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Principe du gravimètre à atomes froids

1.4 Intérêt d'un gravimètre à atomes froids

1.4.2 Principe du gravimètre à atomes froids

Présentation Nous considérons un atome susceptible d'avoir la structure énergétique pré-sentée dans la gure 1.8, c'est-à-dire deux sous-niveaux dans l'état fondamental. C'est le cas des atomes alcalins (voir annexe B.1). En présence de faisceaux Raman susamment désaccordés par rapport à l'état excité, on peut alors montrer que la situation est analogue à un système à deux niveaux (|a > et |b >) [48].

Le temps de vie des deux états étant susamment long, le système n'est pas limité par l'émission spontanée des niveaux considérés. Ainsi, en éclairant de façon continue l'atome avec des faisceaux Raman à résonance, la probabilité de transition de l'atome vers l'état excité oscille dans le temps, à une pulsation appelée pulsation de Rabi. Comme nous le verrons plus loin (paragraphe 5.4.1), cette pulsation dépend de l'intensité lumineuse.

Ainsi, en contrôlant la durée et la puissance des faisceaux, il est également possible de contrôler la fraction atomique excitée dans l'état |b >. On appelle alors impulsion π/2 une impulsion Raman de durée et de puissance telles que l'atome se trouve dans une superposition équiprobable d'états |a > et |b >. Une impulsion π correspond à une inversion totale de l'état de l'atome.

Le gravimètre à atomes froids consiste en une séquence de trois impulsions Raman π/2 − π − π/2 séparées d'une même durée T. Les atomes suivent une trajectoire de chute libre sans vitesse initiale et les faisceaux Raman sont installés verticalement en conguration contra-propageante. Un diagramme d'espace-temps de l'expérience est représenté sur la gure 1.9.

Fig. 1.9 - Diagramme d'espace-temps de l'interféromètre Ramsey-Bordé symétrique.

Les atomes partent de l'état a sans vitesse initiale, soumis exclusivement à la force de pesanteur. A l'instant t = 0, ils subissent une première impulsion π/2 : chaque atome se retrouve dans une superposition quantique équiprobable de l'état a et de l'état b. La transition a → best associée à un transfert d'impulsion ~keff. Ainsi, après l'impulsion Raman, les deux états ont des trajectoires s'éloignant l'une de l'autre avec une vitesse ~.keff/m, où m est la masse de l'atome.

Au bout d'un temps T , une impulsion π inverse l'état interne de chaque atome. Comme les transitions a → b et b → a sont associées à des impulsions de recul de signes opposés, les deux trajectoires reconvergent spatialement après la deuxième impulsion. A l'instant 2T , les deux trajectoires se retrouvent au même point. Ce caractère symétrique fait que cet interféromètre est souvent appelé Ramsey-Bordé symétrique [49, 50].

Au temps t = 2T , une dernière impulsion π/2 est envoyée an de mélanger les états provenant des deux trajectoires. En sortie de cette impulsion, deux trajectoires diérentes apparaissent, chacune étant associée à un état diérent, et comportant un mélange équipro-bable des deux chemins possibles dans l'interféromètre.

L'expérience que nous venons de décrire est très semblable à un interféromètre de Mach-Zehnder dans le domaine optique. Dans ce dernier, un faisceau lumineux incident est divisé spatialement à l'aide d'une lame séparatrice. Les deux faisceaux s'éloignent progressivement, sont ensuite rééchis par des miroirs an de reconverger. Au point de convergence, une se-conde lame séparatrice mélange les photons des deux trajectoires. En sortie de lame, on

obtient deux bras dont l'intensité lumineuse dépend du déphasage entre les deux chemins pris par la lumière. Dans l'interféromètre de Ramsey-Bordé, nous avons en sortie d'interféro-mètre deux états d'énergie interne, dont la population dépend du déphasage entre les deux chemins pris par l'atome. La population relative d'un des états sera donc mesurée en sortie d'interféromètre.

Calcul de l'interféromètre Nous présentons ici un calcul simplié du déphasage de l'interféromètre [48, 51], an de mettre en évidence la dépendance de l'interféromètre au champ de pesanteur. Des calculs plus complets ont fait l'objet de nombreuses publications [50, 52, 53, 54, 55, 56, 57]. Nous considérons que l'atome est décrit par une onde plane d'impulsion initiale p0. En entrée d'interféromètre, l'état de l'atome s'écrit |a, p0 >.

Il faut alors calculer la phase accumulée par l'atome le long de chacune des trajectoires avant d'en faire la diérence. Cette phase est la somme de plusieurs contributions :

 La phase initiale de l'atome : les deux trajectoires démarrant du même point, la phase initiale sera la même pour les deux chemins empruntés.

 L'énergie interne de l'atome : lorsque l'atome est dans l'état |b >, son énergie interne est h.G, où G est la fréquence d'horloge de l'atome4. Il accumule donc dans le temps une phase 2π.G.t. Toutefois, les deux chemins passant le même temps T dans l'état b, cette contribution s'annule pour un interféromètre Ramsey-Bordé symétrique.

 La phase accumulée le long du trajet. Cette dernière est donnée par l'intégrale de chemin du Lagrangien du système le long de la trajectoire classique. Pour un atome dans un champ de pesanteur g constant, la diérence de phase en sortie d'interféromètre s'écrit : ∆Φchemin1 ~ I  1 2m. ˙z 2 (t) − m.g.z(t)  dt = 0 (1.6) La phase accumulée le long des deux trajectoires est rigoureusement la même.

Processus Phase communiquée

a → a 0

b → b 0

a → b ω.t − keff.z + φ b → a −(ω.t − keff.z + φ)

Tableau 1.9 - Phase communiquée à l'atome dans les diérentes interactions atome-photon.

4La fréquence d'horloge G correspond à la fréquence du photon se trouvant à résonance avec la transition entre les deux sous-niveaux hyperns de l'état fondamental d'un atome alcalin. Cela revient à dire que h.G est la diérence d'énergie entre les deux niveaux hyperns.

 La phase de l'onde lumineuse interagissant avec l'atome : lorsque l'atome interagit avec le photon, ce dernier lui transfère sa phase. Le tableau 1.9 recense les diérentes interactions possibles entre l'atome et l'onde laser de phase ω.t − keff.z + φ, ainsi que la phase communiquée à l'atome pour chaque processus. z correspond à la position classique de l'atome à l'instant t. Ici, le déphasage en sortie d'interféromètre est lié à cette seule contribution :

∆Φtot = ∆Φlaser = −keff. [(zA− zB) − (zC− zD)] + (φ1 − 2φ2+ φ3) (1.7) = keff.g.T2+ (φ1− 2φ2 + φ3) (1.8) Si le faisceau Raman a un temps de cohérence supérieur à 2T , le terme de phase φ1− 2φ2 + φ3 devient négligeable, et le déphasage de l'interféromètre est alors directement proportionnel à g.

Notons que ce calcul possède de nombreuses approximations : il utilise tout d'abord des ondes planes, puis suppose les atomes localisés dans le faisceau atomique. Une démarche plus rigoureuse a été développée par Christian Bordé [49, 52] : à l'aide d'un formalisme analogue à celui de l'optique gaussienne, il est possible de considérer n'importe quel type de paquet d'ondes et de le propager de façon exacte grâce à des matrices ABCD et au paramètre ξ. Ce formalisme permet de traiter des hamiltoniens au plus quadratiques en impulsion et en position. Il est notamment possible de rendre compte de façon exacte de l'inuence du gradient de gravité.

Interprétations Le calcul réalisé montre que le déphasage de l'interféromètre peut en-tièrement être imputé à la phase des lasers Raman. Expérimentalement, ces faisceaux sont co-propageants, et rétro-rééchis par un miroir. Le miroir crée des ondes stationnaires pour chaque faisceau. Il peut donc être considéré comme l'origine d'une "règle graduée lumineuse". L'expérience peut alors être interprétée comme suit : des atomes tombent en chute libre dans le vide ; en trois instants 0, T et 2T , leur position z(0), z(T ) et z(2T ) est inscrite sur leur phase ; la diérence des valeurs deux à deux donne la vitesse, et la diérence des vitesses deux à deux permet de déduire l'accélération verticale des atomes.

Une autre interprétation peut être donnée en réalisant un calcul perturbatif5 plutôt qu'un calcul exact [51] : en considérant le potentiel de pesanteur comme une perturbation par rapport à l'énergie cinétique, les contributions des diérents termes de phase (∆Φchemin et ∆Φlaser) seront aectées. Les atomes sont considérés sur une trajectoire classique sans vitesse initiale, et en l'absence du potentiel perturbateur, autrement dit, ils ne sont déplacés que s'ils interagissent avec la lumière. Le diagramme d'espace-temps est alors un parallèlogramme, et il apparaît immédiatement que la contribution du déphasage lumineux devient nulle.

Au contraire, la phase accumulée le long des diérents chemins classiques se calcule comme l'intégrale de chemin du potentiel de pesanteur le long de la trajectoire non perturbée. C'est donc le produit de m.g par l'aire du parallèlogramme, soit :

∆Φtot = ∆Φchemin= 1 ~.  ~.keff.T m .T  .(m.g) = keff.g.T2 (1.9) On retrouve le même résultat, mais cette fois, il correspond à l'aire enfermée par les bras de l'interféromètre. Il est donc intéressant de chercher à maximiser l'aire6 de l'interféromètre.