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Chapitre 2 : Démarche de recherche

1. Choix d’un cadre conceptuel

1.2. Etude comparative de plusieurs cadres théoriques

Parallèlement, nous avons exploré divers champs disciplinaires afin d’identifier celui qui serait le plus adéquat pour notre recherche (Cf. tableaux 7 et 8).

Nous avons d’abord envisagé notre sujet comme un problème relatif aux relations entretenues entre utilisateurs et concepteurs. Cela nous a amené à nous tourner vers la sociologie en général, car c’est «la science des relations sociales telles qu’elles sont imposées

et transmises par le milieu – les cadres de socialisation – et telles qu’elles sont également vécues et entretenues par les individus. » (Paugam, 2010, p. 3) et plus particulièrement la

sociologie de l’innovation (Akrich, Callon et Latour) et la sociologie de l’objet (Star, Griesemer et Vinck).

Nous avons également envisagé notre sujet comme un problème d’outil au sein d’une organisation, ce qui nous a entraîné vers les sciences de gestion (Chiapello et Gilbert, David, Martinet et Pesqueux).

Enfin, nous avons considéré notre problématique sous l’angle des tâches à accomplir dans une situation de travail en référence ici au champ de l’ergonomie (Darses et Montmollin, Falzon, Rabardel, Shackel).

Ainsi selon ces différents cadres théoriques, les ME peuvent être considérées successivement comme :

- une innovation sur un objet-technique, - un objet-frontière,

- un outil de gestion, - un outil de travail.

Notre ancrage dans la géographie nous a permis cette exploration, avec la liberté de traiter, sous différents angles et avec différents cadres conceptuels, d’un sujet complexe dans un objectif quant à lui bien précis, comprendre les enjeux opérationnels et proposer des solutions pour améliorer l’utilisation des ME dans le cadre de projets d’aménagement du territoire. Les tableaux 7 et 8 présentent les quatre cadres conceptuels étudiés relatifs à la sociologie de l’innovation, la sociologie de l’objet, les sciences de gestion et l’ergonomie et montrent comment s’est construite la réflexion sur notre question de recherche.

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Tableau 7 : Présentation synthétique des quatre cadres théoriques, l’objet d’étude disciplinaire et les concepts-clés retenus

Les ME comme Cadre conceptuel ou discipline Auteurs de référence

L’objet d’étude de la discipline Concepts-clés principaux

Une innovation Sociologie de l’innovation Callon, 2006 Latour, 1986 Akrich, 2006

Ces sociologues proposent une nouvelle approche pour étudier les sciences. Ils proposent d’étudier le processus de construction de ces réseaux, et par extension l’action en train

de se faire.

Principe de symétrie : Autant d’attention est accordée aux humains et

aux non-humains.

Réseau socio-technique : réseau constitué par les humains et les non-

humains parties prenantes du processus étudié.

Objet technique : « rapport construit entre » le « dispositif matériel » et « l’ensemble des usages qu’il remplit » (Akrich, 2013, p. 160)

Un objet- frontière ou un objet- intermédiaire Sociologie de l’objet Star et Griesemer, 1989 Trompette et Vinck, 2009; Vinck, 2009

Dans la lignée des travaux de Callon et Latour, elle met sur le même plan, humains et non-humains, en particulier, les objets. En s’intéressant aux objets, l’idée est de révéler des faits qui seraient peut-être restés inaccessibles en s’attachant uniquement aux relations entre humains ainsi qu’à leurs discours.

L’objet-frontière, matériel ou immatériel, peut se résumer à 2 fonctions

:

- la facilitation de la coopération entre acteurs issus de mondes différents et dont les possibilités de communiquer efficacement, sont à ce titre, restreintes ;

- la mise en circulation de connaissances (normes, conventions, habitudes, etc.). Un outil de gestion Sciences de gestion David, 1999 ; Martinet et Pesqueux, 2013 ; Chiapello et Gilbert, 2013

Les sciences de gestion visent « à analyser et à concevoir les

dispositifs de pilotage de l’action organisée » (David, 1999, p. 13).

La conception d’outils de gestion, ainsi que l’analyse de la prise de décision font partie de son champ de recherche.

Organisation : c’est « l’expression d’un projet de conceptualisation de la division et de la coordination du travail » (Martinet et Pesqueux, 2013, p. 111) Elle est un « fragment » de ce que les sciences de gestion considèrent comme « le continuum individu-groupe-communauté-

entreprise-organisation-institution-Etat-société » (Ibid., p. 79)

Outil de gestion : « ensemble délimité d’objets organisationnels doté de traits caractéristiques qui s’offrent à une triple description : fonctionnelle, structurelle, processuelle » (Chiapello et Gilbert, 2013, p. 32)

Un outil de travail Ergonomie Shackel, 1991 ; Falzon, 2004 Darses et Montmollin, 2012a ; Lancry, 2016 ; Rabardel, 1995

L’International Ergonomics Association (IEA) la définit en 2000, comme la « discipline scientifique qui vise la

compréhension fondamentale des interactions entre les humains et les autres composantes d’un système, et la profession qui applique principes théoriques, données et méthodes en vue d’optimiser le bien-être des personnes et la performance globale des systèmes. » Elle est à la fois une

discipline et une pratique, et donc une discipline avec une « finalité pratique » (Falzon, 2004).

Instrument : addition d’« un artefact matériel ou symbolique produit par le sujet ou par d’autres » et d’ « un ou des schèmes d’utilisation associés résultant d’une construction propre du sujet, autonome ou d’une appropriation de schèmes d’utilisation déjà formés extérieurement à lui »

(Rabardel, 1995, p. 117-118)

Utilisabilité : « Capacité, en termes fonctionnels humains, à permettre une utilisation facile et effective par une catégorie donnée d’utilisateurs, avec une formation et un support adapté, pour accomplir une catégorie donnée de tâches, à l’intérieur d’une catégorie spécifique de contextes. »

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Tableau 8 : Application et critique des quatre cadres conceptuels identifiés pour répondre à notre question de recherche

Les ME comme … Application à notre problématique Intérêt pour notre recherche Limites pour notre recherche

Une innovation Les ME constituent une innovation menée au sein d’un réseau socio-technique composé des acteurs de la mise en œuvre de la séquence ERC, des experts qui conçoivent les méthodes, des connaissances sur l’équivalence écologique, de la réglementation ERC, des territoires, des écosystèmes, etc.

Permet de saisir les controverses associées au développement des ME.

Permet de suivre l’avancement du processus de construction de ME identifiées et d’en comprendre les enjeux.

Portée descriptive ou explicative.

Posture de recherche davantage dans la compréhension que dans la proposition de solutions (moyens d’agir sur les caractéristiques de l’objet)

Un objet-frontière ou

un objet-intermédiaire

Les ME, en tant qu’objet-frontière entre concepteurs et utilisateurs sont :

- Le véhicule de connaissances des experts vers les acteurs qui utilisent la méthode (et vice-versa ?) - L’objet de convergence entre intérêt et interprétations initialement divergentes de la part des acteurs et des experts

Peut permettre de décrire l’activité de conception. Voir les ME comme des véhicules de connaissances entre experts et acteurs.

Portée descriptive ou explicative.

La finalité de l’étude est bien les relations entre les protagonistes, ce qui ne correspond pas à notre objectif de recherche qui est de trouver des moyens d’agir sur les caractéristiques de l’objet.

Un outil de gestion Les ME sont utilisées par des agents organisationnels dans le cadre d’une organisation informelle représentée par le réseau des acteurs de la séquence ERC intervenant dans un projet. Le dimensionnement des mesures compensatoires serait assimilé à une forme de pilotage ou de planification de l’application de la séquence ERC dans le cadre de l’autorisation d’un projet.

Les 3 modalités descriptives des outils de gestion peuvent être déclinées sur les ME.

Les travaux existants sur la conception des outils de gestion peuvent constituer des sources d’inspiration.

Le réseau des acteurs de la séquence ERC ne constitue pas véritablement une organisation au sens des sciences de gestion : ses contours fluctuent d’un projet à l’autre, et les agents qui le composent n’ont pas tous les mêmes objectifs, condition implicitement contenue dans la définition proposée par Martinet et Pesqueux. Les aménageurs ont pour but d’obtenir l’autorisation de leur projet ; les services de l’État de faire respecter la réglementation ERC donc l’absence de perte nette de biodiversité.

Les outils de gestion ont une visée performative : les sciences de gestion prennent en compte dans leur analyse « l’efficacité des dispositifs étudiés ou

conçus » (David, 1999, p.13)

Un outil de travail Les ME sont des instruments utilisés afin de réaliser le travail du dimensionnement des mesures compensatoires.

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