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CONSTRUIRE UN RÉEL DE TERRAIN : ACTUALISME ET TRACES GÉOLOGIQUES

2.1.2 Problématiser le réel de terrain

Introduction

Construire le réel de terrain ne peut se faire qu’au sein d’un questionnement. Il s’agit donc dans ce travail de terrain, de révéler ce qui pose problème, et non pas seulement de trouver une solution à un problème qui n’est pas nécessairement posé. Le problème prend corps dans la mise en tension des registres empirique et théorique. Problématiser le réel de terrain revient donc à mettre en tension le registre empirique de terrain avec le cadre théorique. Comment sont mis en tension ces registres de terrain ? Comment, également, sont mobilisés ces registres théoriques, ces virtualités, dans ces situations de médiation de terrain qui ne sont pas des cours de géologie ? Comment les questionnements sont-ils contrôlés ? Quel forme prennent-il ? Comment le médiateur prend-il en compte les dimensions spatiale et temporelle des objets géologiques sur lesquels portent ces questionnements ? 2.1.2.1 Cadre théorique de la problématisation

Nous inscrivons nos recherches dans un cadre épistémologique qui donne une place prépondérante à l’articulation entre savoir et problème. Le point fort de ce cadre en est la rupture avec une « épistémologie de la résolution de problème » (Lhoste, 2017, p 59).

Nos travaux s’inscrivent dans le cadre épistémologique du problème tel qu’il a été développé par Bachelard. Nous considérons ainsi que l’apprentissage des savoirs scientifiques a plus à voir avec la construction de problème qu’avec leur résolution :

« Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise,

dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. » (Bachelard, 1960, p. 17)

Ainsi, la recherche de solution comme objectif ou « point final » d’un processus d’apprentissage ne nous parait pas pertinent. Mais le problème constitue cependant le point départ de la science :

« La recherche scientifique réclame, au lieu de la parade du doute

universel, la constitution d’une problématique. Elle prend son départ réel dans un problème, ce problème fût-il mal posé » (Bachelard, 1949,

p. 68)

Le problème vient bousculer l’évidence, le « problématique déjà constitué » pour initier l’engagement dans un triple schème de l’expérience. Bachelard (1934) définit

en effet trois schèmes fondamentaux qui conduisent à une pensée fondée sur le raison : le dédoublement, le recommencement et la rupture. La pensée est « surveillance de soi, dédoublement en pensée surveillante et pensée surveillée, en

fait et en droit » (Fabre, 2009, p. 24). La pensée est aussi pour Bachelard un éternel recommencement, au sens où « la formation continuée n’est pas accroissement d’expérience mais retour incessant sur ses bases supposées : détruire le mauvais passé de la raison pour lui ouvrir un avenir » (Fabre, 2009, p 24). Enfin, et c’est là le

point central de la pensée de Bachelard : l’expérience du monde s’effectue au travers d’une rupture, « dans un temps discontinu fait de conversions intellectuelles » (Fabre, 2009, p. 24).

L’engagement dans le problème suppose donc une pédagogie qui instaure, selon Bachelard, « une dialectique de continuité et de rupture » (in Fabre, 2009, p. 24). Cependant « la problématisation n’a pas pour objectif de rétablir un équilibre perdu,

voire de construire un équilibre supérieur. Elle vise plutôt à rajeunir la pensée en la délivrant de tous les préjugés de la vieillesse du monde et de l’histoire, de tout ce qui fait obstacle à son essor » (Fabre, 2009, p. 24). Nous retrouvons ici le concept

de « primat théorique de l’erreur » (Canguilhem, 1957) comme source féconde de la pensée scientifique.

Le mise en œuvre de ce cadre épistémologique de la problématisation dans les travaux de la didactique des sciences a été modélisé par Fabre (2009, 2011) qui considère cinq critères qui caractérisent le processus de problématisation :

1. Position, construction, résolution du problème 2. Dialectique de références et d’inférences 3. Recherche de l’inconnu à partir du connu

4. La pensée est contrôlée par des normes qui servent à définir les conditions du problème et à anticiper les formes des solutions

5. Schématisation fonctionnaliste partielle du réel en tant qu’outil pour agir et penser

Ces critères constituent l’arrière-plan théorique qui nous permettent d’envisager la problématisation dans les situations que nous étudions.

En conclusion, nous positionnons nos travaux dans le cadre épistémologique du problème tel que Bachelard (1960) le définit. Il s’agit de considérer la recherche en science comme avant tout articulée autour de la formulation des problèmes bien plus que de leur résolution. Le problème repose dès lors sur une dialectique de la rupture avec les préjugés, qui font obstacles à la pensée. La théorie est donc considérée comme prévalant à tout approche du monde, l’erreur en étant le moteur.

2.1.2.2 Contraintes et nécessités

Le processus de problématisation6, dans son cadre didactique, ne peut se réduire à une tension entre fait et idées. Nous montrons ici l’importance d’une construction du possible et du nécessaire dans la mise en place d’un problème scientifique. Le cadre général qui permet leur mise en œuvre est celui du registre explicatif qui prend la forme dans un double dédoublement de la pensée. Après avoir présenté ce double dédoublement, nous définirons le registre explicatif, ce qui nous permettra de préciser la représentation de la problématisation sous la forme d’un « espace de contraintes et nécessités ».

Un double dédoublement

Nous reprenons ici l’idée d’un double dédoublement de la pensée tel que le présente Bachelard (1949) et lui associons celle d’une dialectique entre référence et inférence (Fabre, 1993, 2009). Construire un problème c’est non seulement

mettre en tension les faits avec les idées, mais c’est aussi articuler le possible et le nécessaire.

Le premier dédoublement désigne la relation (bien plus que la séparation) qu’il existe entre l’univers des faits et celui du théorique(Lhoste, 2017). Il n’y a pas séparation de ces univers dans la mesure où, l’un comme l’autre, ils sont construits en interaction. Les faits ne naissent pas du monde ; ils sont construits sous la dépendance de la théorie (Dewey, 1993 ; Bachelard, 1949).

Le deuxième dédoublement renvoie à ce que nous avons pu évoquer dans notre premier chapitre (voir chapitre 1.1 page 12) concernant les formes du non-actuel dont l’« existence » peut être appréhendée par mise en œuvre, en logique modale, du

possible et du nécessaire. Dans le contexte de la problématisation, ce dédoublement

prend la forme d’une articulation entre pensée assertorique7et pensée apodictique8: « toute pensée scientifique se dédouble en pensée assertorique et en

pensée apodictique, entre une pensée consciente du fait de penser et

6. Nous présentons ici les éléments du cadre de la problématisation telle qu’elle a été développée en didactique des sciences. Mais nous devons préciser que ce cadre est proposé avant tout pour les sciences fonctionnalistes. Cela n’est pas sans conséquences, et nous aurons à le montrer dans les pages qui suivent. Pour cette raison, nous présentons en premier lieu cette problématisation dans son cadre fonctionnaliste — nous pourrions dire « habituel » — mais nous aurons ensuite à nous questionner sur sa mise en œuvre dans les contextes de reconstitution historique (voir section 2.3 page 153).

7. Assertorique : qui provient d’une simple assertion, sans opérateur modal, c’est-à-dire sans idée de nécessité, d’impossibilité ou de possibilité. (CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/as-sertorique ; consulté en nov 2018)

8. Apodictique : (dans la logique d’Aristote) dont la conclusion est nécessaire. Un jugement apodictique est un jugement pour lequel on admet comme modalité l’affirmation ou la négation comme nécessité. (CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/apodictique ; consulté en nov 2018)

une pensée consciente de la normativité de penser » (Bachelard, 1949,

p. 25)

Pour Bachelard (1949, 1960, 1934) il s’agit avant tout d’abandonner l’opinion : « La science [...] s’oppose absolument à l’opinion [...] L’opinion pense

mal, elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances

»(Ba-chelard, 1960, p. 14).

Il ne s’agit donc pas d’« accéder directement à un savoir factuel "vrai" mais plutôt

de construire ou reconstruire la problématique dont ce savoir fournit une solution possible » (Fabre et Orange, 1997, p. 40). L’objectif est d’abandonner :

« une connaissance d’opinion, une connaissance mal questionnée, asser-torique, c’est à dire réduite à un simple constat, pour une connaissance qui, une fois problématisée, sera fondée en raison, deviendra apodic-tique » (Fabre et Orange, 1997, p. 40).

Cette apodicticité se construit elle-même sur des nécessités, que l’on peut désigner en général par des « raisons » (Orange, 2000) et qui imposent un contrôle, car :

« Par une curieuse accoutumance, l’apodictique vieilli prend le goût

d’asserto-rique, le fait de raison demeure sans l’appareil de raisons » (Bachelard, 1960, p.

247).

A ce niveau de notre analyse, nous envisageons de questionner les niveaux de structuration de la pensée entre assertorique et apodictique. En effet, nous considérons que l’assertorique relève d’une assertion, non questionnée et non engagée dans la production de raisons. La définition utilisée par Lhoste (2017, p. 60) nous convient parfaitement sur ce point : dans sa présentation du dédoublement du possible et du nécessaire, Lhoste reformule ces « domaines », en termes de problématisation, par assertorique et apodictique. Ce double dédoublement (Lhoste, 2017) est présenté sous forme schématique dans la figure 2.1.2 page ci-contre.

Cependant, nous souhaitons positionner ce qui relève du possible et du contingent en dehors du domaine de l’assertorique, et donc dans le domaine de la pensée

construite sur des raisons (voir figure 2.1 page suivante). En effet, envisager le possible et le contingent est selon nous un mode de pensée qui ne relève pas de

l’assertorique pur. Nous considérons ainsi qu’il existe un domaine intermédiaire, qui correspond à une forme de pensée problématisante mais qui n’a pas le niveau de la pensée rationnelle que suppose l’apodictique. La nécessité représente, dans ce domaine, une « raison forte9», qui ne saurait exister sans son symétrique, la

contingence10. Et de ce fait, dans la mesure où possible et contingent dépendent

9. On considère que ces raisons, construites dans un contexte de pensée apodictique, sont d’une mise en œuvre exigeante et contraignante. Nous utilisons le terme de « forte » pour désigner ce niveau d’exigence.

Figure 2.1.2 – Double dédoublement Faits/Idées et Assertorique/Apodictique (d’après Lhoste & Peterfalvi 2009)

d’une ontologie, ils n’atteignent pas le niveau apodictique, fondé sur des nécessités, mais ils en sont un mode d’accès. Ce mode d’accès aux nécessités serait ainsi un domaine transitoire de la pensée qui permettrait une exploration raisonnée, qui ne se précipite pas sur la solution et évite de ce fait « d’emprunter un circuit trop

court des idées aux raisons » Bachelard (1960, p. 44).

Table 2.1 – Dédoublement assertorique / apodictique de la pensée scientifique

Pensée non-construite sur les raisons

Pensée construite sur les raisons

Pensée assertorique Pensée apodictique

Affirmation de ce qui « est » (factuel immédiat)

Possible Nécessaire

Scepticisme premier (fait alternatif non raisonné)

Contingent Impossible

Pas de raison Raisons faibles Raisons fortes

Considérer la contingence et le possible comme mode d’accès à l’apodictique, c’est envisager avant tout les conditions d’existence des faits dans un champ des possibles et préparer ainsi la pensée à imaginer les raisons d’une telle existence. L’assertorique

« faibles » dans la mesure où elles ne relèvent pas d’un haut niveau d’apodicticité dans le cadre fonctionnaliste dans lequel elles sont mises en place. Mais elles installent, au cours du processus de problématisation, un ensemble de contraintes qui permettent un accès aux raisons des faits.

au sens strict serait ainsi le domaine où les faits ne sont pas questionnés : le fait est considéré comme « fait » indépendamment des conditions de son existence.

En conclusion et en reprenant les propos de Orange-Ravachol et Beorchia (2011), nous considérons « la problématisation comme un processus d’ouverture à des

explications possibles (exploration d’un espace de contraintes) et de fermeture (construction de nécessités) permettant de construire des savoirs apodictiques »

Orange-Ravachol et Beorchia (2011, p. 3). Un enjeu important réside dans la construction du champ des possibilités : il s’agit de préciser dans quel monde

possible la pensée va mettre en œuvre une articulation des contraintes et des nécessités qui s’inscrivent dans le modèle de problématisation. Pour le dire comme

Orange-Ravachol et Beorchia (2011, p. 3) : « une exploration du possible articulée

à une extraction du nécessaire ». En conséquence, pour donner sens au modèle, ce champ des possibilités constitue un cadre explicatif que l’on peut rattacher à ce

que (Orange, 1997) désigne par le Registre Explicatif (REX), que nous envisageons d’analyser maintenant.

Registre explicatif

Ce que nous avons désigné par « champ des possibles » représente l’ensemble des points de contrôle sur lesquels s’appuie le processus de problématisation. Si l’on s’appuie sur Orange (1997), ce champ des possibles correspondrait au registre explicatif (REX) qu’il définit comme :

« les éléments, technique, heuristiques, et d’intelligibilité avec lesquels

sont construits de nouveaux modèles d’une tradition de science normale donnée » (Orange, 1997)

Ce registre explicatif correspond aux « références explicatives spontanées ou

habi-tuelles du modélisateur » (Orange, 2000, p. 25). Il permet en quelque sorte un usage

du modèle. Il est « le monde qui donne sens au modèle et permet de la manipuler » (Orange-Ravachol et Beorchia, 2011, p. 4).

Nous aurons l’occasion de montrer que ce registre explicatif prend valeur de cadre de référence pour la mise en œuvre de modes de raisonnement, notamment dans le recours à l’actualisme (voir section 2.1.3 page 127).

Remarque : En tant que référence, le registre explicatif constitue également le socle de réflexions sur lequel s’appuient les approches critiques (user ou non d’un tel registre) engagées dans les explications. De ce point de vue, le registre explicatif présente une fonction « méta » qui permet de penser la

façon dont on construit les explications. C’est de ce registre explicatif que

naissent les modes de pensées « méta-didactiques » sur lesquelles nous serons amenés à réfléchir plus loin dans nos questionnements sur le récit.

Espace de contraintes et nécessités

La recherche d’une explication scientifique suppose qu’il n’y a pas qu’un parcours possible, « il y en a plusieurs, mais il y a des passages obligés : désyncrétisation des

faits et des idées explicatives et accès à des principes de nécessités » (Lhoste, 2017,

p. 65). Or les problèmes qui intéressent majoritairement les Sciences de la Terre étant des problèmes explicatifs, il convient maintenant que nous réfléchissions à la modélisation de ces problèmes. L’explication ne saurait en effet être dissociée du modèle dans la mesure où :

« l’explication renvoie à la construction de modèles » (Vergnioux, 2003, p. 37).

La présentation du produit de la problématisation prend donc la forme d’un modèle qui est désigné habituellement en didactique des sciences par « l’espace contraintes

et nécessités ». Il se présente en général sous la forme d’une représentation

schéma-tique qui articule le registre des phénoménologies, que nous désignons par « registre

empirique » avec le registre théorique que nous désignons par « registre du modèle ».

Le registre empirique rassemble les éléments d’une phénoménologie (au sens large) (Martinand, 1996) :

La phénoménographie : elle permet une figuration symbolique du « réel ».

La phénoménotechnique : elle permet l’exploration du « réel » au travers de ce

que Bachelard (1949) désigne comme une « technique de réalisation

du concept ». A noter ici que l’idée de Bachelard selon laquelle les

instruments de la science sont des théories réifiées convient bien à la définition de la phénoménotechnique : par l’instrumentation (au sens premier du recours à des instruments) et la théorisation du phénomène, la pensée construit le registre de l’empirie. La phénoménotechnique correspond ainsi à un processus de révélation de l’actuel tel que nous l’avons posé dans notre premier chapitre (voir chap 1 page 11).

Une phénoménologi e : au sens strict, cette phénoménologie permet en retour une mise en application du modèle.

Mais si la construction d’un registre empirique revient à une phénoménologie qui actualise le réel, sa mise en œuvre suppose « des processus antérieurs d’élaboration

conceptuelle, théorique ou modélisante, en ce sens qu’ils sont inconsciemment projetés sur la réalité » (Martinand, 1996, p. 14). Pour le dire autrement, tout

registre empirique hic et nunc est déjà modélisé par des concepts antérieurs. La problématisation se construit donc sur une mise en tension entre des concepts antérieurs, modélisant l’empirie, et des concepts en élaboration dans un univers de virtualités.

Nous empruntons à Lhoste (2017) sa présentation des « espaces de contraintes

schéma, qui reprend, en le modifiant « les espaces de contraintes » de Orange (2000) articule RE11/RM12 et contraintes et nécessités.

Figure 2.1.3 – Espace « contraintes et nécessités » (adapté d’après Lhoste, 2009).

Avant les travaux de Lhoste (2017), cet espace de contraintes, développé par Orange (2000) et adapté aux sciences de la Terre par Orange-Ravachol (2012) notamment, présentait une articulation entre contraintes empiriques et nécessité

sur le modèle, dont nous présentons un exemple sur lequel nous pourrons nous

appuyer (voir 2.1.4 page suivante). Le modèle de Orange-Ravachol (2012, p. 32) montre la tension qui s’établit entre les contraintes qui sont « imposées » par l’empirie (ce qui relève de l’actuel) et les nécessités théoriques qui sont, elles, imposées par le modèle. L’ensemble de l’espace de contraintes et nécessités de cette problématisation entre dans le cadre d’un registre explicatif de référence : celui de l’actualisme qui est mis en œuvre dans le cadre général de la tectonique des plaques. Nous nous appuierons sur cette structure de modèle de problématisation pour construire les espaces de contraintes et nécessités impliqués dans nos situations de terrain (voir partie 3.4.2.3 page 233).

Mais revenons au modèle de Lhoste (2008) ; Lhoste et Peterfalvi (2009) ; Lhoste (2017) : la convention a été prise de placer en haut le RE et en bas le RM, à gauche les contraintes et à droite les nécessités. Cet espace permet de mettre en

11. RE : Registre Empirique 12. RM : Registre du Modèle

Figure 2.1.4 – Espace de contraintes* « Problème de la mise en place des ophio-lites ». (d’après Orange Ravachol, 2012)

* : Le modèle de problématisation présenté est celui que mettent en place les géologues à propos de la formation des ophiolites. En ce sens, nous pouvons considérer que ce modèle correspond au problème dans son cadre de « savoir de référence ». Cet espace de contraintes peut être repris pour une transposition vers un savoir à enseigner en classe ou un ensemble de connaissances qui peuvent être impliquées dans une situation de médiation scientifique. Nous reviendrons sur ces espaces de contraintes dans notre partie étude de cas.

évidence les raisonnements/argumentations qui sont mis en jeu dans une activité de problématisation. Problématiser, c’est mettre en tension des contraintes et nécessités issues des deux registres :

Contraintes empiriques : Elles représentent les obligations que les faits imposent

au modèle. Ces faits sont eux-même fortement dépendant du problème en cours de construction et du cadre théorique pré-existant. Dans notre exemple des ophiolites, ces contraintes relèvent de ce qui est exploitable sur le terrain (par exemple les pendages, les fossiles, les plans de schistosité, ...), ce qui est mis en évidence par exploration mécanisée (exploration des fonds océaniques), ce qui est mesuré via la technologie (vitesse de déplacement des plaques lithosphériques) notamment.

Nécessités sur le modèle : Elles relèvent de ce que le modèle pose comme

indis-pensable à son fonctionnement de modèle conceptuel. L’exemple de la mise en place des ophiolites impose la nécessité de leur formation : donc un processus, imaginé dans le cadre d’un modèle de référence qui permet de dire d’où vient le matériel qui compose les ophiolites. Une autre nécessité est celle qui impose un mécanisme qui place ces roches sous-marines sur les continents : c’est le mécanisme que les géologues nomment l’obduction.

Dans son modèle, Lhoste (2017) ajoute des « contraintes théoriques » (auparavant associées par Orange aux nécessités sur le modèles) et des « empiriques nécessaires » qui nous intéressent dans la mesure où elles apportent un éclairage particulier, notamment sur le rapport à l’actuel sur lequel nous aurons à revenir dans le détail :

Contraintes théoriques : Elles sont à prendre en compte car elles peuvent

repré-senter un obstacle dans le processus de problématisation. Elles sont des « a priori partagés » (Orange, 2000 ; Lhoste et Peterfalvi, 2009 ; Lhoste, 2017). Elles influencent la mise en œuvre de la problématisation sans être véritablement questionnées. Elles jouent en quelque sorte un rôle