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La géologie tente d’expliquer les phénomènes qui se produisent sur Terre en recourant à deux démarches qui se complètent : une démarche fonctionnaliste qui recherche le fonctionnement du système Terre, et un démarche historique qui cherche à reconstituer son histoire.

La Terre est considérée comme subissant des processus dont les causes sont les mêmes actuellement que par le passé : c’est le principe des causes actuelles. Ces causes sont considérées comme identiques en nature et en intensité : c’est le principe de l’uniformitarisme. Mais dans un monde en évolution, il existe des

limites à ces principes, liées à la complexité des phénomènes et au fait que, une fois produit, ces phénomènes ont changé le monde. Le monde d’avant n’est désormais plus le même que le monde d’après ces phénomènes. L’uniformitarisme s’oppose au catastrophisme, qui n’est dès lors pas nécessaire si les temps longs sont mobilisés pour expliquer les phénomènes très lents à l’échelle humaine.

Les raisonnements qui sont utilisés en géologie dépendent du cadre dans lequel ils se mettent en place. Dans un cadre nomologique, la géologie a recours à la démarche hypothético-déductive : elle s’inscrit dans un cadre légale (les énoncés dépendent des lois et/ou règles qui sont applicables dans ce cadre). Dans un cadre historique, la géologie mobilise principalement le raisonnement abductif, qui met en cohérence les faits entre eux et permet une lecture rétrodictive des événements du passé.

La recherche des causes en géologie suppose donc d’articuler causalité fonction-naliste et causalité historique.

CONCLUSION

Le problème de départ posé par les situations que nous étudions est : comment raconter une histoire géologique en exploitant l’espace naturel dans lequel on se trouve ?

L’histoire géologique se construit sur des indices géologiques. Mais ces indices géologiques sont des objets géologiques ayant un sens donné, dans un cadre théorique de référence. Le message « contenu » dans les indices est donné par l’actualisme : c’est en quelques sorte lui qui fait parler les traces et les construit comme indices en mobilisant des causes actuelles pour expliquer le passé.

Les indices sont des objets du réel. La construction de ces objets en tant qu’objets géologiques dépend du rapport que la géologie a avec le réel. Le réel en science n’est pas limité au réel sensible. Le réel est constitué de l’actuel (ce qui est « expérimen-table » au sens large) et du non-actuel (qui relève de la virtualité). Cela signifie que les objets du monde pré-existent dans des virtualités. Il est donc nécessaire de maitriser ces virtualités pour maitriser le réel. La géologie, qui tente de reconstituer une histoire des objets géologiques doit donc explorer ces virtualités.

Mais les indices ne sont pas seulement des objets du réel, ayant une existence dans l’espace. Ils existent également dans le temps, entre leur origine et le moment où ils s’actualisent dans le réel sensible. La reconstitution historique nécessite donc que l’on positionne les indices dans les temps géologiques.

Mais ce temps est peu accessible à l’entendement et il ne se perçoit pas : ce sont les instants qui nous donnent la notion du temps. Les temps des scientifiques également ne sont pas des temps perçus. Ce sont eux aussi des temps construits ; et ils sont fortement contrôlés. Nous nous appuyons sur l’hypothèse que le temps cyclique est le temps du microscopique, temps des phénomènes. Le temps linéaire est lui un

temps émergent , à l’échelle macroscopique. C’est le temps des événements. Cela

signifie qu’il y a un temps des causes physiques (temps cyclique => phénomènes) et un temps des causes géologiques (temps linéaires => événements). Mais une autre forme importante de temps existe en géologie, qui répond au problème de la lenteur des phénomènes géologiques : les temps longs sont nécessaires pour expliquer les structures géologiques de grande ampleur telles que les chaînes de montagnes.

Dans les situations d’« éducation non-formelle » (Jacobi, 1987b) que nous étu-dions, la mobilisation des savoirs géologiques entre un médiateur et son public suppose que l’on étudie les modalités de la mise en œuvre de tels savoirs géologiques. Il s’agit donc pour nous de mettre en évidence les enjeux didactiques qui sont engagés dans la reconstitution d’une histoire géologique sur le terrain.

Les enjeux sont donc pour nous organisés autour de trois niveaux de questionne-ments :

virtualités géologiques ? Comment actuel et non-actuel sont-ils mis en œuvre et partagés au travers du discours du médiateur ?

 Comment les temps géologiques s’organisent-ils par mise en cohérence des

évé-nements géologiques ? Comment le médiateur prend-il en compte la difficulté de perception/conception des temps, notamment des temps long géologiques ?

 Comment l’histoire géologique est-elle reconstituée au travers d’une mise

en récit qui répond aux enjeux de rationalité des savoirs géologiques ? Et comment, par le récit, le médiateur fait-il émerger les temps longs géologiques nécessaires à la compréhension des événements géologiques ?

De tels questionnements formulés dans leur cadre épistémologique, renvoient ainsi à la problématique générale à laquelle nous sommes attachés dans ces recherches et qui se posent en terme de reconstitutions historiques impliquant le réel , le temps et la méthodologie mettant en œuvre ces deux éléments entre le cadre légal qui régit les phénomènes géologiques (les lois) , et le cadre historique dans lequel peuvent être reconstitués les événements. Mais après avoir considéré ce triptyque

réel / temps / loi et histoire, du point de vue de la construction des savoirs par les

géologues, nous devons l’aborder maintenant dans le cadre plus spécifique de sa mise en œuvre dans les explications, les interprétations, les apprentissages de la géologie, et notamment dans le contexte spécifique que nous étudions, en l’occurrence : les

ENJEUX DIDACTIQUES DES