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Chapitre 1 : Le contexte de notre recherche : la séquence ERC et les mesures compensatoires

3. Opérationnalité des ME développées en France

3.2. Prise en compte des enjeux opérationnels

Cette partie fait l’objet d’une publication dans la revue Vertigo : Mechin et Pioch, 2019 « Séquence ERC : comment améliorer l’utilisation des méthodes de dimensionnement de la compensation ? »

Toutes ces ME sont développées en réponse au besoin des acteurs/utilisateurs de la séquence ERC, et sont destinées à leur être utiles, donc utilisées. Nous constatons ici qu’elles ne sont donc pas uniquement des résultats ou objets de recherche, quand bien même leur conception est confiée à des groupes de travail comprenant des chercheurs.

Ayant identifié l’enjeu opérationnel auquel doivent répondre ces ME, nous avons réalisé une première analyse de la prise en compte de cet enjeu dans les documents les accompagnant. Cette analyse a été menée sur les documents exposant et argumentant le fonctionnement des ME que nous venons d’identifier, et relatant de façon plus ou moins détaillée, le processus de développement. Ces documents peuvent être des thèses, des guides d’utilisation, des rapports rendant compte de leur conception, et des articles scientifiques.

Pour le groupe de travail national MTES-AFB, il s’agit de la lettre de mission émise par le MTES aux membres du groupe ainsi que la présentation de l’analyse des méthodes existantes produite par l’AFB, lors de la première réunion du groupe.

Il s’agit de répondre aux questions suivantes :

1. Est-ce que l’opérationnalité est bien affichée comme un objectif par les concepteurs ? 2. L’opérationnalité est-elle explicitée, définie ?

3. Est-ce que les concepteurs mentionnent des références bibliographiques sur lesquelles ils se seraient appuyés pour atteindre cet objectif ?

Les résultats de notre analyse documentaire sont détaillés dans les tableaux 4 et 5. Ils montrent que les concepteurs affichent tous pour objectif de proposer un outil qualifié d’« opérationnel ». L’objectif est toujours formulé et parfois détaillé. Dans 2 cas sur 7, cet objectif est accompagné d’une référence bibliographique (et une seulement).

Cela nous conduit à faire l’hypothèse que les concepteurs ont traité l’objectif

d’opérationnalité de façon plus ou moins intuitive, pour reprendre à notre compte le constat

fait par Hak et al. (2012) dans un autre contexte, celui de l’évaluation de la qualité des indicateurs de développement durable.

En ce qui concerne les méthodes MERCIe et MERCI-Cor, dont nous avons conduit le développement, nous pouvons confirmer cette hypothèse. Nous nous sommes seulement appuyés sur des collaborations avec les acteurs de terrain et sur notre propre expérience. Pour la méthode développée par Bezombes et al., les concepteurs ont recherché dans la littérature des références pour traiter l’objectif d’opérationnalité qu’ils s’étaient donné, mais ils n’en ont trouvé qu’une seule (Cf. tableau 5) et ont donc aussi travaillé en se fiant à leur intuition (Bezombes, Com. Pers.). Nous pouvons supposer qu’il en est de même pour les autres équipes de conception.

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3.3.

Conclusion

Plusieurs initiatives de conception de ME existent en France. Les équipes de conception associent chercheurs ou experts et acteurs de terrain. Toutes affichent l’opérationnalité comme une des qualités attendues de la ME développée. Cependant, l’analyse des documents associés à ces méthodes ne font pas ressortir de démarche clairement et solidement pensée pour l’opérationnalité et nous conduit à faire l’hypothèse que l’exigence d’opérationnalité est traitée avec une approche intuitive.

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Tableau 4 : Prise en compte des enjeux opérationnels par les concepteurs des méthodes françaises

Méthode Formulation de l’objectif d’opérationnalité dans les documents associés aux méthodes

Mitimed Formulation explicite mais pas détaillée :

« Approche opérationnelle », « méthode opérationnelle »

Merci-Cor Formulation explicite mais pas détaillée : « approche très opérationnelle »

MERCIe Formulation explicite mais pas détaillée : « Approche opérationnelle »

Méthode nationale fonctions zones humides (MNFZH)

Formulation explicite, détaillée au travers des critères listés ci-contre : « Une méthode conçue pour être opérationnelle »

« La méthode doit être pragmatique, opérationnelle et adaptée à des situations variées » (p. 13)

Ecoval Formulation explicite et détaillée :

Le cadre méthodologique devra être « opérationnel (Laycock et al., 2013) afin de pouvoir être utilisé par les acteurs impliqués dans la compensation dans un temps et un coût raisonnables en cohérence avec leurs compétences techniques » (page 31)

Méthode dommages écologiques de moindre gravité (DMG)

Formulation explicite et détaillée des caractéristiques attendues de la méthode : La méthode « doit être « simple, rapide, robuste et réplicable »

GT Approche standardisée nationale Formulation explicite dans la lettre de mission du MTES adressée aux membres du groupe de travail piloté par le CGDD et l’AFB

Tableau 5 : Références bibliographiques citées par les concepteurs pour l'objectif d'opérationnalité des ME Méthode Mention de références bibliographiques pour l’opérationnalité

Mitimed Aucune

Merci-Cor Aucune

MERCIe Aucune

MNFZH Fennessy et al., 2007 An evaluation of rapid methods for assessing the ecological condition of wetlands

Ecoval Laycock et al., 2013 Biological and operational determinants of the effectiveness and efficiency of biodiversity conservation programs

DMG Aucune

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Encadré 4 : Les ME existantes au niveau international

Alors que 37 pays dans le monde ont mis en place une réglementation imposant ou incitant à l’application de la séquence ERC, plusieurs d’entre eux sont déjà dotés de ME de référence. C’est le cas en particulier des Etats-Unis où de nombreuses méthodes de dimensionnement des mesures compensatoires pour les zones humides ont été développées depuis 30 ans d’après Pioch et al. (2015) qui en ont recensées 24. Leur important développement correspond au renforcement des exigences réglementaires vis-à-vis des zones humides et à l’organisation du marché de la compensation (Ibid.). Elles sont connues sous le nom de Rapid Assessment Method (RAM) et ont inspiré notamment le développement des méthodes MNFZH (Gayet et al., 2016b) et MERCIe (Mechin et Pioch, 2016). Elles sont en général rattachées à un État (par exemple la Floride pour Uniformized Mitigation Assessment Method). Elles nécessitent d’une ½ journée à plusieurs jours pour être appliquées (Pioch et al., 2015). Plus récemment, ce sont des méthodes ciblant les cours d’eau qui se sont développées selon le CGDD et al., (2018) qui en ont identifié 19.

Bezombes et al. (2017) identifient également des méthodes en Australie, au Canada, en Allemagne, en Angleterre. Sur les 13 méthodes qu’ils ont étudiées, ils ont constaté que toutes reposaient sur une comparaison de pertes et de gains entre le site impacté et le site de compensation. Ils distinguent des méthodes généralistes et des méthodes ciblant un type d’écosystème particulier (zones humides, lacs, forêts endémiques d’Australie). Elles peuvent également différer les unes des autres en fonction des contextes réglementaires des pays dans lesquelles elles s’appliquent.

Ainsi, il existe une grande diversité de méthodes qui peuvent inspirer les concepteurs de ME françaises.

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