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Chapitre 1 : Le contexte de notre recherche : la séquence ERC et les mesures compensatoires

1. La réglementation française

1.3. Des recommandations générales pour définir les mesures compensatoires

La loi indique les grands principes que doivent respecter les mesures compensatoires à mettre en œuvre sur les impacts résiduels n’ayant pu être ni évités ni réduits. Pour connaître les attentes de l’Etat sur la manière d’interpréter ces principes, il faut se référer à la doctrine française de 2012 et aux Lignes Directrices parues en 2013. Celles-ci ont été élaborées par un groupe de travail rassemblant divers experts et piloté par le ministère en charge de l’écologie (CGDD, 2013).

7 DCE : Directive Cadre sur l’Eau

DCSMM : Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin DDT : Direction Départementale des Territoires

CNPN : Conseil National de Protection de la Nature

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La doctrine française, reproduite dans les Lignes Directrices (p. 10 et 11) détaille les exigences à respecter pour la définition des mesures compensatoires (Cf. tableau 2).

Tableau 2 : Principes réglementaires régissant la compensation écologique d'après les Lignes Directrices

Equivalence écologique : nature des habitats

nature des fonctions réalisées par l’écosystème degré de fonctionnalité de l’écosystème

hauteur des pertes ou des gains écologiques Tenir compte du décalage temporel

Additionnalité écologique (gains écologiques) et par rapport aux engagements publics et privés

Proximité géographique (même bassin versant)

Proportionnalité de la compensation par rapport à l’intensité des impacts Faisabilité

(choix d’une technique de restauration écologique et procédures organisationnelles associées)

Efficacité

Tenir compte des risques associés aux incertitudes sur l’efficacité des mesures compensatoires

Conditions de fonctionnement des espaces susceptibles d’être le support des mesures Suivi de la compensation

Depuis la parution des Lignes Directrices en 2013, le principe d’absence de perte nette (APN) de biodiversité a été introduit par la loi RBNP de 2016 mais aucune recommandation particulière supplémentaire n’a accompagné l’apparition de ce nouveau principe. En effet, quatre autres guides ont été publiés en 2017 et 2018 :

1. guide sur la phase d’évitement (CGDD, 2017a),

2. guide sur les premiers éléments méthodologiques sur les effets cumulés en mer (CGDD, 2017c),

3. guide d’aide à la définition des mesures ERC (CGDD, 2018),

4. guide sur la compensation écologique des cours d’eau (CGDD et al., 2018).

Aucun de ces guides ne revient sur l’interprétation des principes réglementaires exposés dans les Lignes Directrices, ni n’aborde particulièrement l’absence de perte nette de biodiversité. À ce jour, ce sont donc toujours les Lignes Directrices qui font foi pour identifier les critères que doivent respecter les mesures compensatoires. Il est à noter cependant, qu’elles mentionnent le principe d’absence de perte nette à plusieurs reprises. La fiche n°13 indique que « l’objectif poursuivi de la compensation est donc d’atteindre une non-perte nette de

biodiversité et dans certains cas, de tendre vers un gain net » (CGDD, 2013, p. 98), et la non-

perte (ou absence) nette de biodiversité est mentionnée également dans la fiche n°15. Nous considérerons donc que les recommandations produites dans les Lignes Directrices sont toujours valables pour définir et dimensionner les mesures compensatoires même si l’introduction du principe d’absence de perte nette (APN) de biodiversité dans la loi est postérieure à leur date de parution.

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Selon les Lignes Directrices, pour définir les mesures compensatoires il faut « déterminer la

cible » et les dimensionner, le tout avec un objectif d’équivalence écologique. D’un point de

vue pratique, la définition des mesures compensatoires est décomposée en quatre étapes : - Définir les modalités de mesure compensatoire (fiche 13)

- Justifier l’additionnalité de la mesure compensatoire (fiche 14)

- Démontrer l’équivalence entre les gains compensatoires et les impacts résiduels significatifs du projet (fiche 15)

- Organiser la maîtrise du site de compensation et assurer sa pérennité (fiche 16)

L’équivalence entre gains compensatoires et impacts résiduels signifie d’après la fiche 15 que les mesures compensatoires sont caractérisées par un « ciblage et [un] dimensionnement (…)

rigoureux scientifiquement et adaptés aux enjeux du territoire et aux objectifs fixés par la réglementation. » et que le dimensionnement est réalisé à l’aide d’une « méthode relative à l’évaluation des pertes et gains écologiques » (Ibid., p. 107). L’équivalence est définie comme

un « ensemble de critères, de méthodes et de processus participatifs visant à évaluer et

comparer les pertes écologiques liées à l’impact résiduel significatif d’un projet et les gains écologiques liés à la mesure compensatoire, de manière à cibler et dimensionner cette dernière. L’équivalence d’une mesure compensatoire au regard des impacts résiduels significatifs d’un projet s’apprécie à quatre niveaux : écologique, géographique / fonctionnelle, temporelle et sociétale. » (Ibid., p. 189)

La démarche d’évaluation de l’équivalence écologique passe par l’évaluation des pertes et des gains, l’application éventuelle de coefficients d’ajustement ainsi que le calcul d’un ratio compensatoire. Le ratio compensatoire est le rapport mathématique entre les pertes et les gains. Le calcul d’un ratio au cas par cas constitue selon les Lignes Directrices l’étape de dimensionnement proprement dite :

Ratio de compensation = coefficient d’ajustement x pertes / gains

Mais cette étape de calcul découle directement des résultats des évaluations des pertes et des gains ainsi que des coefficients d’ajustement. Par commodité, nous élargirons le dimensionnement à l’ensemble de ces opérations. Nous parlerons, dans ces travaux de

recherche, indifféremment de méthode de dimensionnement ou de méthodes d’évaluation des mesures compensatoires, ou de méthodes d’évaluation de l’équivalence écologique et de l’absence de perte nette de biodiversité (ME).

Les Lignes Directrices précisent également les principes que doivent respecter les méthodes : - Tenir compte de l’état initial des sites impactés et des sites de compensation

- Tenir compte de la dynamique d’évolution des sites

- Calculer pertes et gains en comparant les états écologiques des sites avant et après projet, évaluations réalisées sur la base des mêmes indicateurs et des mêmes unités. Ainsi les Lignes Directrices tracent les grands principes techniques que les ME doivent respecter, tout en laissant la liberté de les construire. Elles donnent quelques exemples de ME existantes. C’est au maître d’ouvrage de produire la démonstration requise dans le dossier d’autorisation, c’est à dire de justifier ses choix : « les modalités de détermination des ratios

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final, la réglementation n’impose pas de ME particulière, elle donne un objectif, ainsi que

des principes méthodologiques très généraux.

Ces recommandations sur la définition et le dimensionnement des mesures compensatoires s’inscrivent dans une dynamique nationale de parutions de guides et de rapports destinés à accompagner la mise en œuvre de la séquence ERC, ainsi que l’organisation de colloques sur le sujet. (Cf. tableaux 1 et 2 détaillant les références en annexe n°2). La figure 7 montre l’accélération des publications en 2016 et 2017 (Publications des premières ME et des premiers guides Thema du MTES).

Figure 7 : Evolution du nombre de parutions annuelles de guides et rapports accompagnant la mise en œuvre de la séquence ERC