadique : des perceptions similaires et positives, des perceptions similaires et ne gatives, et enfin des perceptions conflictuelles (non similaires). Conforme ment a leurs attentes, les patients partageant avec leur conjoint des perceptions similaires et positives rapportent un meilleur fonctionnement physique, psychologique et sexuel, moins d’impact sur leurs activite s sociales et de loisirs, et pre sentent les meilleurs changements en termes d’alimentation. Ces re sultats sont observe s inde pendamment du fonctionnement marital. De plus, conforme ment a ce qui e tait attendu, les couples qui pre sentent des perceptions similaires ne gatives sont ceux au sein desquels les patients rapportent le plus de difficulte s sur les e le ments pre ce demment pre sente s. Par ailleurs, une e tude similaire a e te re alise e aupre s de patients souffrant de polyarthrite rhumatoî de (Sterba et al., 2008). Dans celle-ci, les auteurs ont e galement mis en e vidence que dans les couples au sein desquels les deux conjoints partagent une perception similaire et positive de la maladie (sur les dimensions contrôle personnel, conséquences et cohérence), les patients ont un meilleur ajustement psychologique, comparativement a ceux partageant, au sein de leur couple, une perception similaire et ne gative sur ces me mes dimensions.

En revanche, et pour revenir a l’e tude de Figueiras et Weinman (2003), notons que ces auteurs ont observe un re sultat inattendu. En effet, l’impact sur le patient dans les couples aux perceptions conflictuelles est comparable a celui observe pour les couples aux perceptions similaires positives. Les auteurs invitent alors a rechercher, dans d’autres e tudes, les explications possibles de ce re sultat, ce qu’ils ne peuvent pas faire compte-tenu du nombre trop faible de couples pre sentant ce profil dans leur e tude.

L’analyse des re sultats de l’e tude d’Heijmans, De Ridder et Bensing (1999) apportent a ce propos des re flexions inte ressantes. Ils ont aborde le ro le de la perception des proches en termes de maximisation (perception plus ne gative du conjoint) ou de minimisation (perception plus positive du conjoint) de la maladie. Leur e tude inclut des patients atteints de la Maladie d’Addison7

d’une part et du Syndrome de fatigue chronique8 d’autre part. De manie re ge ne rale, leurs re sultats mettent en e vidence que, dans le cas de la Maladie d’Addison, la dissimilitude est fortement associe e a l’ajustement des patients. Quand les conjoints ont une vision plus ne gative (maximisation) du nombre de sympto mes, de la dure e de la maladie et des conse quences, les patients pre sentent des scores plus e leve s de bien-e tre. En revanche, dans le cas du Syndrome de fatigue chronique, la dissimilitude, quel que soit son sens, n’est que faiblement associe e a l’ajustement des patients. Finalement, Heijmans et collaborateurs (1999) concluent a une influence de la perception des proches, bien qu’ils soulignent que celle-ci reste relativement faible, et que les dimensions de la perception de la maladie implique es dans ces liens diffe rent selon les types de maladie. De plus, ces auteurs rapportent des re sultats non conformes a leurs attentes, et qui vont plus particulie rement retenir notre attention pour proposer une piste d’interpre tation aux re sultats de Figueiras et Weinman (2003). En effet, Heijmans et collaborateurs supposaient qu’une perception plus ne gative de la maladie par les conjoints (maximisation) serait associe e a un ajustement plus ne gatif des patients. Or, ils constatent que c’est une perception plus positive de la maladie par les conjoints (minimisation) qui est associe e a un ajustement plus ne gatif des patients. Ils sugge rent alors que cette minimisation serait associe e, pour le patient, a un sentiment de ne pas e tre pris au se rieux et de ne pas recevoir une aide suffisante, ce qui expliquerait leur

7 La Maladie d’Addison est une maladie rare, qui touche les glandes surre nales qui ne produisent alors pas la quantite

d’hormone suffisante a l’organisme.

ajustement ne gatif. Ces re sultats sugge rent que pour comprendre l’influence de la perception des conjoints sur l’ajustement des patients il est important de s’inte resser au sens qui lui est attribue e par le patient.

Il apparaî t e galement inte ressant de se pencher sur les conse quences de la perception du conjoint sur la gestion de la maladie dans le couple. Sterba et DeVellis (2009) ont souligne , dans une e tude re alise e aupre s de femmes souffrant de polyarthrite rhumatoî de, que plus leur mari perçoit un contro le possible de la maladie, plus celles-ci perçoivent un soutien important de leur part. Par ailleurs, Benyamini, Medalion et Garfinkel (2007) dans une e tude re alise e aupre s de patient ayant une maladie cardiaque, ont, quant a eux, mis en e vidence que le manque de soutien perçu par le patient est observe dans les couples ou les patients perçoivent la maladie comme chronique tandis que leur conjoint la perçoit comme plus aigue (divergence), et dans les couples ou les deux partenaires partagent l’ide e que la maladie a e te cause e par le style de vie du patient (similitude). Ainsi, nous pouvons supposer que ce n’est pas tant la divergence ou la similitude en elle-me me qui influence le soutien perçu par le patient, mais leurs conse quences sur la gestion de la maladie dans le couple.

En re sume , l’influence de la perception des conjoints sur l’ajustement des patients peut e tre appre hende e de diffe rentes façons : e tude de son influence directe, des similitudes ou des divergences avec la perception du patient, et de la polarite de la divergence avec la perception du patient. De façon ge ne rale, les e tudes montrent une influence sur le patient tant sur son

fonctionnement physique et social (Heijmans et al., 1999), son fonctionnement sexuel et ses activités quotidiennes (Figueiras & Weinman, 2003), son activité physique, son régime alimentaire et sa consommation d’alcool (Searle et al., 2007 ; Weinman et al., 2000), sur le soutien perçu (Benyamini et al., 2007 ; Sterba & DeVellis, 2009), ainsi que sur son ajustement psychologique (Dimitraki &

Karamedas, 2014 ; Sterba & DeVellis, 2009). Toutefois, ces me mes auteurs nuancent leurs re sultats en pre cisant que ces effets diffe rent selon le type de maladie (Heijmans et al., 1999), et que l’impact de la perception du conjoint ne serait parfois que faible (Heijmans et al., 1999 ; Weinman et al., 2000). De plus, il apparaî t que l’influence de la perception du conjoint sur l’ajustement du patient de pende du sens qui lui est donne par ce dernier et de ses conse quences sur la gestion de la maladie dans le couple. Finalement, d’autres e tudes sont ne cessaires pour comprendre comment et pourquoi la perception du conjoint influence l’ajustement du patient.

Ces premie res e tudes re alise es aupre s de couples te moignent de la diversite des re sultats et des approches utilise es pour l’e tude de la perception de la maladie par le patient et ses proches.

Malgre les limites souleve es (diversite des dimensions implique es, re sultats diffe rents selon les pathologies, liens parfois faibles) ces recherches soulignent l’inte re t pour cette question et invitent a poursuivre les e tudes pour comprendre le ro le de la perception des proches sur l’ajustement des patients. Dans le contexte de la maladie chronique pe diatrique, l’influence de la perception des parents sur l’ajustement de leur enfant a elle aussi e te e tudie e, bien que moins fre quemment.