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2 Introduction d’une forme récursive d’analyse input -output

2.1 Choix de la forme adaptée

Les limites de l’analyse input-output en unités monétaires dans le cadre d’une étude que l’on souhaite dynamique nous amènent à privilégier une approche en unités physiques pour laquelle une fonction de coût sous-jacente de type Leontief Généralisée est privilégiée.

2.1.1 Discussion sur la mise en commun des formes flexibles et de l’analyse input-output

59Dans une économie de type Leontief (à coefficients techniques fixes), sous les conditions de rendements

d’échelle constants, et un seul facteur primaire (le travail), un changement dans la demande finale ne donnera

pas lieu à une variation du mix de production choisis par les branches. Ainsi les prix relatifs d’équilibre ne sont

déterminés que par les conditions de production. D’après Morishima (1956), la contrainte d’un seul facteur

primaire peut être étendue à plusieurs du moment que leurs prix relatifs restent inchangés. Dans ce cas-là les secteurs sont agrégés en un seul.

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Nous avons pu voir au premier chapitre que l’analyse input-output permettait de calculer des prix ou quantités d’équilibre et que ce calcul se réalisait grâce à des coefficients techniques déterminés ex-ante. La limite de cette approche tient du fait qu’une valeur fixe est imposée aux coefficients techniques. Cette contrainte empêche toute substitution entre les inputs et pèse fortement sur les fonctions de production sous-jacentes qui sont supposées suivre une fonction de production à la Leontief à facteurs parfaitement complémentaires. Cette limite, longtemps acceptée dans une optique de court terme, a finalement été remise en cause suite aux chocs pétroliers qui ont mis en évidence le besoin de substitution de court terme entre les facteurs de production, principalement l’énergie. A contrario, les fonctions de coût flexibles issues des travaux de Diewert (1971), sont des fonctions de coût à plusieurs facteurs (généralement quatre, d’où la dénomination KLEM qui leur est attribuée) qui permettent des substituabilités différentes entre chacun des facteurs. Grâce à des données sur les prix, elles permettent de retrouver les quantités (ou coefficients techniques) d’équilibre ainsi qu’un calcul simplifié des élasticités de substitution entre chacun des facteurs de production. Cependant, contrairement aux calculs proposés par l’analyse input-output, les études via des fonctions de coût flexibles ne peuvent pas prendre en compte à elles seules les effets indirects suite à une variation des prix ou de la demande finale.

Notre objectif est donc de concilier les points forts de chacune de ces approches, à savoir le calcul de nouveaux prix d’équilibre suite à un choc, tout en permettant la substitution entre les facteurs de production suite à la déformation de la structure des prix. En effet, aucun outil ne permet, à notre connaissance, de traiter simultanément d’une variation des prix et des coefficients techniques. C’est pourquoi nous allons devoir utiliser successivement une fonction de coût flexible et l’analyse input-output en prix afin d’étudier, dans un cadre dynamique, les évolutions des prix et des coûts à la suite d’un choc.

Le choc que nous voulons étudier est un choc sur les prix de l’énergie qui est considérée comme un facteur primaire de production. Nous pouvons donc convenir que nous considérerons en premier lieu l’effet de ce choc sur l’équilibre en prix de l’année de base. Les décisions de production de chaque branche au travers des fonctions de coût ont été prises en début d’année et ne peuvent plus être modifiées consécutivement à ce choc qui affecte donc les prix d’équilibre de l’économie. L’année suivante, ces prix d’équilibre sont anticipés naïvement par chacune des branches dans leur fonction de coût et les amènent à ajuster leurs demandes d’inputs. Suite à ces décisions de demandes optimales, l’analyse input-output nous permettra de calculer les nouveaux prix d’équilibre de l’économie considérée60.

Chapitre 2 Dépassement des limites de l’analyse input-output

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Le recours aux simples fonctions de coûts ne permet pas, à lui seul, de prendre en compte l’équilibre de l’économie dans sa globalité, mais seulement l’effet direct des anticipations de prix sur chacune des branches. En recourant à l’analyse input-output en prix nous pouvons calculer l’effet de ce choc sur l’ensemble des échanges entre branches et donc prendre aussi en considération les effets indirects.

Tableau 2.4 : Chronologie de l’évolution espérée des prix et coefficients techniques en unités monétaires61

Demande

de facteurs

Coefficients

techniques Prix

Situation initiale (équilibre avant choc) 𝑧𝑖𝑗 𝑎𝑖𝑗 𝑝 Etape 1 - Choc de prix

Nouveaux prix anticipés 𝑧𝑖𝑗 𝑎𝑖𝑗 𝑝̅ Etape 2 -Anticipation de la demande d'équilibre par branche par les fonctions de coût flexible

Demande et coefficient technique anticipés 𝑧𝑖𝑗 𝑎𝑖𝑗 𝑝̅ Etape 3 - Calcul des prix d'équilibre de l'économie par analyse input-output

Situation en fin de période 𝑧𝑖𝑗 𝑎𝑖𝑗 𝑝

Source : Auteur.

2.1.2 Les limites de l’analyse input-output en unités monétaires dans une cadre dynamique

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, le cost push input-output price model admet pour particularité que la matrice input-output calculée suite à un choc de prix ne soit plus à l’équilibre62. De Mesnard (2016) indique qu’il faut considérer deux périodes distinctes :

- La période de base dans laquelle la matrice input-output est à l’équilibre, la somme des coefficients techniques en colonne est égale à l’unité et les indices de prix sont fixés à un. - La période courante, suite au choc de prix, dans laquelle les indices de prix ont changé, la

matrice input-output est à l’équilibre mais la somme des coefficients techniques en colonne est différente de l’unité.

61Dans le cas de l’utilisation d’une fonction de Leontief Généralisée nous aurions 𝑠𝑖𝑗 pour la demande de facteurs et 𝑐𝑖𝑗 pour les coefficients techniques en unités physiques.

62 Nous avons vu que, dans le modèle en prix, les quantités sont rigides. Ainsi, si les prix varient de façon non proportionnelle alors que les coefficients techniques restent fixes, la somme en colonne des coefficients techniques pour chacune des branches deviendra différente de 1.

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Le modèle en prix en unités monétaires consiste donc à la comparaison des indices de prix entre deux périodes à technologie de production inchangée.

Ce modèle ne peut pas être utilisé dans une étude dynamique. En effet, nous venons de voir qu’il consistait en une comparaison des indices prix entre deux périodes et qu’ils sont donc obligatoirement fixés à un en période de base. Cette condition oblige à ce que les prix soient rebasés à un à chaque nouvelle période ce qui, avec des coefficients techniques flexibles, empêche la mise en place d’une dynamique. En effet, sous l’hypothèse de coefficients techniques flexibles, rebaser les indices de prix impliquerait que les coefficients techniques reprennent leur valeur initiale et donc empêcherait toute forme de dynamisation du modèle. C’est pourquoi une analyse en unités monétaires n’est pas adaptée.

2.1.3 Le recours à une analyse en unités physiques dans le cadre d’un modèle dynamique

Un modèle dynamique avec coefficients techniques flexibles nécessite donc une approche en unités physiques. Comme nous l’avons vu dans le chapitre un, l’analyse input-output en prix et en unités physiques permet le calcul de nouveaux prix d’équilibre suite à un choc mais n’impose aucune contrainte sur la valeur des prix relatifs aussi bien ex-ante que ex-post.

La forme de la fonction de coût sous-jacente à l’analyse input-output en unités physiques est, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, une fonction de Leontief. Cette fonction est un cas particulier de la fonction de Leontief Généralisée63. C’est pourquoi, notre choix de sélection d’une fonction de coût flexible permettant des substitutions entre facteurs pour notre modèle portera sur la fonction de Leontief Généralisée dans notre modèle. Comme nous l’avons vu dans la partie un, cette fonction permet, de plus, de facilement calculer les coefficients techniques en unités physiques à l’équilibre. Ainsi le modèle aura recours à une fonction de coût de Leontief Généralisée ce qui permettra de calculer les coefficients techniques des échanges interindustriels mais aussi des autres facteurs de production de la forme : 𝑎𝑖𝑗= ∑ 𝑏𝑖𝑗 𝑛 𝑗=1 𝑝𝑗 1 2𝑝𝑖 1 2

Les coefficients techniques obtenus seront ensuite reportés dans la matrice de Leontief 𝐶 pour les coefficients sur les échanges industriels et dans le vecteur de la valeur ajoutée 𝑣𝑐 pour les coefficients relatifs à la valeur ajoutée. Les prix d’équilibres seront donc de la forme générale suivante :

63Il suffit d’imposer que les coefficients des termes croisés soient nuls, 𝑏𝑖𝑗 = 0 ∀𝑖 ≠ 𝑗, dans une fonction de Leontief Généralisée et nous retrouvons une fonction de Leontief simple.

Chapitre 2 Dépassement des limites de l’analyse input-output

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𝑝 = (𝐼 − 𝐶)−1𝑣𝑐

De cette façon, à partir des prix espérés par chacune des branches en début de période, seront calculés les demandes individuelles puis les prix équilibrant l’ensemble de l’économie sur la période considérée.