• Aucun résultat trouvé

GÉOLOGIQUES : UNE GÉOLOGIE DE TERRAIN ?

1.2 LA GÉOLOGIE DE TERRAIN ET LA QUESTION DU TEMPS

1.2.3 Diversité des formes de temps en géologie

La reconstitution d’une histoire géologique suppose que la temporalité y soit contrôlée. Or la géologie, depuis les tous premiers questionnements des savants sur le monde minéral, mobilise des formes variées de temps que nous présentons ici. Nous reprenons ainsi les distinctions faites ci-dessus entre temps quantitatifs (Temps longs/Temps courts) et temps qualitatif (Temps linéaire/Temps cycliques) et nous analysons également deux autres formes de temps que l’on peut trouver en géologie. Cela nous conduira à montrer en conclusion que parmi ces formes de temps, certaines nous intéressent particulièrement dans la mesure où elles se construisent comme des nécessités historiques et jouent de ce fait un rôle important dans les reconstitutions historiques en géologie.

1.2.3.1 Temps courts et temps longs en géologie

Les premiers textes qui tentent d’expliquer le passé de la Terre, comme celui des Météorologiques d’Aristote, mobilisent des formes de temps typiquement

an-historiques (Ellenberger, 1988, p. 16) qui se caractérisent par leur immensité

incommensurable. Les préoccupations sont en fait davantage centrées sur le monde que véritablement sur la « Terre » :

« L’homme ne commence à dissocier ses réflexions sur la terre de celles

sur le monde qu’après la révolution astronomique (Copernic, Galilée) »

(Gohau, 1987, p. 7)

Avant cette révolution astronomique, il importe peu de mesurer temps et espace du monde. Ce sont des grandeurs considérées comme inaccessibles. Le monde est alors régi par des lois universelles et perpétuelles. Mais dans le monde sublunaire (Terre et Météores), c’est le désordre qui règne. Tout ce qui concerne la vie humaine est fait de fugacité, et est voué à s’éteindre un jour. C’est dans cette opposition majeure qu’Aristote concevait les temps longs au ciel, alors que sur Terre, les durées étaient

brèves (Ellenberger, 1994, p. 34).

Straton De Lampsaque, mettant en œuvre ce que Ellenberger voit comme une méthode expérimentale (Ellenberger, 1988, p. 19) explique le transport et le dépôt de sables et limons dans le Pont Euxin (Mer Noire) et mobilise à ce propos des

temps longs , « illimités » (Ellenberger, 1988, p. 21) mais engagés dans un processus

qui possède un début, un milieu et une fin17.

De même, Strabon, Hipparque et Erathosthène élaborent des explications sur les submersions possibles ayant conduit à la présence de sédiments accumulés. Ces submersions sont envisagées seulement à l’échelle locale et sans engagement dans une histoire véritable :

« Ce sont là des durées longues étrangères à l’histoire, car sans événe-ments contingents » (Ellenberger, 1994, p. 34).

Il faut se tourner vers la Bible pour comprendre que le temps, restreint à ses limites « humaines » permettant d’envisager l’histoire, enferme le monde dans les temps courts. Comme le précise Gohau : « les durées sans limites faisaient

peur » (Gohau, 2003, p. 20). La religion, en écrivant l’histoire de l’humanité,

utilise des temps courts. Selon Ellenberger, cette usage des temps courts pourrait s’expliquer dans le besoin de construire une histoire « bien meublée » (Ellenberger, 1994, p. 35), riche d’événements. Nous voyons ici un aspect de ce que nous avons déjà évoqué, qui concerne l’« épaisseur du temps » et qui repose en partie sur sa « teneur » en événements, déterminante pour construire la durée. Sans science

17. Nous pouvons y voir là les indicateurs d’un temps historique (linéaire) à moins que ce ne soit une façon de présenter une cyclicité des phénomènes, la fin d’un phénomène se poursuivant par le début du suivant.

géologique (avant la fin du XVIIIe elle n’est pas constituée) pour apporter des explications historiques, les chronologies se composent de trop rares événements, et les durées restent courtes. Quoiqu’il en soit, la religion, en imposant l’histoire dans les textes sacrés, impose du même coup les temps linéaires. Et elle place au cœur de cette histoire... l’Homme. Il en est de même des textes qui tentent de décrire les processus qui sont à l’œuvre dans la nature. Ces formes de temps montrent également les rapports profondément anthropocentrés que l’homme a établi avec son environnement depuis qu’il a tenté d’en expliquer le fonctionnement et l’histoire.

Avec Buffon qui présente ses calculs de l’âge de la Terre, les temps longs s’imposent face au sens commun et aux impératifs religieux (Ellenberger, 1994). Envisager des temps longs, voire démesurés devient possible. C’est ce que feront certains savant, parfois de façon volontairement subversive à l’image de De Maillet (1656-1738) qui, dans son « Telliamed » propose des durées géologiques énormes

mais sans pouvoir vraiment les étayer d’arguments solides (Ellenberger, 1994). Mais le personnage le plus emblématique de l’invention du temps profond, est James Hutton (Gould, 1990). La théorie plutoniste, portée par l’œuvre de Hutton18, rompt avec le temps linéaire des neptuniens (Ellenberger, 1994 ; Orange-Ravachol, 2003).

Ainsi les temps longs sont, dans cette œuvre majeure, totalement imbriqués dans les temps cycliques (voir section1.2.3.2). Le récit neptunien d’une Terre qui s’use sous l’action de l’eau et qui est ainsi conduite à la ruine est rejeté par Hutton. Celui-ci mobilise le feu comme énergie à l’origine des processus, mais également et surtout, envisage la Terre dans une perpétuelle restauration. Les nouveaux reliefs créés ne peuvent provenir que de forces de soulèvement totalement exclues par les neptuniens. Cette approche de la cyclicité des restaurations de reliefs installe donc une conception des « temps profonds » (Gould, 1990, p. 19), c’est à dire les temps longs, qui président aux processus à l’œuvre sur Terre depuis la nuit des temps. Si l’on associe Hutton à cette « invention » des temps profonds, c’est à Lyell qu’il faut en attribuer la mise en forme dans son Principles of Geology (1830-1833). De ce point de vue, la géologie anglo-saxonne naissante à la fin du XVIIIe montre, selon Gould (1990) une véritable caricature de bataille de scientifiques autour de l’avènement des « temps profonds ». Les enjeux, ce ne sont pas vraiment les temps longs, mais bien plus les méthodes utilisées pour les porter sur le devant de la scène. Ainsi Hutton, qui n’a que peu prospecté sur le terrain avant de présenter ses travaux19, passe à l’époque pour un grand empiriste, et il s’en revendique, à une époque où « la tradition empiriste [...] s’est solidement implantée dans la géologie » (Gould, 1990, p. 119). Werner, qui porte la théorie neptunienne, subit un discrédit

18. James Hutton, Theory of the earth, 1680

démesuré. Il passe pour un savant enfermé dans son laboratoire, coupé du terrain. Avec Hutton, c’est en quelque sorte le temps quantitatif qui fait son apparition dans la géologie naissante. Le temps profond s’installe dès lors comme un temps quantitativement incommensurable.

1.2.3.2 Temps linéaires / temps cycliques en géologie

Nous avons évoqué dans les paragraphes précédents le temps en tant que grandeur, c’est à dire le temps quantitatif. Mais nous avons vu également une seconde forme avec laquelle il cohabite : le temps qualitatif. Avant d’analyser comment ces formes de temps sont nées dans la géologie, rappelons tout d’abord ce qui les différencie :

La temps linéaire : c’est le temps de l’histoire, ou temps sagittal. C’est le temps

qui se déroule de façon irréversible. Il est jalonné d’événements qui en constituent la « matière », le contenu. Il est associé à un début, (une naissance) et une fin. Entre le début et la fin se déroule ce que le langage courant nomme une histoire (mais, qui, comme nous le verrons plus loin, prend des formes extrêmement variées).

Le temps cyclique : c’est une autre forme de temps, très présente à la fois dans la

vie commune (calendriers, rythme jour/nuit, cycles menstruels, cycles lunaires, cycles saisonniers, ...) que dans la pensée scientifique (cycle mitotique, cycle de Wilson, cycle de l’eau ou du carbone, cycles astro-nomiques, ...).

Ce qui différencie ces deux formes de temps, c’est bien leur nature. Les modèles et représentations qui se mettent en place en mobilisant ces formes temps sont innom-brables et répondent à des besoins différents dans la construction des explications en sciences de la terre. Nous souhaitons montrer que dans le passé historique de la géologie, ces formes de temps ont cohabité mais ont surtout fini par s’hybrider dans des formes nouvelles que nous analyserons. Alors que les temps longs ont fini par s’imposer « par nécessité » (voir section 1.2.3.4) dans les explications des géologues, ce n’est pas une forme en particulier de temps géologique qui a fini par triompher.

Si l’on se replace dans le monde d’Aristote, le temps sublunaire est un temps bref et fugace. Il est le temps humain, mal ordonné, qui s’oppose au temps cyclique, bien ordonné des astres. Aristote voit dans le monde un perpétuel recommencement (Aristote, 1989). Ainsi, « les auteurs anciens, [...], décrivaient un monde éternel,

traversant des cycles indéfinis, sans parvenir à établir une histoire » (Gohau, 2003,

p 20). Avec Lucrèce, le monde, une fois créé, est engagé dans une lente détérioration. Pour les Stoïciens, le temps est rythmé en longs cycles mais qui pourtant est voué à conduire au cataclysme. Avec Erathosthène et Strabon, l’étude des mouvements de la mer conduisent à des conceptions cycliques des processus naturels. S’opposent

ainsi, dans la Grèce Antique, une vision d’un monde réversible (au sens de cyclique, c’est à dire avec retour aux conditions de départ) avec un monde affecté par des changements irréversibles.

L’œuvre de Burnet (1680)20 est de ce point de vue particulièrement révélatrice à la fois des aspirations à construire des explications scientifiques sur le monde et de l’influence des textes religieux dans la mise en œuvre du temps dans ces explications. Même si certains points de vue elle reste anecdotique, cette œuvre, du fait qu’elle ait été totalement éclipsée par celle de Hutton dans la géologie anglo-saxonne, montre la concurrence entre temps linéaires et temps cycliques d’une part, et temps longs/temps courts d’autre part, qui se joue dans les explications en géologie. Cette œuvre est aussi pour nous un très bon indicateur de l’imbrication de ces formes de temps mobilisées en géologie. A partir du frontispice de l’édition princeps de l’œuvre de Burnet (voir Fig 1.2.1 page suivante), Gould (1990) fait une analyse des formes de temps mobilisées par l’auteur :

« Cette histoire fabuleuse met en application le temps sagittal dans

toute sa grandeur : récit haletant de bout en bout, découpé en épisodes contrastés, commencé à un moment très précis, mené par une pure trajectoire à un dénouement bien particulier. Qui dit mieux ? » Gould

(1990, p 44)

Mais Gould va plus loin :

« le frontispice de Burnet raconte bien davantage que le simple temps

sagittal, car les globes sont disposés en cercle, et non pas en ligne ou selon toute autre représentation métaphorique susceptible d’illustrer une narration strictement séquentielle » (Gould, 1990, pp. 44-45).

Et il rajoute, comme pour conclure :

« Autrement dit, Burnet déroule sa continuité narrative (temps sagittal)

dans un contexte de temps cyclique : une éternelle présence divine au sommet, une distribution circulaire des globes qui naissent et se résorbent dans l’immanence, et tout un ensemble de correspondances complexes entre notre passé et notre avenir » (Gould, 1990, p. 45).

Cette double articulation du temps que Gould met ici en évidence est un aspect fondamentale de nos recherches. Car la thèse de Burnet nous parait révéler par-faitement la problématique de l’articulation des temps linéaires et cycliques. En effet, « Burnet affirmait et avec insistance, que toute interprétation exclusivement

cyclique de la durée revenait à déppouiller celle-ci de son contenu » (Gould, 1990,

p. 130). Nous comprenons ici que l’usage excessif des temps cycliques dans les

Figure 1.2.1 – Frontispice de l’édition princeps de Telluris Theoria Sacra, de Thomas Burnet, 1680

explications conduit à nier l’histoire géologique. Si nous faisons abstraction de la dimension religieuse qui guide Burnet dans cette présentation21, nous pouvons y voir une imbrication des temps linéaires et cycliques qui constituent l’une de nos hypothèses de recherche. Le temps sagittal déroule l’histoire. Le temps cyclique préside au processus. C’est un point fort de notre thèse et nous aurons à y revenir, afin de montrer comment la narration permet justement cette configuration des temps sagittal et cyclique.

Mais revenons à l’opposition entre neptuniens et plutoniens que nous avons déjà évoqué. Si cette opposition existe du point de vue des temps quantitatifs, nous pouvons également faire cette remarque du point de vue des temps qualitatifs : si les neptuniens mobilisent des temps linéaires, les plutoniens eux mettent en œuvre des temps typiquement cycliques.

Avant l’émergence d’une véritable science géologique au XIXe siècle, le Neptu-nisme a constitué un paradigme unificateur jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Cette

21. C’est d’ailleurs là, selon Gould (1990), une erreur des contemporains de Burnet que d’avoir sous-estimé son propos sous prétexte qu’il était empli de religion. Gould, en défenseur de la méthodologie de Burnet, tente de montrer dans son ouvrage « Aux racine du temps » (1990), que le savant avait pressenti une conception des temps géologiques au même titre que Sténon, qui, lui n’a pas eu à souffrir d’autant de disgrâce de ses pairs.

théorie considère que l’eau d’un océan primordial est à l’origine de la majeure partie des objets géologiques observables sur Terre. Ainsi les roches de la croûte terrestre, y compris granite et basalte seraient issus d’un phénomène de précipita-tion chimique et mécanique. Le retrait de cet océan primordial expliquerait que l’on puisse voir ces structures dans le paysage. La force de cette théorie repose principalement sur un personnage important de la géologie naissante, Werner, qui a beaucoup étudié les terrains du massif du Harz en Allemagne. Ces terrains, qui n’ont quasiment pas été touchés par la tectonique ni par le magmatisme fournissent des arguments forts du point de vue sédimentaire et stratigraphique (nous utilisons les termes actuels). La théorie neptunienne, assez fortement inspirée de principes posés par Sténon (Ellenberger, 1994, p. 271) positionne les objets géologiques dans les temps linéaires en construisant des explications physiques sur leur origine. On pourrait penser trouver ici l’origine d’une chronologie véritablement historique mais Rudwick (1997) considère que la contingence manque à cette histoire. La seule succession de causes physiques expliquant la mise en place de ces objets géologiques empêche de véritablement s’engager dans une chronologie. Il n’en reste pas moins que le Neptunisme pose les bases fondamentale de la stratigraphie en envisageant le temps comme irréversible. Il est alors possible de percevoir, au travers des archives géologiques, la continuité verticale qui constituera un des principes fondamentaux de la géologie moderne : le principe de superposition, qui représente la configuration

spatiale des temps linéaires (que l’on pourrait représenter par une flèche — c’est

habituel — du bas vers le haut).

Cette distinction entre temps linéaires et temps cycliques nous amène maintenant à envisager d’autres formes de temps, que l’on ne trouve que dans les sciences historiques telles que la géologie et dont le matériau constitutif est soit inexistant (le « temps vide ») soit hétérogène (le temps saccadé) ».

1.2.3.3 Des formes de temps fréquentes en géologie : temps vide et temps saccadé

Le temps « vide »

Une de ces formes de temps propres à la géologie est à considérer avec intérêt particulier, notamment de par son opposition au temps historique : le temps « vide ». Ce terme que nous empruntons à Ellenberger (1994, p. 33) traduit les durées abstraites, an-historiques, vides d’événements, que l’on peut trouver dans les textes anciens. Un certain nombre de textes proposent en effet des explications qui ne mobilisent aucune temporalité. Comment expliquer dès lors une telle mise à l’écart du temps ?

Les raisonnements rationnels sur le réel écartent le temps subjectif afin de construire des explications objectives, basées sur la logique. Cela rejoint ce que

nous avons évoqué précédemment sur le recours à la logique dans la recherche des possibles : le possible logique est par définition hors du temps. En fait le temps étant intrinsèquement associé à l’existence humaine, il est inévitablement subjectif, et de ce fait il ne peut être un élément du raisonnement objectif de la science. Tout au plus il peut être mesuré afin de quantifier les processus étudiés. Mais nous avons dit également que dans la recherche de possibles ontologiques, la question du temps posait moins de problème dans la mesure où l’on se préoccupe de l’actualisation des objets géologiques et donc de leur production en tant qu’objet du réel dans l’existence humaine. Le temps devient donc nécessaire dès lors qu’il s’agit d’organiser des événements dans un ordre chronologique. Cela pourrait passer pour une tautologie d’affirmer que le temps est nécessaire pour construire une chronologie (nous pourrions inverser l’assertion en disant que la chronologie est nécessaire pour que le temps linéaire se construise). Nous préférons y voir le besoin fondamental d’une articulation entre temps et événements. Le temps (linéaire), c’est ce qui impose la direction, les événements construisant la matière du temps. Car rappelons que le temps ne se perçoit pas. Seul l’instant est perceptible. Nous ne percevons le temps qu’au travers des événements que nous construisons et que nous organisons le long d’une « flèche du temps ».

Le temps vide, c’est le temps sans événement. Cela renvoie à l’une des apories du temps : que se passe-t-il si rien ne se passe ? Notre perception ne nous permet pas de détecter des événements dans tous les contextes du monde. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne s’y produit rien. Nous comprenons ainsi que le temps historique est celui qui se peuple d’événements le long d’une histoire en construction. Et nous comprenons de nouveau la relation qui unit événement et durée : la durée semble dépendre de la quantité d’événements qui la compose.

Pourrions-nous aller jusqu’à considérer que le temps historique est un temps « plein » ? « Plein » d’événements ? Nous avons à creuser cette dimension, en nous posant la question de l’épaisseur du temps. Pour le dire autrement : de quoi est fait le temps ? Quel matériau lui donne sa nature, sa texture ? Peut-on réduire le temps historique à la seule accumulation d’événements « dans le temps » ? Car il ne semble pas raisonnable de considérer le temps comme un « stock » d’événements ! N’y-a-t’il pas, au delà de cette approche quantitative du temps, une façon de considérer le temps dans sa nature organisée ? Ne peut-on pas dégager des modalités d’organisation du temps ? Comment les événements s’organisent-ils le long des temps linéaires ? Quelles relations développent-ils entre eux le long de ces temps linéaires ?

Quelle configuration du temps peut-on dégager d’une telle lecture de l’histoire ? Assurément ici, nous avons quitté le temps vécu pour nous engager davantage dans le temps « configuré », le temps qui est plein d’une organisation, qui lui confère non seulement son « épaisseur » mais également une forme de rationalité. Nous

aurons l’occasion de revenir dans le détail sur cette dimension dans notre approche théorique du récit.

Le temps « saccadé »

Le temps qui nous intéresse, rappelons-le est celui de la durée. La durée, c’est le temps construit. C’est le temps qui s’organise.

La dimension que nous abordons ici est celle qui confère au temps des durées « contractées ». Il existe en effet dans l’histoire de la géologie un ensemble d’épisodes qui alternent entre des durées longues, presque an-historiques, et des périodes qui concentrent des événements exceptionnels, et en général catastrophiques, qui représentent des jalons importants dans une histoire dirigée, mais pouvant présenter des formes cycliques. Ce temps « saccadé » nous montre à nouveau que l’épaisseur du temps dépend principalement des événements qui y « vivent ».

Ainsi, dans la géologie d’avant le XIXe, si tant est que l’on puisse la considérer comme géologie, les catastrophes constituent les événements de l’histoire du monde.