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2 Séparabilité et agrégation des données

2.1 Principes d’agrégation et choix d’arborescence

Nous allons nous intéresser ici aux propriétés qui permettent d’agréger des branches « indépendantes » les unes aux autres entre elles et permettent ainsi de proposer différents niveaux d’agrégation pour nos 34 branches.

La notion de séparabilité faible est un critère primordial permettant de justifier l’existence et l’utilisation d’agrégats au sein d’une fonction de production ou de coût. Cette condition suppose qu’aucune variation des prix relatifs composant un agrégat n’induit de substitution entre les différents éléments d’un autre agrégat. Il convient en amont de spécifier la propriété d’homothéticité qui est un prérequis nécessaire à la fonction que l’on veut agréger.

2.1.1 Principes d’agrégation

La notion d’agrégation de prix est étroitement liée à celle de séparabilité (Shephard, 1953) et nécessite que la fonction soit homothétique, c’est pourquoi nous allons tout d’abord nous intéresser à ces critères.

2.1.1.1 L’homothéticité

Des préférences sont dites homothétiques si les courbes d’indifférences sont homothétiques par rapport à l’origine. Cela signifie que sur toute demi-droite partant de l’origine, le coefficient directeur des tangentes aux courbes d’indifférences au point d’intersection avec la demi-droite sont tous identiques. Comme le long d’une demi-droite partant de l’origine le rapport des quantités consommées est le même, cela signifie que le taux marginal de substitution ne dépend que du rapport des quantités consommées et pas de leur niveau. Le taux marginal de substitution étant égal au rapport des prix il en résulte que pour un rapport des prix donné, le rapport des quantités consommées sera toujours le même et ne va en particulier pas dépendre du niveau de revenu.

Dans le cas des fonctions de coût, la propriété d’homothéticité est respectée si le niveau de production n’affecte pas la répartition des parts de dépense des facteurs dans le coût total. Une fonction de coût homothétique peut donc s’écrire comme une fonction séparable de la production et du prix des facteurs :

Chapitre 3 Agrégation de la fonction de coût

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Par ailleurs, une fonction homothétique est homogène de degré un par rapport à la production si pour un réel positif 𝜆 donné :

ℎ(𝜆𝑦)𝑓(𝑝1, … , 𝑝𝑛) = 𝜆. ℎ(𝑦)𝑓(𝑝1, … , 𝑝𝑛)

Toute fonction homogène de degré 1 est homothétique mais l’inverse n’est pas obligatoirement vrai. En effet, si 𝐶 est homogène de degré 1 on a :

𝐶(𝑦, 𝑝1, … , 𝑝𝑛) = 𝜆𝐶 (𝑦

𝜆, 𝑝1, … , 𝑝𝑛) Soit pour 𝜆 = 𝑦 nous trouvons :

𝐶(𝑦, 𝑝1, … , 𝑝𝑛) = 𝑦𝐶(1, 𝑝1, … , 𝑝𝑛)

La propriété d’homothéticité étant une condition nécessaire à l’agrégation, toute fonction homogène est donc agrégeable.

2.1.1.2 La séparabilité faible

La séparabilité de la fonction de production 𝑓(𝑥1, . . 𝑥𝑖, 𝑥𝑗, … 𝑥𝑛) est une propriété importante car elle permet de justifier le recours à l’utilisation d’agrégats et donc à l’utilisation d’un modèle imbriqué. Cette condition suppose qu’aucune variation des prix relatifs composant un agrégat n’induit de substitution entre les différents éléments d’un autre agrégat. De par la dualité entre fonction de production et fonction de coût, toute fonction de coût est faiblement séparable suivant une partition des prix si et seulement si la fonction de production correspondante est homogène et faiblement séparable suivant la même partition pour les quantités de facteurs. Autrement dit, pour une fonction de coût homothétique 𝐶(𝑌, 𝑝1, … , 𝑝𝑛), en notant 𝐶𝑖 la dérivée partielle par rapport au prix du facteur 𝑖 et 𝐶𝑖𝑗 la dérivée partielle seconde par rapport aux facteurs 𝑖 et 𝑗, si l’on considère que des facteurs 𝑖 et 𝑗 sont séparables de 𝑘 (avec 𝑖, 𝑗 ≠ 𝑘) alors les conditions de séparabilité s’écrivent :

𝜕 (𝐶𝑖

𝐶𝑗 ⁄ ) 𝜕𝑝𝑘 = 0

La séparabilité implique donc que le ratio des fonctions de demande des facteurs 𝑖 et 𝑗 est indépendant du prix du facteur 𝑘.

Dans ce cas-là 𝑖 et 𝑗 peuvent former un agrégat 𝑍 au sein de la fonction de production et nous obtenons :

𝐶(𝑝1, … , 𝑝𝑖, 𝑝𝑗, … , 𝑝𝑛) = 𝐶(𝑝1, … , 𝑝𝑍(𝑝𝑖, 𝑝𝑗), … , 𝑝𝑛) Où 𝑝𝑍 est le prix agrégé des facteurs 𝑖 et 𝑗.

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La notion de séparabilité de la fonction de production a été un point crucial dans l’étude de la relation de substitution entre capital et énergie. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, de nombreuses approches se sont servies de la séparabilité faible du capital et de l’énergie pour étudier leur substituabilité. En effet Pindyck (1979) ou Berndt and Wood (1979) séparent capital et énergie du reste de la fonction de coût afin de distinguer deux formes de substituabilité108 qui s’appréhendent par le calcul de deux types d’élasticités-prix différentes :

- L’élasticité « brute » au sein même de l’agrégat 𝐾 formé par ces variables alors que les autres variables de la fonction de coût (𝐿 et 𝑀) restent constantes étant donné l’hypothèse de séparabilité faible de la fonction de coût.

- L’élasticité « nette » qui représente l’effet de l’agrégat 𝐾 sur le coût total.

Cette approche a permis de réconcilier les tenants de la complémentarité ou de la substituabilité de ces deux variables en mettant en évidence que complémentarité et substituabilité étaient possibles en même temps ce qui pouvait expliquer les divergences trouvées dans la littérature économique. La séparabilité implique néanmoins d’imposer des contraintes sur les coefficients de la fonction de coût et de contraindre les élasticités de substitution, ce qui limite grandement la flexibilité de la fonction employée (Denny et Fuss, 1977) en particulier les fonctions de type Box-Cox Généralisée. Les tests de séparabilité de la fonction translog sont aussi très contraignants d’après Berndt et Christensen (1973), voire peu concluants d’après Artus et Peyroux (1981) et ne peuvent ainsi pas être employés.

C’est pourquoi, généralement les études économiques postulent d’emblée la séparabilité faible dans une fonction de production sans la tester.

Nous ferons de même dans le cadre de notre modèle est posons l’hypothèse que la fonction de coût utilisée est séparable si les agrégats sont convenablement choisis.

2.1.2 Arborescence

L’hypothèse de séparabilité faible que nous avons supposée précédemment nous autorise à mettre en place plusieurs agrégations parmi les 34 branches109 de façon similaire à Hudson et Jorgenson (1975). Cependant, contrairement à eux, nous utilisons un modèle à plusieurs niveaux d’agrégation. Nous allons dans un premier temps présenter les différents niveaux d’agrégation choisis et les implications sur les calculs de coefficients techniques.

108 Nous reviendrons dessus en 2.1.2.3.

Chapitre 3 Agrégation de la fonction de coût

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2.1.2.1 Désagrégation sectorielle de WIOD

Afin de respecter au mieux la propriété de séparabilité faible, nous avons recours à 4 niveaux d’imbrications (Tableau 3.19) afin que les sous-branches de chaque branche agrégée soient relativement homogènes.

La désagrégation employée se base sur la hiérarchie des branches proposée par GGDC et sur les désagrégations faites dans la comptabilité nationale française.

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Tableau 3.19 : Imbrication des branches sur plusieurs niveaux

Sources : Auteur et GGDC

Niveau 1 (n1=3) Niveau 2 (n2=7) Niveau 3 (n3=19)

Coût total Energie : Energie directe Industrie textile Commerce

Capital Energie directe (ed) Cokéfaction, raffinage, industries nucléaires (crn) Industrie textile et habillement Commerce et réparation automobile Travail Industries extractives (ie) Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau (dege) Industrie du cuir et de la chaussure Commerce de gros et intermédiaires du commerce Energie consommations intermédiaires Autres industries manufacturières

Travail du bois, industries du papier et imprimerie Commerce de détail et réparation d'articles domestiques Consommations intermédiaires Autres industries manufacturières (aim) Agriculture, Chasse, Exploitation foerestière et pêche

Travail du bois et fabrication

d'articles en bois Transports

Industrie manufacturière

(im)

Construction Transports terrestres

Services marchands (sm)

Industrie

manufacturière Transports par eau

Services non-marchands (snm) Industries agricoles et alimentaires Industrie chimique, caoutchouc et autres produits minéraux non

métalliques

Transports aériens

Industrie textile Industrie chimique Services auxiliaires des transports

Travail du bois, industries du papier et imprimerie Industrie du caoutchouc et des plastiques Postes et télécommunications Industrie chimique, caoutchouc et autres produits minéraux non

métalliques

Fabrication d'autres produits

minéraux non métalliques Services financiers

Fabrication d'équipements et métalurgie Fabrication d'équipements et métalurgie Intermédiation financière

Services marchands Métallurgie et travail des

métaux Activités immobilières

Hôtels et restaurants Fabrication de machines et équipements

Services aux entreprises

Commerce Fabrication d'équipements

électriques et électroniques

Transports

Services financiers Fabrication de matériel de

transport Services non-marchands Autres industries manufacturières ; Réparation et installation de machines et équipements Administration publique Education Santé et action sociale

Services collectifs, sociaux et personnels Industrie du papier et du carton ; édition et imprimerie Niveau 4 (n4=35) Légende:

- Seules les branches agrégées sont représentées au sein de ce tableau. Cependant le nombre total de branches à chaque niveau comprend aussi les branches qui seront agrégées plus tard (exemple les industries extractives sont comptabilisées dans le calcul du nombre de branches de niveau 3 alors qu'on ne les voit apparaitre dans le processus d'agrégation seulement à partir du niveau 2) ainsi que le facteur travail.

- Chaque case comprend le nom de l'agrégat, en gras, suivi des branches (ou autres agrégats) qui le composent. - Les branches grisées sont des agrégats formés à partir de branches du niveau inférieur. Exemple l'agrégat "Energie" au niveau 1 est formé de "Energie directe" et "Industries extractives" au niveau 2.

Chapitre 3 Agrégation de la fonction de coût

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2.1.2.2 Fonctionnement de l’arborescence

La fonction de coût représentative d’une branche dépend du prix international110 des 34 branches du modèle, du prix du travail ainsi que de la quantité de capital fixe à court terme.

𝐺𝑗(𝑦𝑗, 𝑃, 𝑡, 𝑥𝑘) = 𝑦𝑗 (∑ ∑ 𝛼𝑖𝑗𝑝𝑖 1 2 𝑛 𝑗=1 𝑝𝑗 1 2 𝑛 𝑖=1 + ∑𝑛 𝛿𝑖𝑡𝑝𝑖𝑡12 𝑖=1 + ∑𝑛𝑖=1𝑝𝑖𝛾𝑖𝑡𝑡) + 𝑦𝑗 1 2(∑ 𝑏𝑖𝑘𝑝𝑖𝑥𝑘 1 2 𝑛 𝑖=1 + 2 ∑ 𝛾𝑖𝑡𝑘𝑝𝑖𝑡12𝑥𝑘 1 2 𝑛 𝑖=1 ) + ∑𝑛𝑖=1𝛾𝑖𝑘𝑝𝑖𝑥𝑘 𝑎𝑣𝑒𝑐𝑛 = 𝑛4= 35

En posant l’hypothèse de séparabilité faible entre les branches que l’on souhaite désagréger nous pouvons, par exemple, exprimer la fonction de coût en fonction du prix des différents agrégats au niveau 3 d’une firme 𝑗 111 :

𝐺𝑗(𝑦𝑗, 𝑃̅, 𝑡, 𝑥𝑘) = 𝑦𝑗 (∑ ∑ 𝛼𝑖𝑗𝑝̅𝑖 1 2 𝑛3 𝑗=1 𝑝̅𝑗 1 2 𝑛3 𝑖=1 + ∑𝑛3 𝛿𝑖𝑡𝑝̅𝑖 𝑡12 𝑖=1 + ∑𝑛3 𝑝̅𝑖𝛾𝑖𝑡𝑡 𝑖=1 ) + 𝑦𝑗 1 2(∑ 𝑏𝑖𝑘𝑝̅𝑖𝑥𝑘 1 2 𝑛3 𝑖=1 + 2 ∑ 𝛾𝑖𝑡𝑘𝑝̅ 𝑡𝑖 12𝑥𝑘 1 2 𝑛3 𝑖=1 ) + ∑𝑛3 𝛾𝑖𝑘𝑝̅ 𝑥𝑖 𝑘 𝑖=1 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑛3= 19

Où 𝑃̅ regroupe le vecteur ligne du prix des branches agrégées au niveau 3 ainsi que le prix des branches non encore agrégées, 𝑝̅𝑖 est le prix d’une branche 𝑖 utilisée dans la fonction de coût de niveau 3, ce prix peut être agrégée ou non. Nous pouvons répéter cette opération à n’importe quel niveau après plusieurs agrégations imbriquées.

Considérons que pour l’entreprise 𝑗 un des agrégats utilisés dans sa fonction de coût variable soit la branche agrégée Energie directe. Le coût des dépenses totales en énergie directe de la branche 𝑗 est donc fonction des dépenses de cette branche dans les produits issus des branches « Cokéfaction, raffinage, industries nucléaires » et « Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau ». En considérant que la fonction de dépense d’un agrégat est de type Leontief Généralisée, permettant ainsi la substituabilité entre l’ensemble des facteurs de l’agrégat, nous avons donc la fonction de dépense en Energie directe :

𝐶𝑒𝑑(𝑦, 𝑝̅𝑐𝑟𝑛, 𝑝̅𝑑𝑒𝑔𝑒) = 𝑦𝑒𝑑∑ ∑ 𝑏𝑖𝑗𝑝𝑖 1 2𝑝𝑗 1 2 𝑛=2 𝑗=1 𝑛=2 𝑖=1 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑝𝑖 ≥ 0 , 𝑦 ≥ 0, 𝑒𝑡 𝑏𝑖𝑗 = 𝑏𝑗𝑖 (𝑖, 𝑗 = 𝑐𝑟𝑛, 𝑑𝑒𝑔𝑒)

110 Nous omettons la notation 𝑝̃𝑚 représentative du prix international dans le pays 𝑚 afin de simplifier les notations. Le prix 𝑝𝑖 utilisé ici est donc le prix international dans le pays étudié.

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Et nous retrouvons donc la fonction de coût unitaire ou fonction de prix :

𝑝̅𝑒𝑑 = 𝑓(𝑝𝑑𝑒𝑔𝑒, 𝑝𝑐𝑟𝑛)

De même les prix de niveau 3 utilisés dans la fonction de prix de niveau 2 peuvent être des prix agrégés à partir des prix de niveau 4. Cette procédure est appliquée à l’ensemble des prix jusqu’à ce que l’on arrive au niveau de prix le plus désagrégé.

2.1.2.3 L’impact de l’arborescence sur la flexibilité de la fonction de coût

La désagrégation de la fonction de coût d’une branche sur plusieurs niveaux imbriqués permet de fortement limiter le nombre de paramètres à estimer dans la fonction112. En effet nous n’avons dorénavant plus que 41 paramètres113 à estimer dans la fonction de coût114 agrégée pour 104 observations115 ce qui nous amène proche de 60 degrés liberté, niveau qui nous semble acceptable. Pour gagner en degré de liberté nous avons dû perdre en flexibilité au sein de la fonction de coût. En effet, dans la fonction initiale l’ensemble des facteurs de production sont substituables. En imbriquant la fonction sur plusieurs niveaux, les facteurs ne sont directement substituables qu’au sein de leur agrégat. Il n’y a plus de substitution directe entre des biens de différents agrégats. Par exemple le prix des « Industries extractives » qui est dans l’agrégat « Energie » n’interagit plus directement avec celui de la « Construction » qui est dans l’agrégat « Autres industries manufacturières ». Nous retrouvons néanmoins une substitution indirecte entre ces branches. En effet si le prix des « Industries extractives » varie, le prix de son agrégat, Energie, varie lui aussi. Sachant que la fonction de coût permet la substitution entre les agrégats, on retrouve l’effet de substitution entre « Energie » et « consommations intermédiaires » qui est le (sur)agrégat de « Construction ». Il y a donc toujours présence de substituabilité entre l’ensemble des facteurs de production mais celle-ci n’est plus directe. Berndt et Wood (1979) distinguent l’élasticité-prix brute, où seuls les facteurs de l’agrégat s’ajustent à leur niveau optimal au sein de l’agrégat alors que le niveau de celui-ci reste constant et l’élasticité-prix nette où le niveau de l’agrégat peut varier et l’ensemble des facteurs de production s’ajustent à leur nouvel équilibre.

112Mais augmente le nombre d’estimation à mener étant donné que maintenant nous devons estimer des

fonctions de dépenses à chaque niveau de désagrégation.

113 27+6+6+6+1+1=41

114 Et un nombre similaire pour les fonctions de prix.

Chapitre 3 Agrégation de la fonction de coût

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Ils décrivent ainsi le processus de substitution entre facteurs d’une fonction de coût agrégée dans le cas d’une fonction de type KLEM, où les facteurs 𝐾 et 𝐸 sont regroupés au sein d’un agrégat 𝐾 et les facteurs 𝐿 et 𝑀 sont regroupés au sein d’un agrégat 𝐿. Suite à une baisse du prix du capital, l’effet total sur les élasticités se décompose en 2 étapes. La première étape est l’élasticité-prix brute entre 𝐾 et 𝐸, au sein de 𝐾 constant. Dans ce cas, la demande de facteur 𝐾 augmente alors que celle de 𝐸 diminue. La seconde étape est l’élasticité-prix nette à coût total constant. La baisse du prix de 𝐾 fait diminuer le prix de l’agrégat 𝐾 et donc augmenter sa demande et diminuer celle de 𝐿. Dans ce cas, la hausse de la demande de 𝐾 entraine une hausse de la demande en facteurs 𝐾 et 𝐸116 alors que la baisse de la demande en 𝐿 fait diminuer la demande en 𝐿 et 𝑀. Etant donné que les fonctions de coût unitaire sont homothétiques, 𝐿 et 𝑀 varient dans les mêmes proportions. Nous pouvons en conclure que l’ensemble des facteurs au sein d’un agrégat ont le même niveau de substituabilité avec n’importe quel autre facteur de production qui n’est pas au sein de cet agrégat, ce qui justifie d’autant plus le critère de séparabilité faible retenu.

Dans le cadre de notre modèle nous retrouvons donc que pour tous facteurs 𝑖 et 𝑖′ appartenant à un agrégat 𝑀, si le prix d’un facteur 𝑗 d’un agrégat 𝑁 (avec 𝑁 ≠ 𝑀) varie nous avons :

𝜀𝑖𝑗 = 𝜀𝑖′𝑗

Ainsi, introduire de la séparabilité au sein des fonctions de coût de notre modèle a un impact sur la substituabilité entre facteurs qui ne sont pas au sein d’un même agrégat. Bien qu’aucune variation des prix composant un agrégat n’induise de substitution relative entre les différents éléments d’un autre agrégat, ceux-ci peuvent néanmoins varier proportionnellement à la variation de leur agrégat. Imposer la séparabilité au sein de notre fonction réduit donc la flexibilité entre facteurs mais ne la détruit pas et s’avère nécessaire afin de pouvoir réaliser correctement nos estimations.

2.1.2.4 Calcul des coefficients techniques au sein de la fonction imbriquée

Afin d’augmenter le nombre de degrés de liberté lors de l’estimation de la fonction de coût de chacune des branches nous devons donc avoir recours à un modèle imbriqué. Pour chacune des branches, la fonction de coût représentative des choix de facteurs est remplacée par une fonction de coût représentative des choix d’agrégat ainsi que des fonctions de coût unitaire pour chacun des agrégats. L’utilisation du Lemme de Shephard (1953) ne permet donc plus d’obtenir la demande physique de chacun des facteurs de production mais la demande physique de chacun des agrégats.

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Ainsi, en notant 𝑃̅ le vecteur des prix après une agrégation, 𝑃̅̅ le vecteur prix au deuxième niveau d’agrégation nous trouvons une formule des équations imbriquées pour une branche 𝑗117 :

𝐺𝑗(𝑃̅̅, 𝑦, 𝑡, 𝑥𝑘) = 𝑦𝑗 (∑ ∑ 𝛼𝑖𝑗𝑝̅̅𝑖 1 2 𝑛2 𝑗=1 𝑝̅̅𝑗 1 2 𝑛2 𝑖=1 + ∑𝑛2 𝛿𝑖𝑡𝑝̅̅𝑖 𝑡12 𝑖=1 + ∑𝑛2 𝑝̅̅𝑖𝛾𝑡𝑡𝑡 𝑖=1 ) 𝑦𝑗 1 2(∑ 𝑏𝑖𝑘𝑝̿𝑖𝑥𝑘 1 2 𝑛2 𝑖=1 + 2 ∑ 𝛾𝑡𝑘𝑝̿𝑖𝑡12𝑥𝑘 1 2 𝑛2 𝑖=1 ) + ∑𝑛2 𝛾𝑘𝑝̿𝑖𝑥𝑘 𝑖=1

Le lemme de Shephard (1953) nous permet d’obtenir les demandes des agrégats 𝑥̿𝑖 et donc les coefficients techniques associés :

𝑐̿𝑖 = 𝑥̿𝑖 𝑦𝑗

Nous pouvons reproduire ce raisonnement au sein de la fonction de prix118 du sur-agrégat : 𝑃̅̅𝑖= ∑ ∑ 𝑏𝑖𝑗𝑝̅𝑖 1 2𝑝̅𝑗 1 2 2 𝑗=1 2 𝑖=1 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑝𝑖 ≥ 0 , 𝑦 ≥ 0, 𝑒𝑡 𝑏𝑖𝑗= 𝑏𝑗𝑖

Ce qui nous donne le coefficient technique 𝑐𝑖/𝑝̿𝑖de la demande des agrégats 𝑥̅𝑖au sein du sur-agrégat : 𝑐𝑖/𝑝̿𝑖 =𝑥̅𝑖

𝑥̿𝑖 Et de même nous avons :

𝑃̅ = ∑ ∑ 𝑏𝑖𝑗𝑝𝑖 1 2𝑝𝑗 1 2 2 𝑗=1 2 𝑖=1 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑝𝑖 ≥ 0 , 𝑦 ≥ 0, 𝑒𝑡 𝑏𝑖𝑗 = 𝑏𝑗𝑖

Ce qui nous donne le coefficient technique 𝑐𝑖/𝑝̅𝑖 des demandes en facteurs 𝑖 au sein de leur agrégat :

𝑐𝑖/𝑝̅𝑖=𝑥𝑖 𝑥̅𝑖

Nous pouvons donc retrouver les coefficients techniques 𝑎𝑖𝑗des facteurs 𝑖 au sein de la fonction de coût sectorielle de la branche 𝑗 en multipliant les coefficients techniques obtenus au sein des agrégats :

𝑐𝑖𝑗=𝑥𝑖𝑗

𝑦𝑗 = 𝑐̿𝑖∗ 𝑐𝑖/𝑝̿𝑖∗ 𝑐𝑖/𝑝̅𝑖

117Nous considérons pour simplification que l’ensemble des facteurs sont doublement agrégés.

Chapitre 3 Agrégation de la fonction de coût

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L’utilisation d’un modèle imbriqué en agrégeant les facteurs de production sur plusieurs niveaux nous permet de retrouver rapidement les coefficients techniques en unités physiques. Afin de procéder à l’estimation des fonctions de prix des agrégats nous avons besoin du prix de chacun des agrégats. C’est pourquoi dans la partie suivante nous allons nous intéresser à la théorie des indices de prix qui permet de définir des indices de prix d’agrégat dit « exacts » dans le cas où la fonction de coût sous-jacente serait une forme flexible.