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Problème de décision en univers risqué

Les données d’un problème de décision en univers risqué comportent les éléments suivants :

• Un ensemble d’états de la nature, noté S et un ensemble de parties de S, noté A qui a les propriétés d’une σ-algèbre.

• Une mesure de probabilité, notée P, sur (S, A).

• Un ensemble de conséquences, supposées monétaires et représentant un sous-ensemble de ℝ, noté C. • Un ensemble de décisions, noté X. À chaque décision est associée une variable aléatoire qui, à chaque état de la nature, associe une conséquence.

Dans ce cadre, à chaque décision peut être associée une variable aléatoire qui, à chaque état de la nature, associe une conséquence. Il est, aussi, possible d’associer à chaque décision, une loi de pro-babilité. Cette dernière associe, à chaque conséquence d’une décision, la probabilité d’obtenir cette conséquence avec la décision prise.

Dans ce chapitre, nous ferons l’hypothèse d’un nombre fini de conséquences. L’ensemble des lois de probabilité (appelées loteries dans ce cas) sera noté L.

Représentons maintenant le problème de choix en univers risqué de Léia. Notons que l’ensemble des états de la nature comporte la liste de tous les états de la nature (événements élémentaires) possibles, dont un seul se réalisera. L’événement « plus de 10 jours de mauvais temps à la Baule en juillet » n’est pas un événement élémentaire. Les événements élémentaires sont obtenus en spécifiant le temps à La Baule et à Palavas les Flots.

Pour le problème considéré ici, l’ensemble S des états de la nature est donc : S = {MTB∩MTP, MTB∩BTP, BTB∩MTP, BTB∩BTP}, avec MTB représentant un mauvais temps à La Baule, BTB le beau temps, MTP un mauvais temps à Palavas les Flots et BTP le beau temps.

Nous supposons, pour simplifier, que La Baule et Palavas sont suffisamment éloignées pour que leurs conditions météorologiques soient indépendantes. Léia sait que P(MTB) = 0,5 et P(MTP) = 0,25. D’après la théorie des probabilités, si les événements E et F sont indépendants, alors P(E∩F) = P(E) × P(F). En conséquence, la mesure de probabilité, P, est donnée par : P(MTB∩MTP) = 1/8, P(BTB∩MTP) = 1/8, P(MTB∩BTP) = 3/8 et P(BTB∩BTP) = 3/8.

L’ensemble des conséquences C est donné par C = {700, 1 200, 1 400, 1 500} L’ensemble des décisions X est donné par X = {A, B} où A correspond à la déci-sion {choisir l’emploi à la Baule} et B {choisir l’emploi à Palavas}.

Les valeurs des variables aléatoires associées à ces deux décisions sont données dans le tableau 7.1.

MTB∩MTP MTB∩BTP BTB∩MTP BTB∩BTP A 1 200 1 200 1 400 1 400

B 700 1 500 700 1 500

▲ Tableau 7.1 Variables aléatoires associées aux deux décisions possibles de Léia

L = {PA, PB} avec Pi :C → [0, 1], i = A, B

Les valeurs des deux lois de probabilités sont données dans le tableau 7.2.

700 1 200 1 400 1 500

PA 0 1/2 1/2 0

PB 1/4 0 0 3/4

unod –

Toute r

epr

oduction non autorisée est un délit.

Notation

Soit PX la loi de probabilité associée à une décision X telle que PX (xi) = pi, i = 1, …, n. Pour alléger les notations et résumer facilement l’ensemble des caractéristiques d’une décision, nous noterons PX = (x1, p1 ; x2, p2 ; … ; xn, pn).

1. 1 Attitudes vis-à-vis du risque

La présence de risque rend les choix plus complexes à étudier. Les individus peuvent intégrer le risque dans la prise de décision de différentes façons. Généralement, les économistes considèrent que les consommateurs ont de l’aversion pour le risque. Qu’est ce que cela signifie ? Intuitivement, un individu n’aime pas le risque s’il préfère une situation ne comportant aucun risque (dans laquelle les conséquences de ces décisions sont parfaitement connues) à une situation risquée (dans laquelle il ne connaît pas les conséquences de ses décisions). Cependant, certaines situations risquées peuvent permettre des gains toujours plus élevés qu’une situation sans risque. Par exemple, si nous avons la possibilité de jouer gratuitement à un jeu de pile ou face nous permettant de gagner 100 euros si la pièce tombe sur pile et 50 euros sinon, nous accepterons toujours de jouer que nous aimions ou non les situations risquées.

Une définition de l’aversion pour le risque nécessite de considérer le choix d’un individu entre une situation risquée et une situation sans risque « comparable ». Mais, que signifie une situation comparable ? Le plus simple, et intuitif, est de considérer que deux situations sont comparables si elles sont caractérisées par un gain moyen identique. Le gain moyen est obtenu en prenant l’espérance mathématique de la variable aléatoire correspondant à la décision risquée.

Définition 2

Attitude vis-à-vis du risque

Un individu a de l’aversion pour le risque1 si, à toute décision comportant du risque, il préfère la décision sans risque dont le gain (unique) est égal à l’espérance de gain de la décision risquée.

Un individu est neutre vis-à-vis du risque si, pour toute décision compor-tant du risque, il est indifférent entre cette décision et la décision sans risque dont le gain (unique) est égal à l’espérance de gain de la décision risquée.

Un individu a du goût pour le risque s’il préfère toute décision comportant du risque à la décision sans risque dont le gain (unique) est égal à l’espérance de gain de la décision risquée.

Formulation mathématique : Soit une situation risquée représentée par la variable aléatoire X. Nous noterons directement E(X), la variable aléatoire dont la conséquence unique est l’espérance de gain de X. Un individu dont les préférences sont ≽1 :

est adversaire du risque si, pour tout X ∈ X, E(X) ≽ X ;

est neutre au risque si, pour tout X ∈ X, E(X) ~ X ;

a du goût pour le risque si, pour tout X ∈ X, X ≽ E(X).

La définition précedente nous permet d’identifier les individus comme « adversaires du risque », « aimant le risque», ou « neutres ».

L’intensité de l’aversion ou du goût pour le risque peut être mesurée grâce aux concepts d’équivalent certain et de prime de risque que nous allons maintenant définir.

Définition 3

Équivalent certain

L’équivalent certain d’une décision risquée est la richesse certaine qui rend le décideur indifférent entre obtenir la décision risquée et obtenir cette richesse certaine.

Formulation mathématique : Soit X ∈ X, une décision risquée. L’équivalent certain de X est un nombre, noté CE(X), tel que CE(X) ~ X.

Pour une même décision risquée, deux individus n’auront pas forcément le même équivalent certain puisqu’il dépend des préférences individuelles. Plus précisément, il existe un lien étroit entre sa valeur et l’attitude dans le risque. L’équivalent certain d’un individu adversaire du risque est inférieur à l’espérance de gain de la décision associée. Cela signifie que cet individu serait prêt à échanger sa situation risquée contre une situation certaine lui permettant d’obtenir un gain inférieur au gain moyen. Il serait donc prêt à payer pour se retrouver dans une situation certaine. La prime de risque mesure la disponibilité à payer d’un individu pour éliminer un risque et obtenir une situation certaine. Elle permet également de comparer l’attitude vis-à-vis du risque de deux décideurs.

1 Nous supposons ici que les individus sont capables de comparer toutes les décisions possibles. Les propriétés de leurs relations de préférence sont présentées et discutées section 1.2.1.

unod –

Toute r

epr

oduction non autorisée est un délit.

Définition 4

Prime de risque

La prime de risque mesure le montant maximal qu’un décideur est prêt à payer pour échanger une décision risquée X contre une décision lui donnant le montant E(X) avec certitude.

Formulation mathématique : Soit X une décision risquée. La prime de risque ΠX est le montant certain tel que la loterie certaine procurant E(X) – ΠX est équivalente à la loterie risquée X : E(X) – ΠX ~ X.

1. 2 Le modèle d’espérance d’utilité

La construction d’un critère de choix dans un ensemble de décisions dans le risque nécessite tout d’abord d’identifier les points communs et les différences entre ce problème de décision et le problème classique de choix du consommateur dans le certain. Dans ce dernier cas, l’ensemble de choix du consommateur est composé de paniers de biens. S’il choisit un panier, il est sûr d’avoir les quantités de chaque bien contenues dans ce panier. Nous avons vu que le décideur est supposé capable de comparer chaque couple de paniers et que ses goûts peuvent se traduire par une relation de préférence. Si cette relation de préférence vérifie un certain nombre de propriétés (axiomes), elle peut être représentée par une fonction d’utilité qui, à chaque panier, associe une valeur numérique, compatible avec l’ordre de préférence des paniers ( chapitre 6). Dans le risque, les paniers de biens ne sont plus « certains ». Dans ce cas, l’ensemble de choix d’un individu est composé de décisions, remplaçant les paniers dans le certain, pouvant être représentées par des variables aléatoires ou par des loteries.

1.2.1 Préférences dans le risque et fonction d’utilité

À chaque décision sont associées, une ou plusieurs conséquences monétaires1. Contrairement au choix classique du consommateur, si une décision est choisie, le consommateur ne sait pas à l’avance quel montant monétaire il aura. Seules les vraisemblances (mesurées par des probabilités) de ces montants sont connues. Nous supposons que l’individu est capable de comparer chaque couple de décisions ou chaque couple de variables aléatoires. Nous allons procéder de manière similaire au cas d’un univers certain. Autrement dit, nous allons introduire des axiomes sur la relation de préférence sur les décisions. Tout d’abord, nous supposons que la

relation de préférence du décideur vérifie les mêmes propriétés que dans la théorie du consommateur. Ainsi, nous pouvons montrer qu’elle peut être représentée par une fonction, unique à une transformation croissante près. Un axiome supplémen-taire, spécifique au contexte de décision dans le risque, permet de donner une forme plus précise à la fonction d’utilité représentant ces préférences.

Supposons qu’un individu classe dans le risque les différentes décisions possibles à l’aide d’une relation de préférences notée ≽. Rappelons qu’il est possible, à chaque décision, d’associer une variable aléatoire et une loi de probabilité. En supposant que la variable aléatoire et la loi de probabilité associée contiennent toutes les informations relatives à la décision considérée, nous faisons l’hypo-thèse dite « de neutralité ».

Hypothèse de neutralité (HN)

Deux décisions induisant les mêmes variables aléatoires et les mêmes lois de probabilité sont considérées comme équivalentes et tout individu est indifférent entre elles.

Cette hypothèse permet de construire de façon naturelle une relation de pré-férence sur l’ensemble des lois de probabilité à partir des prépré-férences sur les décisions. Nous utilisons, dans la suite, uniquement la relation de préférences ≽ sur l’ensemble des lois de probabilités L.

Avant de présenter les axiomes garantissant l’existence d’une fonction repré-sentant les préférences dans le risque, nous avons besoin de définir le concept de combinaison convexe (ou de mélange) de deux lois.

Définition 5

Combinaison convexe de deux lois de probabilité

La combinaison convexe de deux lois de probabilité est une loi de probabilité qui, à chaque conséquence, associe une probabilité égale à la somme pondérée des probabilités de cette conséquence pour chacune des deux lois initiales. Formulation mathématique : Soient PX, PY ∈ L et a ∈ [0, 1].

La combinaison convexe de PX et PY de coefficient a est une loi de probabilité, notée aPX + (1 – a)PY ,telle que, pour tout x ∈ C,

(a PX + (1 – a)PY)(x) = a PX(x) + (1 – a)PY(x)

Reprenons notre exemple. Supposons que Léia a également la possibilité d’effec-tuer un stage en entreprise durant l’été. Elle a une chance sur deux de trouver un stage. Dans ce cas, elle décide d’accepter le stage et de ne pas travailler dans un restaurant. La rémunération du stage est également aléatoire. Léia sait qu’elle peut être rémunérée 600 euros avec une chance sur trois ou 900 euros avec

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Toute r

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oduction non autorisée est un délit.

deux chances sur trois. La loi de probabilité qui correspond à la rémunération du stage, notée PC, s’écrit donc : PC = (600, 1/3 ; 900, 2/3).

La réponse de Léia quant aux emplois d’été doit être envoyée aux employeurs avant qu’elle ne sache si elle obtient un stage ou non.

En prenant en compte la possibilité de trouver un stage et les caractéristiques de ce stage, ses décisions sont désormais décrites, non plus par PA et PB, mais par 1P + P

2 A 12 C (avec 1 chance sur 2, Léia accepte l’emploi à La Baule et avec 1 chance sur 2, elle part en stage) et 1P + P

2 B 12 C (avec une chance sur deux, Léia accepte l’emploi à Palavas et avec 1 chance sur 2, elle part en stage) (valeurs données dans le tableau 7.3). 600 1 200 1 400 P P 1 2 1 2 A+ C 1× 2 1 3= 1 6 1× + × 2 1 2 1 2 2 3= 7 12 1× 2 1 2= 1 4 600 700 1 200 1 500 P P 1 2 1 2 B+ C 1× 2 1 3= 1 6 1× 2 1 4= 1 8 1× 2 2 3= 1 3 1× 2 3 4= 3 8

Les axiomes suivants sont la transposition, dans un problème de décision dans le risque, des axiomes du consommateur, présentés dans le chapitre 5.

La relation de préférence ≽ est définie sur l’ensemble L des distributions de probabilité associées aux décisions possibles.

Axiome 1. Pré-ordre total : la relation de préférence, ≽, est complète, réflexive et transitive.

Axiome 2. Continuité : la relation de préférence, ≽, est telle que : pour tous PX, PY, PZ ∈ L tels que PX ≽ PY ≽ PZ, il existent a, b ∈ ]0,1[ tels que : aPX + (1 – a)PZ ≽ PY ≽ bPX + (1 – b)PZ .

Axiome 3. Monotonie : la relation de préférence, ≽ vérifie : pour tous PX, PY ∈ L, tels que PX(cX) = 1 et PY(cY) = 1, cX, cYC PX ≽ PY ⇔ cX  ≥ cY.

Ces trois axiomes, transposés directement de la théorie du consommateur, garantissent la représentation des préférences dans L par une fonction d’utilité U croissante et unique à une transformation croissante près.

Attention ! Il ne faut pas

confondre combinaison convexe de lois et somme pondérée de variables aléatoires.

◀ Tableau 7.3 Combinaisons convexes de deux lois de probabilité

L’axiome suivant permet de préciser la forme de la fonction U en univers risqué. Il garantit la séparabilité de U par rapport aux différentes conséquences et sa linéarité par rapport aux probabilités. Commençons par justifier la séparabilité. Une seule des conséquences se réalisera, l’utilité marginale de chaque consé-quence ne doit donc dépendre que de la richesse initiale et de la probabilité de cette conséquence et non pas des autres conséquences. Concernant la linéarité en probabilité, elle vient du fait qu’il est supposé que chaque conséquence a un certain poids, dans le critère de décision, et que ce poids est exactement égal à sa probabilité. Toute perception « subjective » des probabilités est donc exclue du modèle1.

Axiome 4. Indépendance : la relation de préférence, ≽, vérifie : pour tous PX, PY, PZ ∈ L et tout α ∈ [0,1]:

PX ≽ PY⇔ αPX + (1 – α )PZ ≽ αPY+ (1 – α )PZ .

Ce dernier axiome signifie que le choix entre X et Y n’est pas influencé (est indépendant) par une autre perspective Z qui peut se réaliser avec une proba-bilité 1 – α.

D’après cet axiome, si Léia préfère l’emploi A à l’emploi B, elle continuera à préférer A à B, lorsqu’elle prendra en compte la possibilité de trouver un stage. Plus précisément, si on note ≽L la relation de préférence de Léia, nous aurons :

PA L PB⇔ 0,5PA + 0,5PCL 0,5PB + 0,5PC

F o C U S