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Chapitre 1 : Le contexte de notre recherche : la séquence ERC et les mesures compensatoires

1. La réglementation française

1.4. Emergence du besoin de méthodes d’évaluation des mesures compensatoires

compensatoires (ME)

Le calcul du ratio compensatoire à l’aide d’une ME constitue une nouveauté dans les Lignes Directrices. En effet, jusque-là, des ratios fixes, déterminés à l’avance étaient utilisés.

Ces ratios fixes s’appliquent aux surfaces des zones aménagées et des zones de compensation sans tenir compte d’aucun paramètre écologique propre à ces zones. Un ratio de 1 pour 2 signifie que la surface de la zone de compensation doit être deux fois plus grande que la surface de la zone impactée, sans tenir compte de l’état écologique des zones en question ou

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020

Evolution du nombre de parutions annuelles de guides et rapports accompagnant la mise en oeuvre de la séquence ERC

Nombre de parutions de guides et rapports Cumul

Arrêté Espèces Protégées Lignes Directrices Publications des premières ME

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du niveau des impacts. La Doctrine Nationale insiste pour abandonner cette pratique : « En

dehors des cas où leurs minimums sont prévus au niveau de textes ou de documents cadre (SAGE, SDAGE, etc.), les ratios ou coefficients d’ajustement ne sont pas utilisés de manière

systématique et ne constituent pas une donnée d’entrée. Lorsqu’ils sont utilisés pour

dimensionner une mesure compensatoire, ils doivent en effet être le résultat d’une démarche analytique visant à atteindre les objectifs recherchés et intègrent :

• la proportionnalité de la compensation par rapport à l’intensité des impacts ; • les conditions de fonctionnement des espaces susceptibles d’être le support des

mesures

• les risques associés à l’incertitude relative à l’efficacité des mesures ;

• le décalage temporel ou spatial entre les impacts du projet et les effets des

mesures. »

(Extrait de : Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), 2013, p. 11)

En effet, on retrouve dans les documents guidant les pratiques avant la parution des Lignes Directrices, des références à ces ratios fixés à l’avance. La doctrine de la DIREN PACA8 qui date

de 2009 (Cf. figure 8) fait référence à des ratios fixes, déterminés a priori, de même qu’une note de la DREAL Franche Comté et du Ministère de l’écologie de 2011.

Pour la compensation des zones humides, les SDAGE9 imposent des ratios qui varient de 100%

à 200% de la surface de zone humide impactée. Ainsi, un guide de la DREAL Bretagne de 2012 rappelle les ratios fixés par le SDAGE du bassin Loire-Bretagne (DREAL Bretagne, 2012, p.15)

« En fonction de la qualification de l’impact, la mesure devra intégrer des « ratios ». Ces ratios demandent des calculs dont les unités doivent être les mêmes que celles utilisées lors de la quantification ou la qualification des impacts. Aujourd’hui, il est clair que l’unité de mesure reste essentiellement la surface. Pour autant, cette unité est loin d’être unique car d’autres facteurs interviennent dans l’évaluation de la sensibilité des milieux et des espèces à un projet.

Les facteurs suivants doivent être également analysés même si ceux-ci ne peuvent pas faire l’objet d’une quantification :

- La diversité et la patrimonialité des habitats ou espèces impactées, le maintien de la fonctionnalité, en favorisant la connectivité entre des espaces naturels au lieu de stimuler des îlots de conservation,

- la cohérence écologique des aires de répartition de ces espèces et habitats, celles impactées par le projet et celles bénéficiant des mesures compensatoires,

- le maintien ou le développement de services rendus par les milieux ainsi compensés (production, Tourisme)…

Si ces facteurs sont importants, la surface de la mesure compensatoire reste le principal élément de discussion. Elle exprime « la valeur patrimoniale » de la perte observée. Plus un habitat ou une espèce a une valeur patrimoniale forte, plus la surface à compenser sera multipliée par un ratio important, et ce quelle que soit la valeur de la surface consommée. Les ratios observés jusqu’à présent peuvent atteindre une valeur de 10 ha compensés pour 1 ha consommé. »

Figure 8 : Extrait de la doctrine de la DIREN PACA (2009), p. 16

Ainsi, au début des années 2010, si sur le terrain les mesures compensatoires sont dimensionnées à l’aide de ratios surfaciques fixes, les instances nationales commencent à

recommander de recourir à des méthodes de dimensionnement, au travers des Lignes

Directrices.

8 Direction Régionale de l’Environnement de Provence-Alpes-Côte d‘Azur 9 Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux

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Ces recommandations s’inscrivent dans la lignée des réflexions menées au sein des institutions et s’inspirent notamment des pratiques d’autres pays, celles des Etats-Unis en particulier. En effet, deux rapports institutionnels rendent compte des pratiques en vigueur à l’étranger, notamment en ce qui concerne l’utilisation de méthodes. Le rapport de l’Onema10 sur la

compensation des zones humides (Barnaud et Coïc, 2011) décrit une vingtaine de méthodes utilisées aux Etats-Unis. L’étude de parangonnage réalisée à la demande du ministère en charge de l’écologie sur la mise en œuvre de la séquence ERC dans le monde (Morandeau et Vilaysack, 2012) décrit également plusieurs méthodes, autres que pour les zones humides notamment. Ce dernier document relève la nécessité d’y recourir tout en reconnaissant le challenge que représente leur développement : « Mettre en place des mesures

compensatoires requiert une méthodologie d’évaluation des pertes et des gains écologiques qui, à ce jour, fait défaut dans la plupart des pays étudiés. »

« La nécessité d’une méthode robuste scientifiquement s’oppose au besoin d’une méthode accessible pouvant être mise en place dans un temps court et à moindre coût. » (Ibid, p. 56)

Sur le terrain, la préoccupation pour les ME ressort également. C’est le cas en Languedoc- Roussillon dans lequel un groupe de travail piloté par la DREAL réunit les différentes parties prenantes de la séquence ERC avec l’objectif d’améliorer les études d’impacts. Dans le compte-rendu de la réunion du 19 juin 2014, il est fait état de la « difficulté à déterminer les

surfaces à compenser, leur emplacement, les modalités de compensation, le mode de gestion, suivi. Double compétence nécessaire: foncier et écologique. Manque de méthode partagée pour l'évaluation. Problème de compréhension des méthodes de dimensionnement. » (p. 11).

Il conclut qu’ « il convient de continuer à travailler sur ces aspects dans la lignée du groupe de

travail mis en place par la DREAL, ou des travaux du CEFE - CNRS. » (p. 4). Ce constat a d’ailleurs

conduit à une collaboration avec le laboratoire du CEFE pour le développement d’une méthode baptisée « Méthode d’Evaluation Rapide de la Compensation des Impacts écologiques » (MERCIe) en 2015-2016, collaboration qui a contribué à faire émerger ce projet de thèse ( Mechin et Pioch, 2016; Jacob et Pioch, 2014). Il est intéressant de noter la remarque que fait ce groupe de travail sur la difficulté à comprendre les méthodes de dimensionnement. Cela fait écho au constat exposé dans l’introduction sur l’hétérogénéité des compétences, des connaissances et des parcours des agents des services de l’État.

Ainsi, dans le courant des années 2010, le ministère en charge de l’écologie, l’Onema puis l’AFB, et les acteurs de terrain sont unanimes sur la nécessité de se doter de véritables méthodes pour évaluer l’atteinte de l’absence de perte nette par les mesures compensatoires. Ce besoin a été repris, au sein du parlement, par le rapport de la mission sénatoriale Dantec présenté au sénat en 2017 (Dantec, 2017). La figure 9 met en parallèle les évolutions réglementaires et l’évolution des modalités d’évaluation des mesures compensatoires.