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1 L’analyse input -output

Chapitre 1 Etude crit ique de l’analyse input -output

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𝑝𝑖 le prix du bien vendu par la branche 𝑖 ;

𝑞𝑖la quantité physique de bien produit par la branche 𝑖 ;

𝑠𝑖𝑗 la quantité physique de bien vendu par la branche 𝑖 à la branche 𝑗 ;

𝑝𝑛+1 le prix de l’input primaire que l’on suppose ici identique pour chacun des secteurs18 ; 𝑠𝑛+1la quantité physique d’input primaire (heures de travail).

En partant de l’égalité en colonne qui stipule que la somme des achats de consommations intermédiaires et des inputs primaires est égale à la valeur de la production nous pouvons écrire :

𝑝𝑗𝑞𝑗= ∑ 𝑝𝑖𝑠𝑖𝑗

𝑛 𝑖=1

+ 𝑝𝑛+1𝑠𝑛+1,𝑗

Nous allons avoir recours cette fois-ci à des coefficients techniques physiques, c’est-à-dire représentant le rapport entre la quantité d’un input et quantité d’un output.

Ces coefficients techniques s’écrivent de la forme : 𝑐𝑖𝑗 = 𝑠𝑖𝑗/𝑞𝑗 Nous n’avons donc qu’à diviser l’équation par 𝑞𝑗 pour obtenir :

𝑝𝑗 = ∑𝑝𝑖𝑠𝑖𝑗 𝑞𝑗 𝑛 𝑖=1 +𝑝𝑛+1𝑠𝑛+1,𝑗 𝑞𝑗 = ∑ 𝑝𝑖𝑐𝑖𝑗 𝑛 𝑖=1 + 𝑝𝑛+1𝑐𝑛+1,𝑗 Ce qui nous permet d’écrire sous forme matricielle :

𝑃 = 𝐶𝑃 + 𝑉 = (𝐼 − 𝐶)−1𝑉𝑐 Avec 𝑉𝑐= [

𝑐𝑛+1,1 … 𝑐𝑛+1,𝑛

] 𝑝𝑛+1 qui représente le prix de la valeur ajoutée par unité physique d’output. La différence principale avec le modèle en valeur est que, ici, les prix sont exprimés en valeur monétaire et non pas sous forme d’indices. Les coefficients techniques physiques sont considérés comme fixes par le modèle ce qui implique que lors d’un choc sur le prix d’un facteur primaire (et donc d’un choc sur le coefficient technique d’utilisation de ce facteur), ce seront bien les prix des produits qui feront l’ajustement, le rapport des quantités physiques restant inchangé.

1.3Les recours à l’analyse input-output pour résoudre un choc de prix de l’énergie

Nous avons vu que le modèle de base peut être prolongé dans sa forme initiale par une approche en prix ou par une approche en données physiques. Ces différentes possibilités ont permis à de nombreuses variantes de se développer. Les modèles d’inputs-output en énergie reposent sur des données physiques harmonisées entre branches énergétiques pour quantifier la quantité d’énergie

18 Par souci de simplification nous ne considérons ici qu’un seul input primaire. Il est néanmoins possible de

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totale incorporée dans les consommations intermédiaires. Ils permettent une approche environnementale en travaillant principalement sur les coûts de réduction de la pollution suite à des taxes environnementales ciblées. Les matrices de comptabilité sociale (MCS) utilisent l’analyse en prix afin de répercuter un choc sur le prix d’un facteur primaire à l’ensemble de l’économie.

Ces modèles peuvent, grâce à leurs outils, s’intéresser à l’effet d’un choc des prix de l’énergie primaire ou de la mise en place d’une taxe carbone. Les moyens proposés par chacune sont tous issus de l’analyse input-output de base et dépendent donc tous des hypothèses du modèle de base. Nous allons ainsi nous intéresser, premièrement, à l’utilisation du modèle en prix de Leontief dans le cadre des matrices de comptabilité sociale puis au prolongement du modèle en unités physiques dans le cadre de l’étude des chocs énergétiques et de la taxation environnementale (matrices hybrides). Les outils proposés dans chacun de ces modèles, mais surtout leurs particularités, nous serons utiles dans le cadre de la mise en œuvre de notre modèle.

1.3.1 Les matrices de comptabilité sociale (MCS)

Les matrices de comptabilité sociale sont une extension, à l’ensemble de l’économie, du tableau des entrées-sorties. Se présentant sous la même forme qu’un TES elles peuvent être décrites comme une version plus détaillée de ceux-ci. Elles représentent un système général des comptes de revenus et de dépenses, liant les activités de production, les facteurs de production et les secteurs institutionnels19

d’une économie. Les données recueillies, en plus de celles contenues dans le TES, peuvent provenir d’enquêtes ou de recueils de données des instituts statistiques. C’est pourquoi, en plus d’une partie reprenant les échanges interindustriels du TES, sont présentes les données sur les secteurs institutionnels, sur le comportement des ménages et sur l’utilisation de la valeur ajoutée.

La particularité de ces matrices est que, comme dans les TES, il y a égalité entre les lignes et les colonnes. Cette particularité permet une utilisation similaire des méthodes de calculs entre les deux types de modèles. Les modèles MCS peuvent être utilisés dans le cadre d’évaluation de politiques énergétiques. Il convient pour cela de décider quelles seront les variables exogènes du modèle (Round 1988). Lorsque les prix d’une branche peuvent être considérés comme exogènes, il est ainsi possible de « retirer » cette branche de la matrice endogène et de la considérer comme une branche exogène. Valadkhani et Mitchell (2002) simulent ainsi des chocs de prix énergétiques en considérant que le prix du pétrole (prix considéré comme imposé par l’OPEP) ou le prix du gaz (prix décidé par les marchés japonais) sont exogènes et que les éléments associés peuvent être sortis de la matrice des coefficients

19 Les secteurs institutionnels regroupent les unités institutionnelles ayant des comportements économiques similaires caractérisés par leur fonction principale et la nature de leur activité (INSEE).

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endogènes. Ils trouvent que, vingt ans après les chocs pétroliers, les secteurs énergétiques australiens sont moins exposés aux chocs énergétiques.

Dans ce cadre, pour une économie composée de 𝑛 secteurs, si le secteur des produits énergétiques est choisi comme étant exogène, la résolution en prix se présente sous la forme suivante :

[𝑃𝑝𝑋 𝐸] = [𝑎𝑥𝑥 𝐴𝐸𝑋 𝐴𝑋𝐸 𝐴𝐸𝐸 ] . [ 𝑃𝑋 𝑝𝐸] + [ 𝑉𝑋 𝑉𝐸] + [ 𝑚𝑋 𝑀𝐸]

PX est l’indice du prix des produits énergétiques, variable considérées comme exogène qui a donc été sortie du système.

𝑝𝐸 de dimension [n-1 ;1] est le vecteur des prix des consommations intermédiaires considérées comme endogènes

𝑎𝑥𝑥 est l’auto coefficient technique du secteur des produits énergétiques.

𝐴𝐸𝑋 de dimension [1 ;n-1] est le vecteur ligne des coefficients techniques des besoins du secteur des produits énergétiques en biens endogènes.

𝐴𝑋𝐸 de dimension [n-1 ;1] est le vecteur colonne des coefficients techniques des besoins en produits énergétiques des secteurs endogènes.

𝐴𝐸𝐸 de dimension [n-1 ;n-1] est la matrice des coefficients techniques des biens endogènes. 𝑣𝑥 est le ratio de la valeur ajoutée du secteur des produits énergétiques sur sa production.

𝑣𝐸 de dimension [n-1 ;1] est le vecteur colonne du ratio de la valeur ajoutée des secteurs endogènes à leur production

𝑚𝑋 est le ratio de la valeur des importations du secteur des produits énergétiques sur sa production M de dimension [n-1 ; 1] est le vecteur colonne du ratio des importations des secteurs endogènes à leur production.

Dans le même cadre qu’une résolution d’un modèle de Leontief en prix, les indices de prix de base sont initialement égaux à 1 et le système est à l’équilibre. Lorsqu’il y a un choc sur le prix du secteur considéré comme exogène (le secteur des produits énergétiques ici), ce choc se transmet dans le système et entraine une variation du prix d’équilibre des secteurs endogènes. Le prix du secteur exogène reste quant à lui à sa valeur post choc. Le système se résout en isolant le vecteur prix des biens endogènes et donne :

𝑃𝐸 = (𝐼 − 𝐴𝐸𝐸 )−1𝐴𝑋𝐸 𝑃𝑋+ (𝐼 − 𝐴𝐸𝐸 )−1(𝑣𝐸+ 𝑚𝐸)

Cette approche est utilisée par Wodon et Parra (2008) qui s’intéressent à l’intensité de l’effet d’un choc des prix sur le Ghana. Daudin et al. (2016) utilisent cette approche dans un contexte international grâce à l’émergence de base de données internationales harmonisées entre pays proposées par l’OCDE en insistant sur l’influence de la part des importations et des exportations dans la diffusion d’un choc de prix.

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Nooraddin (2013), constate néanmoins que le recours aux MCS pour exogénéiser un prix énergétique pourrait être simplifié en considérant que l’énergie est un input primaire dans le cadre du modèle en prix dans l’analyse input-output.

1.3.2 Le recours aux matrices hybrides

Initié par Bullard et Herendeen (1975), l’approche par tables hybrides retrace les flux énergétiques exprimés en unités énergétiques et les flux non énergétiques exprimés en unités monétaires. En différenciant les secteurs d’énergie primaire de ceux d’énergie secondaire (qui transforment l’énergie primaire en énergie secondaire), l’analyse input-output énergétique repose sur l’hypothèse de conservation de l’énergie qui stipule que l’intensité d’énergie primaire totale incorporée dans un produit doit être égale à son intensité d’énergie secondaire totale complétée des pertes énergétiques lors du passage d’énergie primaire à l’énergie secondaire. L’approche considère qu’il existe une relation identique à celle de l’approche de base mais propre à l’énergie de la forme :

𝐸 + 𝑞 = 𝑔

Où 𝐸 est la matrice des flux énergétique des secteurs producteurs d’énergie vers tous les secteurs consommateurs d’énergie, 𝑞 le vecteur d’énergie à destination de la demande finale et 𝑔 le vecteur de consommation d’énergie totale. L’approche considère qu’il existe une matrice 𝛼 similaire à la matrice inverse de Leontief dédiée à l’énergie, permettant d’écrire :

𝑔 = 𝛼𝑓 Cette matrice se présente de la forme :

𝛼 = 𝐺𝑥̂∗−1𝐴, 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝐺 = (

𝑔1 0 0 0 … 0

0 ⋱ ⋮ ⋮ … ⋮

0 … 𝑔𝑚 0 … 0 )

Où G représente une matrice contenant la production finale d’énergie (primaire ou secondaire) des secteurs énergétiques. En lignes sont répertoriés seulement les secteurs énergétiques, alors que le nombre de colonnes est égal au nombre total de secteurs. Les exposants « étoile » signalent des matrices (ou vecteurs) hybrides au sein desquelles les coefficients des secteurs énergétiques sont en quantités physiques d’unité énergétique.

Cette approche par matrice hybride a ouvert la porte à de nombreux champs de la littérature économique. Elle permet tout d’abord une approche de long terme à travers l’étude de l’effet des changements structurels dans la consommation d’énergie des secteurs entre deux dates. Cette approche, l’analyse de la décomposition structurelle, étudie la déformation du vecteur g entre deux dates (Jacobsen 2000, Lin et Polenske, 1995) par les variations de la demande finale et des technologies de production.

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Elle permet aussi une approche de plus court terme, consistant à se focaliser sur un secteur en particulier et à retracer les flux d’énergie le long de l’ensemble de la chaine de la valeur (energy analysis). Cette approche à la frontière de l’économie et de la physique nécessite des données relativement précises. Proops (1977) compare plusieurs façons de mesurer l’intensité énergétique, l’efficacité de chacune étant dépendante du type de données possédées. Treloar (2000) remonte le long de la chaine de valeur des immeubles australiens et se trouve confronté à un problème de fiabilité des données sur une grande partie de son échantillon. Une seconde utilisation des matrices hybrides consiste à étudier l’impact des changements dans la demande finale. Blair (1979) examine l’impact de la construction de nouvelles centrales électriques aux USA. Battjes et al. (1998) s’intéressent quant à eux à l’intensité énergétique des biens importés. Dans une approche en prix, l’instauration de taxes énergétiques ou environnementales sont souvent assimilées à des changements équivalents de consommation d’énergie afin étudier l’impact global de la taxe. Mongelli et al. (2009) appliquent par exemple une taxe carbone au travers de la consommation énergétique à l’Italie. Morgenstern et al.

(2004) procèdent de façon similaire aux USA, et trouvent une forte disparité des coûts supportés par les secteurs. Ces études d’effets sont souvent limitées aux frontières nationales et ne prennent pas en considération la forte place de l’énergie importée, qui dans le cas de la France par exemple avoisine les 50% (Bordigoni, 2012).