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CONSTRUIRE UN RÉEL DE TERRAIN : ACTUALISME ET TRACES GÉOLOGIQUES

2.2 CONSTRUIRE LES TEMPS GÉOLOGIQUES

2.2.4 Les enjeux didactiques de la construction de la temporalitétemporalité

Nos analyses des implications didactiques de la perception des temps en géologie nous conduisent ici à la question cruciale qui se pose dans les reconstitutions historiques : la construction de la temporalité. Nous nous appuyons ici sur des travaux de didactique de l’histoire-géographie afin de montrer que c’est la diversité

des formes de temps qui posent problème aux élèves (Allieu-Mary, 2010). Ces

travaux montrent non seulement les difficultés des élèves ainsi que les obstacles auxquels ils doivent faire face dans leur approche des temps historiques mais également les contraintes auxquelles sont soumis les enseignants de cette discipline. Des travaux didactiques menés sur les coutumes pédagogiques observées dans le prise en charge du temps nous permettent de comprendre de quelle manière se mettent en place des représentations naïves de la méthodologie des historiens. Pour cela, nous envisageons en premier lieu de présenter les difficultés habituelles rencontrées par les élèves dans leur construction des temps historiques ; nous réfléchirons ensuite aux dispositifs didactiques que les enseignants mettent en place avec leurs élèves et que les didacticiens de l’histoire ont analysés dans le cadre d’une épistémologie des temps historiques.

2.2.4.1 Les difficultés à construire l’histoire et la durée

Les difficultés que nous étudions ici sont celles que peuvent rencontrer des adolescents pour qui le « temps de soi » est normalement acquis. Il est en général admis que la petite enfance est un moment de confusion des formes de temps et qu’il faut attendre l’âge de l’adolescence pour que soit stabilisée la conscience du temps au travers de la conscience de l’être. La psychologie s’accordent sur ce point pour dire que c’est à l’adolescence que ce temps du soi permet d’accéder à

« une maîtrise du temps » (Fraisse, 1967). C’est le sentiment d’identité qui permet

d’accéder à la continuité du soi dans le temps :

« Le sentiment d’identité se fonde sur la perception de la similitude avec

soi-même et la certitude de la continuité de soi dans le temps[...]. Être un et le même à travers le temps, l’être en soi, pour soi et pour autrui :

c’est là le sens de l’identité personnelle que l’adolescent construit. Mais il n’y parvient qu’en saisissant par la pensée la non-contradiction absolue de l’identique et du différent dans l’expérience de soi et du monde. L’adolescent peut alors rapporter le passé au présent suivant une démarche qui suppose en premier lieu reconnaissance et ensuite répudiation ou assimilation de ce qui n’est plus ; et il va de la même manière rapporter le présent à l’avenir, à ce qui n’est pas encore, mais qui adviendra » (Rodriguez-Tomé et Bariaud, 1987, p. 56).

Dans leur confrontation aux temps historiques, les élèves butent contre deux composantes principales du temps : la relation d’ordre (antériorité, postériorité, simultanéité) et la composante métrique (comparaison des durées). De plus, leur centration sur l’« événementiel », fortement stimulée par une culture du catastro-phique et de l’impressionnant, s’oppose à la pensée de la durée : elle produit de

l’actualité (au sens d’ « événement médiatisé ») et sur-estime le pouvoir des faits,

considérés comme « le » mode d’accès à la vérité et à la réalité. Cette approche em-piriste du temps, que nourrit une telle centration sur l’événement, est à rapprocher semble-t-il de la pensée catastrophiste mise en évidence par Orange-Ravachol (2003, 2005c) et identifiée comme faisant obstacle à la mise en œuvre de l’actualisme. Enfin, des travaux de didacticiens de l’histoire ont montré la tendance des élèves à recourir à des formes de dilatation/contraction du temps dans leur construction de la durée : des faits ponctuels peuvent être exagérément « étalés » dans le temps pour produire une épaisseur au temps et construire ainsi de la durée. C’est une façon pour les élèves de produire de la durée à partir d’un événement ponctuel. A l’inverse, certains phénomènes qui se produisent sur de longues périodes de temps peuvent être parfois « contractés » pour être ramenés sur des temps courts. Ces phénomènes peuvent même « atteindre » le statut d’événements ponctuels. C’est le cas en géologie par exemple de « la sortie des eaux » qui est considérée le plus souvent par les élèves comme un « instant crucial » à partir duquel des « sortes d’amphibiens » ont pris pied sur terre (Lecointre, 2009a). Ce dernier exemple montre que la pensée événementielle conduit à se passer de la durée et donc à nier l’histoire dans son épaisseur. Nous aurons l’occasion d’analyser l’impact d’un tel obstacle sur la nécessité de la mobilisation des temps longs géologiques.

La multiplicité des formes du temps est également difficilement appréhendée et conduit souvent à une pensée syncrétique du temps(Allieu-Mary, 2010). Le travail des historiens est ainsi mal compris des élèves qui accèdent difficilement aux méthodologies adaptées à ses formes de temps variées : classement des événements, évaluation de leur densité, organisation des séries/réseaux de causalités, rythmicité des phénomènes, emboitement /chevauchement, etc. A cela s’ajoute s’ajoute la difficulté de périodisation qui, en empêchant l’organisation de l’histoire en blocs (thématiques, chronologiques, ...) fait obstacle à la construction des temps longs.

Enfin, et c’est là le problème principale qui se pose aux élèves dans leur re-constitution de l’histoire, l’approche chronologique limite voire bloque totalement l’accès à une causalité exigeante dans le traitement des événements de l’histoire. L’articulation des événements se fait davantage sur des formes de causalité narra-tive naïve construites sur l’enchainement d’événements désignés au mieux comme « dépendants » sinon comme disjoints. Cet enchainement se met en place le plus souvent sous l’influence d’une causalité temporelle dans laquelle la simple succession remplace la véritable causalité(Allieu-Mary, 2010). L’antériorité est mobilisée mais elle n’est pas questionnée : elle intervient dans une sorte de pragmatisme causal qui suppose implicitement que les causes sont antérieures aux effets et recherche uniquement les liens causes/conséquences. Ce pragmatisme n’ouvre pas à une véritable recherche historienne, qui mobilise le principe d’antériorité en remontant des conséquences vers les causes (Veyne, 1971). Mais les difficultés qu’ont les élèves à mobiliser des formes de causalités évoluées tient aussi à la prédominance d’une pensée analogique non contrôlée. Lors des transferts vers le passé, les analogies en-gagent des formes de substitutions dans lesquelles le présent, envoyé dans le passé, se substitue à lui et, en quelque sorte joue son rôle dans l’histoire. La non maitrise de l’analogie comme outil méthodologique conduit à une simple reproduction du présent dans le passé : sans questionner les conditions qui permettent de faire ce « bond en arrière », l’analogie tend à uniformiser l’histoire dans un éternel présent

qui se déroule le long des temps linéaires.

2.2.4.2 Construire la temporalité

Les différents travaux qui ont été menés, tant en didactique de l’histoire (Allieu-Mary, 2010 ; Lautier et Allieu-(Allieu-Mary, 2012) qu’en didactique des Sciences de la Terre (Orange et Orange, 2004 ; Ravachol et Béorchia, 2007 ; Orange-Ravachol, 2007 ; Orange-Ravachol et Triquet, 2007 ; Orange-Orange-Ravachol, 2005c ; Orange et Orange-Ravachol, 2013), sur la compréhension des difficultés des élèves dans la mise en œuvre de la temporalité, montrent que les pratiques coutumières dans l’enseignement conduisent souvent, sinon systématiquement, à de « pauvres

procédures d’historicisation » (Allieu-Mary, 2010). L’histoire scolaire se construit

sur un double a priori, profondément ancré, de l’histoire chronologique et de la

continuité historique.

L’histoire chronologique s’appuie sur un « sens intuitif de la durée » et pousse à faire ressembler les reconstitutions historiques aux petites histoires de l’existence. Cette approche mène à des versions peu construites de l’histoire, dans lesquelles le temps est peu sollicité. Or il semble bien que ce soit là l’enjeu principal : c’est l’histoire qui fait le temps, et non l’inverse. Comme nous avons pu le dire plus haut, le temps émerge de nos histoires sur le monde. Sans notre capacité à mémoriser les événements du passé et à les inscrire ainsi dans un « temps vécu », il n’existerait

aucun temps. Nous n’avons accès au temps cosmique qu’au travers de ces formes de temps humains que l’on reconstruit à partir des événements vécus.

D’autre part, la pensée de la continuité de l’histoire fait obstacle à une approche questionnée des événements du passé. En considérant que « tout fait histoire », que tous les événements du passé peuvent être rassemblés dans une chronologie rigoureuse et constituer ainsi l’histoire, le continuisme mène à une pensée de l’histoire comme déjà écrite et qu’il s’agit de retrouver en comblant les espaces vides d’événements. Or l’histoire est bien davantage un questionnement sur ce qui, dans le passé, fait ou ne fait pas histoire. Elle n’est pas une échelle dont il faut reconstruire les barreaux, et qui conduirait vers un présent synonyme de progrès. Ce « paradigme pédagogique » de l’ordre chronologique et de la continuité temporelle est solidement installé dans les pratiques enseignantes. Il semble issu d’une épistémologie de l’École méthodique qui entre « en résonance avec les finalités

sociales d’un enseignement qui est aussi celui d’une chronologie orientée par le progrès » (Allieu-Mary, 2010, p. 95). Cette dimension de l’histoire « dirigée »

nous montre là l’obstacle édifié par une sur-estimation de la valeur portée au directionnalisme dans l’histoire. Si la construction de l’histoire doit répondre à la contrainte de linéarité du temps, elle ne doit cependant pas s’y soumettre entièrement. Les temps linéaires de l’histoire constituent non seulement un cadre méthodologique au sein duquel il est possible de problématiser les événements, mais ils représentent également le temps social , celui dans lequel se produisent les partages d’une histoire commune de l’humanité, engagé dans un « destin

historique ». Il faut peut être voir dans cette histoire partagée l’origine de l’influence

d’une pensée commune de l’histoire avec laquelle il est difficile de rompre pour entrer dans une construction historique qui réponde à la rationalité. Dès lors, il semble difficile pour les enseignants de sortir d’une forme communément admise de texte historique faisant consensus : la « vulgate ». Ce type de texte, enfermé dans les contraintes d’un savoir stabilisé, écarte le questionnement scientifique sur l’histoire : ce questionnement renverrait à un savoir non-stabilisé et emprunt de soupçons idéologiques.

Si nous re-positionnons notre analyse dans le cadre de l’histoire géologique, la prise en compte de ces obstacles à la construction de la temporalité suppose de problématiser les phénomènes autour des trois objets « manipulables » de l’histoire : la chronologie, la période et l’événement. Cette problématisation conduirait ainsi à rompre avec le fil du temps. En évitant un travail sur le soi-disant « sens intuitif

de la durée », la construction de la temporalité s’écarterait ainsi de la vulgate et

mettrait de coté les mythes sur la méthodologie de l’histoire :

 Le mythe de la continuité historique qui considère que l’histoire est un tout

bien rempli qu’il s’agit de retrouver en remplissant les espaces temporels vides avec des événements.

 Le mythe de l’« histoire vraie » selon laquelle, en s’approchant au plus près

des faits, on parviendrait à reconstituer ce qui s’est réellement passé. La recherche de la preuve devient ainsi une recherche de la vérité.

 Le mythe méthodologique de la chronologie qui, avec la continuité temporelle,

impose une histoire construite sur une succession de dates bien ordonnées, garante d’une soi-disante rigueur historienne.

 La vision téléologique constitue un cadre méthodologique fort de l’histoire

en guidant une recherche vers ce qui doit advenir. Cette centration sur les conséquences conduit le travail de l’« élève-historien » à une lecture systématique de l’histoire dans son cours normal, c’est-à-dire dans le sens de déroulement des temps linéaires.

 La diachronie logique dominante : en se focalisant sur une histoire construite

entre un avant et un après, la logique se construit sur une diachronie « allant de soi » qui agit comme une méthodologie ad hoc de traitement des événements posés comme non-synchrones. Les causalités temporelles mobilisées dans ces diachronies conduisent à un glissement sémantique qui, au lieu de remonter le temps à la recherche des causes des événements, descendent le cours du temps depuis le passé dans des pseudo-anticipations du futur, déjà contenues dans le présent. C’est une forme de logique racontée, comme si le « re-raconté » donnait sa rigueur à l’histoire.

Ce détour par la didactique de l’histoire nous permet de comprendre les enjeux de la temporalité dans une discipline qui, à plusieurs points de vue, mobilise des problèmes proches de ceux rencontrés en géologie historique. Nous avons ainsi pu mettre en évidence que la construction des temps géologiques suppose de prendre en charge les obstacles de chronologie et de continuité. Il s’agit surtout de quitter l’ordre du temps en renonçant aux narrations premières et à la continuité temporelle. Une approche historienne pourrait ainsi se mettre en place, qui privilégierait la démarche rétrodictive (Veyne, 1971).

2.2.4.3 Construire l’intra-temporalité et l’historialité

Une telle approche de la construction de l’histoire nous conduit à une focalisation sur deux axes méthodologiques importants et complémentaires à l’origine des objets manipulables de l’histoire (chronologie/période/événement) : l’intra-temporalité et l’historialité.

L’intra-temporalité : elle consiste en une insertion des objets dans les temps

li-néaires. Elle permet de préciser une « actualité » spatio-temporelle des occurrences du monde. Chaque occurrence ne peut en effet prétendre à faire partie de l’histoire qu’en se positionnant sur un axe des temps. L’intra-temporalité suppose donc une « databilité » des occurrences, qu’elle soit absolue (datation par rapport à une référence absolue prise

comme repère conventionnel : An 0 pour l’Histoire de l’Humanité, BP —Before Present—pour l’histoire géologique30) ou relative (datation

produite par mise en relation de plusieurs occurrences).

L’historialité : elle représente le fait que les événements se succèdent dans un

certain ordre temporel a priori qui en constitue une première forme d’histoire, mais qui pourrait bien n’être qu’apparente. En effet, l’his-torialité peut se transformer en « ce qui semble faire histoire », qui l’est peut être, mais n’en a pas les éléments de rationalité que l’on pourrait en attendre dans une reconstitution rigoureuse. En ce sens, si l’historialité ne se complète pas d’une rétrodiction qui procède à la recherche les raisons d’exister des occurrences de l’histoire, cette dernière ne se construit que sur le « chronologique—continu ».

Intra-temporalité et historialité représentent donc deux modes d’accès à l’histoire

par mise en œuvre de la temporalité. Si elles s’avèrent nécessaires, ces deux approches méthodologiques n’en sont pas pour autant suffisantes. L’histoire se construit en effet sur une organisation des occurrences qui produisent des événements cohérents entre eux. La cohérence de ces événements suppose qu’une rétrodiction soit engagée, à la recherche de leurs conditions de possibilité.

Construire la temporalité revient donc à la mettre à l’épreuve de la recherche de cohérence entre événements. En première approche, cette recherche nécessite la mise en place d’une intra-temporalité (qui se fonde principalement sur la databilité des occurrences du monde) et d’une historialité (qui se fonde sur la capacité de ces occurrences à faire histoire). Mais cela suppose de déconstruire l’idée première du chronologique comme cadre fondamental de l’histoire, et l’idée première du continuisme qui impose une histoire complète et exhaustive. La prise en compte de ces obstacles et difficultés permet d’envisager la construction de la temporalité géologique au travers d’une recherche des conditions de possibilité des événements qui repose sur une causalité évoluée.

Comment la médiation géologique peut-elle engager l’intra-temporalité et l’histo-rialité en tenant compte des obstacles et difficultés que représentent le chronologisme et le continuisme ? Conjointement, comment la recherche des conditions de possibi-lité des événements parvient-elle à se construire au travers de cette articulation intra-temporalité/historialité ?

Conclusion

La question de la perception du temps est une aporétique. Le temps n’est qu’une construction indirectement édifiée à partir de la conception d’un espace en

30. BP : Locution utilisée pour désigner les âges en nombre d’années décomptées en remontant vers le passé depuis l’année 1950, prise comme référence conventionnelle.

mouvement. C’est donc l’action qui donne son sens au temps. Cela revient à dire que ce qui est perçu dans le temps, c’est l’instant : il est appréhendé au travers du mouvement qui se produit dans l’espace, à un instant donné, servant de repère temporel. Mais alors comment une géologie de terrain, constituée d’objets statiques pour la plupart, peut-elle faire le lien entre mouvements dans l’espace et temps géologiques ? Et dans quel contexte cette « mise en mouvement » pourrait-elle prendre naissance ?

Les obstacles à la perception du temps trouvent en partie leur origine dans la perception de l’espace. Mais c’est autour de l’articulation fixisme/catastrophisme que se situent les obstacles les plus prégnants. Le fixisme enferme dans un monde stable ; le catastrophisme considère des phases de changements brutaux pour expli-quer les transformations de notre monde naturel. Et il semblerait que l’alternance stabilité/changement nourrisse assez systématiquement la construction de petites histoires ad hoc, qui expliquent de façon ambiguë les « transformations d’un monde

stable ». Dans quelle mesure la construction des temps géologiques peut-elle se faire

en tenant compte de cette articulation fixisme/catastrophisme qui fait obstacle ? Et l’usage des temps cycliques n’a-t-il pas tendance à engager justement une telle alternance stabilité/changement qui fait obstacle à la pensée évolutionniste ?

Les temps longs, difficilement conceptualisable par l’esprit humain, sont souvent substitués par les temps courts de l’histoire des Hommes, ce qui enferme dans des temporalités inefficaces pour expliquer les processus géologiques lents. Cependant, les temps courts ne sont pas seulement des temps quantitatifs « insuffisants » pour les processus géologiques ; ils ont aussi une affinité forte avec les temps historiques. L’usage des temps courts ne pourrait-il pas, de ce point de vue, servir d’appui à une construction des temps longs ? Les temps ne seraient-ils pas assimilables à des temps courts dilatés, ou étendus le long des temps linéaires ?

L’enjeu majeur reste donc, dans ces situations, de construire une temporalité évo-luée, qui ne soit pas une temporalité immédiate, de sens commun, mais qui permette de construire l’histoire géologique sur des fondations rationnelles : fonctionnalisme phénoménologique qui produit les indices de terrain, temps longs constructeurs de phénomènes non-actuels, antériorité/nécessité à l’origine d’une rationalité histo-rique. De cette histoire émergent les temps linéaires de l’histoire de l’humanité, seule forme d’une temporalité perceptible au travers des événements.

Mais un nouvel obstacle se présente dans cette émergence des temps linéaires : le continuisme chronologique. Il impose la recherche d’une histoire bien faite et bien pleine au détriment d’une véritable recherche rétrodictive historique. Com-ment mettre en œuvre cette démarche historique, qui se fait par rétrodiction des événements, en prenant en compte d’une part, l’obstacle lié au « temps cyclique » (= obstacle stabilité/changement) et d’autre part l’obstacle lié au temps linéaire (obstacle continuisme chronologique) ?

Nous émettons l’hypothèse que c’est par la co-construction du temps et de l’espace que se met en place une véritable démarche historique. La géologie est la science qui, à partir de l’espace, construit du temps. Les principes de la stratigraphie sont emblématiques de la façon dont les géologues inventent les temps longs au travers de la configuration de l’espace. Cette construction de la temporalité géologique passe par une insertion dans les temps (intra-temporalité) et une organisation directionnelle des événements (historialité) qui conduit à mettre en évidence les conditions de possibilité des événements. C’est ce que nous désignons par « démarche